Nerida était étendue sur une couche sommaire, qui se révélait toute fois la plus jolie de toutes les Cabanes. Un gros enchevêtrement de coussins colorés au sein d'une profusion de jouets. La plupart étaient vieux et cassés, mais l'ensemble rendait un effet plutôt ravissant.
– Merci Sugar. Vas-t-en.
La sirène ouvrit les yeux. Un sourire tendre mais étrange éclaira le visage de Peter Pan. Nerida tremblait, le corps secoué de maigres spasmes. Peter rabattit sur elle une couverture brodée d'étoiles informes. Les Raccommodeurs n'étaient pas tous très doués.
Peter tenait entre ses mains une gamelle en fer où fumait une sorte de bouillie de viande. Les morceaux étaient petits mais tendres. Les Chasseurs avaient fait cuire la viande et Sugar l'avait assaisonnée. Nerida ne savait pas ce que c'était. Son regard était encore voilé par l'asthénie, et Peter lui enfournait de petites bouchées dans la gorge comme un nourrisson. Il trouvait un genre d'amusement innocent à imiter le rôle d'une mère.
– Tu aimes ?
Autour de Nerida étaient entreposées une foule de peluches aux formes variées, qui paraissaient observer la sirène en pleine exploration culinaire. Nerida semblait avoir du mal à mâcher. Des froncements minces striaient son front, au sommet du nez.
– Tu vas rester ici cette nuit. On va s'occuper de toi. Normalement, on n'a pas le droit de dormir dans la Salle de Jeu. Mais on va faire une exception.
Toute trace de haine et d'agitation avait déserté Peter. Il parlait d'une voix très basse, presque secrète, et posait sur la Fêlé un regard paternel. Il s'empara d'une peluche en forme de fantôme, créée à partir d'un vieux morceau de chiffon.
– Tiens, il me rappelle quelqu'un, celui-là !
Il plaça brutalement le fantôme devant le visage de Nerida, qui continuait de mâcher. Sans savoir, toujours, ce qu'elle mâchait.
L'enfant n'était plus là.
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Ancienne Sirène
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Sujet: Re: Still hoping ? Dim 20 Juil 2014 - 0:12
Le noir, le froid, l'oubli. Nerida flotte et vogue, ballotée par les courants de l'Inconscient. Elle est Légère, très Légère. Si Légère qu'elle Vole, encore. Portée par le Vent, portée par les Riens. Elle Dérive, inconsciente, oublieuse d'elle-même et de son corps, et qu'est-ce qu'un corps, de toutes façons, ce n'est que de la chair, une prison qui la lie à ce monde, à son état de Sirène, alors qu'elle voudrait tellement être humaine, Marcher, avoir des Jambes toujours, toujours, toujours. Elle est Bien, là. Elle aimerait ne pas Revenir. Elle aime sa Bulle de Légèreté, son Cocon de Confort loin de la Réalité. La triste, dure et implacable Réalité.
C'est une douleur sourde dans sa tête qui la réveille. Elle revient à elle lentement. Ca pulse dans son crâne, comme un Coeur qui bat, comme un Tambour qu'on martèle sans cesse. Avale. Hein ? Elle avale, machinalement, parce qu'on lui met quelque chose en bouche, et qu'elle est trop fatiguée, trop éreintée pour lutter. Trop éreintée pour penser à demander ce que c'est.
Elle aime ? Oui, elle aime. Elle sent que c'est bon, que ça la fortifie, qu'à chaque bouchée, son corps abimé semble se réchauffer, reprendre des forces. Elle se demande distraitement s'il y a de la Poudre de Fée dans la nourriture, et si c'est pour ça que la lui fait cet effet là. Ca doit assurément être quelque chose de Magique, qu'il y a dedans. Elle a l'impression d'avoir oublié quelque chose. Et le regard de Peter, toujours dans l'expectative, lui remet les Souvenirs en place. Elle hoche la tête. Oui, elle aime. Même si elle peine à mâcher un peu. Elle a encore du mal à coordonner ses mouvements.
Lentement, elle regarde autour d'elle. Des Couleurs, plein de Couleurs. Des Jouets d'enfants, une couverture d'Etoiles. La Fêlée redessine une Etoile malhabile du bout des doigts. Elle esquisse un léger sourire, et son regard se pose sur Pan, sur l'Enfant-Roi, sur ce Gamin Merveilleux qu'elle idéalise tant, et qui lui a permis de Vivre un Rêve pour quelques instants. Il est Calme. Il est Doux. Le Sourire de Nerida s'étire, lentement.
– Merci, Peter. De t'occuper d'elle, de faire une exception pour elle, de lui donner la becquée, de veiller sur elle... La liste est longue, et Nerida semble déborder d'Amour et d'Affection pour l'Enfant-Roi, qu'elle couve du regard.
Jusqu'à ce qu'un fantôme rapiécé vienne voler soudainement devant le nez de Nerida. Qui louche dessus, et manque d'avaler de travers, surprise. Elle toussotte, et regarde la peluche. Elle tend les mains, pour la prendre, avec douceur.
– Il te rappelle qui ? Moi ?
Parce qu'elle est pâle, la Fêlée, diablement pâle, tant et si bien qu'on pourrait s'étonner qu'elle ne soit pas transparente tant sa peau est diaphane. Elle semble presque irréelle. Quoi que. Il semblerait que ses joues aient déjà repris quelques couleurs, aussi absurde soit-ce. Mais elle n'en sait rien, Nerida. Ses doigts jouent avec la peluche fantomatique, et elle se contente d'ouvrir la bouche, et de laisser Peter la nourrir.
Elle ne réfléchit pas, pour le moment, son cerveau est encore trop dans les vapes. Et c'est bien mieux ainsi.
Peter Pan
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Sujet: Re: Still hoping ? Lun 4 Aoû 2014 - 17:11
STILL HOPING ?
PETER & NERIDA
Peter fronça les sourcils, non de colère mais sous l'effet d'une certaine perplexité. Les joues de Nerida se teintaient, aussi doucement qu'un pansement peu à peu embué de sang. Sauf que chez Nerida, c'était joli, plus à l'image d'un pétale s'ouvrant timidement à la chaleur solaire. Des éclats rosées fleurissaient sur ses joues et mangeaient peu à peu son aspect cadavérique. Peter assistait à cette éclosion inespérée, tout en s'enorgueillant d'en être l'instigateur. Car il ne faisait aucun doute que cette vie ravivée, apparaissait grâce à son action.
Tout excité par son rôle de bienfaiteur – il se représentait quasiment avec une auréole au-dessus de la tête – Peter déposa la peluche miteuse de fantôme tout près du visage de Nerida. Elle avait sué, surtout aux tempes, et ses cheveux lunaires étaient collées à sa peau près des oreilles. Peter les décolla avec précaution, tirant la langue sous l'effet de la concentration. Il reposa l'écuelle à moitié pleine sur le sol et continua d'observer le visage de Nerida, de plus en plus rosi. Elle devenait vraiment belle.
– Tu risques d'avoir un peu mal au ventre, Nerida. Parce que tu n'as pas l'habitude. Tu ne veux pas essayer de te lever, pour voir ? Je suis sûr que tu marcheras encore mieux qu'avant.
Son sourire était comme un soleil, encourageant une terre soudainement fertile. Il s'approcha un peu plus de la figure de la Fêlée et murmura :
– Tu sais, je ne l'ai pas tué, le garçon. Mais il est à l'infirmerie, parce qu'il a la collique. Tu ne dois plus t'inquiéter. Il ne faut pas saigner pour ça.
En effet, le crâne de Nerida était encore souillée d'un sang séché, noirâtre, que Peter avait tâché de laver avec maladresse. Un linge humide avait été posée au sommet de son front, et Peter l'aplatit de sa paume. Sa tendresse évoquait, plus que celle d'un père, les gestes mimétiques des fillettes à l'égard de leurs poupées.
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Ancienne Sirène
Invité
Sujet: Re: Still hoping ? Sam 6 Sep 2014 - 22:53
Les gestes tendres de Peter le font sourire, alimenteront bon nombre de ses rêves, et cette fois au moins, elle aura le plaisir et la satisfaction de se dire que ce n'est pas juste un Rêve, cette fois. Non. Ce sont des Souvenirs. C'est Réel. Pour une fois, le Réel l'emporte sur tous les Rêves de la Fêlée. Elle regarde l'Enfant Roi avec des yeux qui débordent d'un amour indicible. Il est là. Il s'occupe d'elle. Le reste n'a pas d'importance.
– Je n'ai pas l'habitude de quoi ? Je mange, tu sais, Peter. Je mange comme tout le monde. Des baies, des fruits, des racines, des algues. Ca ne me fait pas mal au ventre. Pourquoi j'aurais mal au ventre là ? Pas une seule seconde elle ne se dit que Peter puisse se jouer ainsi de ses convictions à elle et qu'il puisse la forcer à briser son strict et infernal régime alimentaire. Peter est bon, infiniment bon, peu importe ce qu'en disent les autres : elle, elle Sait. Elle sait mieux.
Et elle ne sait pas, surtout. Ce qu'il y a dans la gamelle que Peter pose au sol.
Peu-être que c'est parce qu'elle a dormi, qu'elle s'est reposée, qu'elle réalise que Peter n'est pas très logique aujourd'hui, qu'il dit beaucoup de choses insensées. Et qu'il continue, quand il dit qu'elle pourrait marcher mieux qu'avant. Drôle d'idée. Pourquoi dormir l'aiderait à mieux marcher ? Allons, Peter, ça ne fonctionne pas comme ça. Pas même à Never Land. Mais après tout, pourquoi pas ? Peter est magique, peut-être que sa Magie s'étend jusqu'à elle. Alors elle s'exécute : elle repousse la couverture étoilée et pose ses pieds au sol.
Tiens ? Elle bouge plus facilement, elle se sent plus vive, plus énergique, les mouvements sont souples, plus fluides, simples. Etrange. Elle lance un regard interrogateur au garçon face à elle, mais elle ne dit rien. Pas encore. Elle se lève. Ses Jambes sont stables. L'effort est bien moindre que d'ordinaire. Il n'y a presque pas d'effort, d'ailleurs. C'est facile, facile, facile. Marcher, être debout, c'est facile. Elle est en forme, elle le sent. Son corps lui obéit avec une facilité déconcertante.
Ses yeux se posent sur la gamelle abandonnée à ses pieds, et son coeur manque un battement, puis deux. Non. Non... Non, non, non, non. Peter n'aurait pas...
Non. Il n'a pas. Il le dit. Le garçon est à l'infirmerie. Il est vivant. Elle peine à retenir un soupir de soulagement.
– Saigner ? Elle porte sa main à son front, par mimétisme, imite telle une ombre pâle le geste de Pan. Elle touche le linge du bout des doigts, et les retrouve poisseux. Rouges. Oh... Désolée. Je ne fais pas exprès.
Un silence. Pourquoi est-elle aussi Vive ? Pourquoi son corps est aussi... vivant ? Pourquoi toutes les sensations sont tellement plus Intenses, pourquoi les Couleurs sont plus vives, les sons plus nets ? Son corps lui obéit et lui répond comme jamais avant. C'est... peut-être... un effet secondaire de la Poudre de Fée sur les Sirènes ? Elle ne sait pas. Elle n'a pas la moindre idée de ce qui pourrait causer cet inespéré gain d'énergie soudain et inattendu. Ou si... Elle a bien une idée, mais le garçon est vivant. Peter l'a dit. Elle le croit.
C'est certainement son instinct de survie qui la pousse à ne pas demander pourquoi elle est tellement en forme, quel est le secret derrière sa vigueur et son énergie. Même avec un corps en forme, même avec un corps solide, son esprit reste fragile, et une partie inconsciente d'elle sait qu'elle se briserait en mille et un morceaux et que personne ne pourrait recoller les parties de son âme.
Certains mystères ne sont pas faits pour être élucidés.
Peter est un garçon merveilleux, un enfant magique, qui déborde de Vie. Et c'est ça. La Raison. Peter déborde de Vie, et sa vigueur vient titiller Nerida, vient la toucher, la taquiner et la contaminer. C'est tout.
– Tu prends bien soin de moi. Merci.
Un silence. Un sourire reconnaissant. Bon sang, qu'elle est jolie, avec des couleurs, qu'est-ce que ça lui va bien, d'être entièrement et totalement Vivante. Le rose aux joues, les yeux brillants. Elle regarde autour d'elle, l'esprit étonnamment désembué et clair. Elle n'a aucune difficultés à rester dans le Réel, n'a pas de Pensées qui la font Vagabonder. Elle est là, et bel et bien là. Présente. Entière. Vivante. Tellement vivante.
Et assez consciente pour réaliser une chose qu'elle préférerait oublier, si elle avait le choix.
– On est loin du lever du soleil ?
Parce qu'à cet instant, Nerida n'est pas dans la Lune. Nerida a les pieds tellement sur terre qu'elle réfléchit à ces choses-là. A demain. Au jour. A la fin de la Nuit qui vient. A la fin de ses Jambes.
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Sujet: Re: Still hoping ? Mar 23 Sep 2014 - 16:40
STILL HOPING ?
PETER & NERIDA
Son visage s'illumina, fier et réjoui, lorsque la stature de Nerida s'étira gracieusement en s'élançant dans la pièce, petits pas puissants qui n'avaient rien à voir avec sa démarche coutumière. Une assurance stable et inédite accompagnait sa silhouette. Peter l'applaudit même en riant, grisé par ce qu'il voyait comme un exploit. Il hocha la tête, sorte de fausse humilité, lorsque Nerida le remercia. Il se sentait comme un vrai papa, mais toujours conscient du jeu, n'en était pas effrayé. Juste ravi, juste excité. Il laissa passer un moment avant de répondre à la question de la sirène, qui lui rappelait une fatalité qu'il ne voulait pas affronter. L'instant suspendu qu'il vivait avec la Fêlée lui plaisait encore davantage que ce qu'il aurait pensé – si tant est, à nouveau, qu'il sût penser.
Peter empoigna délicatement le linge et le lissa sur les genoux, dans un geste à la fois méticuleux et distrait. Il poussa d'un coup de pied une figurine de dragon animée qui tentait de s'attraper la queue avant de daigner tourner la tête vers sa protégée du jour. Enfin, de la nuit.
– Tu sais, je peux peut-être demander à l'Esprit Nuit de marcher plus longtemps. Après tout... Il fronça les sourcils, bizarrement, comme s'il ne savait plus trop comment sa phrase allait finir. Après tout, ceci est mon oeuvre. Ceci est mon île. C'est moi qui commande, n'est-ce pas ?
A présent que les jambes de Nerida n'avaient jamais si bien fonctionné, à présent qu'elle était fringante, et rose, et vivante ! Oui, à présent qu'il lui avait donné la vie, à la manière d'un père, d'un dieu, pourquoi tout devrait finir ? Pourquoi le jeu devait s'arrêter ? Il n'avait rien décidé. Et c'était lui, toujours lui, qui annonçait la fin du jeu.
– Tu ne peux pas redevenir une sirène !! s'énerva-t-il brusquement, agitant ses bras fluets avec colère. Non. Non ! C'est trop bête, tout vient juste de commencer. Tu viens seulement d'avoir du rose sur tes joues. Grâce à moi, grâce à moi ! L'Esprit Nuit ne peut pas se coucher ! Et d'ailleurs, je lui demanderai de marcher sur le pays pour l'éternité ! Ainsi il ne fera jamais jour, ainsi le soleil dormira pour toujours, ainsi jamais plus tu n'auras d'écailles. Et on peut continuer à jouer. Nerida.
Il y avait comme de la détresse, étouffée par la vésanie de son discours, dans sa voix.
– Je suis sûr que tu veux rester avec moi. Surtout qu'il y a plein d'enfants qui ne servent à rien ici... Tu pourras avoir du rose sur tes joues sans cesse. Et marcher, marcher très longtemps. Même voler.
Son souffle était devenu raide, saccadé, ses yeux démesurément luisants.
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L'Ombre
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Sujet: Re: Still hoping ? Dim 29 Nov 2015 - 20:34
The End
Et parmi les enfants, Nul ne sait vraiment, Si la sirène finit, En un tragique élan, Par suivre Peter Pan, Dans cette folle lubie, Ce qu'on sait en tous cas, C'est qu'on n'la revit pas...
FIN DE L'AVENTURE
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Sujet: Re: Still hoping ?
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