La Mésange qui se montrait dissidente devenait plus coopérative après cette risque de chute. S’il fallait commencer à carrément la menacer de mort pour qu’elle soit plus docile, ça s’aventurait sur un terrain compliqué. Un vrai accident est si vite arrivé, et ensuite plus de jouet.

Fort ennuyeux.

Pit se contenta d’écouter les mots de la Mésange qui semblait se trémousser de manière à paraître toute désolée.
Le Joker avait ce fin sourire qui était là juste pour confirmer que le Chef souriait tout le temps, parce que sinon à cet instant, il ne sourirait pas. Un gloussement vint au final alors que les yeux s’intéressaient plutôt au ciel.

- Si t’es une Mésange faut pas jouer au chien.

Puis les iris retombèrent sur Heaven.
Elle l’écouterait jusqu’au bout cette fois ? Ou bien fallait-il l’enchaîner ? Ces questionnements s’envolèrent, l’esprit se souvenait qu’elle lui devrait une dette qui ne serait jamais remboursée.

Il fallait le lui rappeler peut-être. Et elle s’était mise là-dedans toute seule.

- Alors, tu sais que j’aime pas qu’on se plie pas aux règles, non ? Donc maintenant, tu vas me faire le plaisir d’être aussi agréable que la Mésange que t’es sensée être.

Une Poupée déguisée en mésange.
Pit lui prit doucement le dessous de la mâchoire, comme pour être sûr qu’elle ne se détournait pas de ce qu’il lui disait.

- Et maintenant, tu me dois ta vie, non ? Te voilà à jamais mêlée à mon Jeu.

Comme tous, mais tous n’en avaient pas conscience, ou Pit ne s’était pas encore occupé d’eux.

- On va revoir les règles, quatre jours c’est trop apparemment.

Les yeux étaient comme accrochés à ceux d’Heaven, comme s’ils cherchaient à compter le nombre de petites légères asymétries que l’on pourrait trouver dans les iris.
L’absinthe perçante.

- Chaque jour, je veux que tu me rapportes un truc chaque jour. Ça peut être n’importe quoi, un objet qui pourrait attirer mon attention, des ragots intéressants que t’aurais entendu.

Il gloussa.

- T’auras une récompense aussi, t'avais bien aimé celle pour la sirène, non ?. Mais là, c’est vraiment le dernier palier de ma patience, ma chère.

Le Joker ne plaisantait pas.

Les yeux d'Heaven essayaient de trouver un point où se poser, sans succès. Ils allaient et venaient, de droite à gauche, alors qu'elle, se trémoussait, les mains à terre et sur les genoux.

- Si t’es une Mésange faut pas jouer au chien.

Automatique.
Le regard de la Mésange vint se planter dans celui de Pit. Les sourcils froncés, elle avait l'air de lui en vouloir, d'avoir fait cette remarque. Son regard se faisait froid, menaçant.

- Je ne suis pas un chien.

Dit-elle gravement, sans sourire, visiblement peu satisfaite de cette remarque.
C'est lui le chien, c'est Roscoe. Et Weasel, c'est DeSoto. Deux saletés de clébards.
Deux... Deux... Ils sont mauvais tous les deux, non ? Weasel, c'est sûr, il est purement mauvais, mais Pit ?

- Alors, tu sais que j’aime pas qu’on se plie pas aux règles, non ? Donc maintenant, tu vas me faire le plaisir d’être aussi agréable que la Mésange que t’es sensée être.

"Comment je devrais être ?"

Son expression se détendit un peu, mais elle ne souriait toujours pas, visiblement perturbée.
Elle faisait ce qu'elle voulait, non ? On n'avait pas à lui commander de se comporter d'une certaine manière... non ? Même pas lui, hein ?
On lui a dit, plus qu'une fois, qu'elle devait arrêter les PSSEP. Elle se cache, mais elle assure pourtant toujours ses réunions. Alors pourquoi cela l'embête-t-elle à ce point de contredire le Joker ?
Et puis... Pourquoi toujours lui, maintenant ?
Pourquoi ces larmes qui ne coulent pas mais font briller ses yeux, rendant ses iris roses un peu plus lumineuses ? Pourquoi viennent-elles ?
Il les verra sûrement, lui qui a son regard plongé dans le sien, lui qui lui a de nouveau posé sa main sous le menton, lui qui a tout compris d'elle...
Comment elle fonctionne.

- Et maintenant, tu me dois ta vie, non ? Te voilà à jamais mêlée à mon Jeu.

Comment la piéger.

- On va revoir les règles, quatre jours c’est trop apparemment.

Comment lui imposer des règles et des contraintes.

- Chaque jour, je veux que tu me rapportes un truc chaque jour. Ça peut être n’importe quoi, un objet qui pourrait attirer mon attention, des ragots intéressants que t’aurais entendu.

Ce qu'on peut bien lui faire faire pour être satisfait.

- T’auras une récompense aussi, t'avais bien aimé celle pour la sirène, non ? Mais là, c’est vraiment le dernier palier de ma patience, ma chère.

Ses points faibles, ce qu'elle veut.
Ce qu'elle ne comprend pas vraiment elle-même.

- D'accord...

Répondit simplement la jeune fille d'une voix sans timbre, le regard dans le vague, comme lorsque l'on est sous hypnose, ou tout simplement perturbé. Les larmes avaient disparu, n'avaient pas coulé. Elles n'avaient rien à faire dans ses yeux, il n'y avait pas de raison qu'elles soient là. Du moins, Heaven n'en avait pas trouvé une, de raison.

Et puis, elle se retira un peu, prit la main de Pit, celle qui soutenait sa mâchoire, entre ses deux mains, toujours en le regardant sans le regarder, la bouche un peu entrouverte, comme si elle allait dire quelque chose, et elle baissa la tête.
Elle resta longtemps ainsi, sans rien dire, le regard assombri, et caressant doucement la main du Joker.

- Pitou ?

Elle releva les yeux vers le Chef des Raccommodeurs, et continua, soucieuse :

- On ne va vraiment plus m'aimer si je suis bannie, un jour ?

La question lui était sortie toute seule, comme si elle ne l'avait pas désiré, comme si ce n'était pas elle qui parlait. Mais il fallait qu'elle sache.

Un sourire satisfait se peignit sur le visage du Joker, la Mésange était si docile maintenant. C’en était très rafraichissant, ce joli contrôle.

Bon, elle avait une attitude étrange, certes. Pit ne comprenait pas pourquoi elle semblait au bord des larmes, il avait été trop violent ? Pourtant il ne le lui semblait pas. Il l’avait encore prise avec des pincettes, non ?
Il la laissait manipuler sa main sans résistance, il n’y avait aucun intérêt. Autant la laisser faire, si ça la rassurait.

Le Chef pensa tout de même à la curiosité qui le poussait à vouloir lui demander à quoi elle pouvait bien penser pour avoir les yeux comme ça, cependant… il fut coupé par l’interpellation. Par ce surnom affectif, apparemment, que la Mésange lui donnait. Tout en lui laissant sa main comme « jouet » du moment, puisqu’elle s’amusait à la lui caresser.

Les iris de couleur particulière se relevèrent enfin sur le Joker, le ton avait quelque chose de particulier. De lointain, de soucieux peut-être ?

La question aussi particulière que la teinte des yeux de la Récolteuse arriva, Pit dû afficher un regard sans doute interrogateur. Pourquoi cette question ? Elle avait prévu de faillir à ce qu’il demandait et préférait être dénoncée ?
Ce ne serait pas amusant, ça n’avait pas de sens, selon Pit.

Le Joker souriait toujours, mais ce n’était pas aussi exagéré. Non, juste un léger trait à peine courbé.

- « On », sans doute beaucoup de Garçons Perdus. Mais y en a toujours dans le tas qui gardent ne détestent pas les bannis.

Le Chef se releva et voulu entrainer Heaven à faire de même en la prenant par la main qu’elle tenait. Il venait d’avoir les fourmillements aux jambes, fallait se mettre à marcher, selon lui en tout cas.

- Pourquoi tu me demandes ça ? T’as prévu de te faire bannir ? T’as prévu de pas jouer mon jeu et de m’agacer ? Hey, si t’as rien un jour, tu viens quand même me voir. Pas besoin de paniquer et de se faire bannir pour je ne sais qu’elle raison.

Puis le Joker commença à avancer vers une autre passerelle qui descendait un peu, il voulait bouger un peu. Se balader, se tenir réveillé. La fatigue était affreuse par moment, il se frotta d’ailleurs un œil et se retint de bâiller.

- Pourquoi tu te ferais bannir, et pourquoi t'avais les larmes aux yeux aussi ?

Toujours beaucoup de "pourquoi", le Joker était curieux au fond.

Logique. Naturellement, qu'il y en avaient qui ne considéraient plus les Bannis comme d'anciens camarades, juste des ennemis potentiels, ou de sales traîtres. C'était ce que pensait la grande majorité des Garçons Perdus, Pit venait de le confirmer. Mais il y avait des exceptions, une minorité, qui peuvent se souvenir d'eux, ou même, en les oubliant, continuer à sympathiser.
Après tout, il y avait bien elle et Silver... Mais cela, n'était-ce pas simplement une question de sentiments, plutôt ? Une exception... qui confirme une autre exception ?
Heaven, elle, jette allègrement des tomates, ou non, en fonction des Bannis. Si elle les apprécie, elle est vraiment triste pour eux... Sinon, elle est bien contente de les voir partir.
Oui, c'est effectivement égoïste.

La Mésange eut un sursaut de surprise lorsque Pit lui prit la main et se releva, l'entraînant avec lui. Et puis, il lui posa la question, à savoir pourquoi elle lui demandait une chose pareille. Et puis s'ensuivit une ribambelle d'autres questions, qui finirent par faire sourire Heaven. C'est que le Chef des Raccommodeurs craignait de voir s'envoler son oiseau, il allait si loin dans son raisonnement, allant jusqu'à dire qu'Heaven allait se faire bannir pour l'agacer.
Ho non, elle ne voulait en aucun cas se faire bannir. Bien qu'il y avait toujours la possibilité de rejoindre Silver, Heaven se sentait bien mieux au Grand Arbre, il faut dire que c'est plus confortable. Et puis, il y a les autres. Mais... ils auraient tendance à passer au second plan, maintenant...

Ils prirent une passerelle qui descendait légèrement. Heaven, tremblante, s'accrochait fermement aux cordages, écoutant Pit qui lui posait encore d'autres questions, revenant sur celle du bannissement, puis arrivant à ses larmes.
Ha, oui, les larmes...
Celles qui étaient venues sur le coup de la surprise et de la tristesse, d'avoir pensé à lui en premier plutôt qu'à Silver. C'étaient des larmes de peur, aussi, la peur de peut être voir son proscrit lentement effacé de son esprit, et remplacé par cet adolescent dont émane une certaine aura quelques peu troublante...
Il fallait qu'ils se revoient, vite.

De nouveau sur une plate-forme, stable. Soupir de soulagement.

- En ce qui concerne mes larmes, disons que c'est compliqué. Pour ce qui est du bannissement... J'ai peur de ne pas toujours arriver à prévoir les changements de mon coeur. Il peut y avoir une faille, et là, je serai sans doute perdue...

Elle leva les yeux vers son interlocuteur, avant de poursuivre, d'un ton déterminé :

- C'était juste pour anticiper. Mais, si je suis bannie un jour, ce sera après toi. Parce que...

J'ai envie de passer un peu de bon temps, parce que mine de rien, c'est pas désagréable d'être en ta compagnie, maintenant...

- ... Je dois te surveiller ! Toi, et ta fouine de compagnie !

Elle lui dit cela en lui servant un grand sourire. C'était aussi une part de la vérité, et, bien qu'il soit remonté dans l'estime de la Mésange, il n'en restait pas moins suspicieux. Par contre, si Heaven avait dit l'autre moitié de la vérité, celle qu'elle a découvert récemment avec l'arrivée de la "récompense", la discussion aurait sans doute pris une autre tournure...

Les explications furent données, il y avait de quoi être satisfait, normalement. Pit sembla réfléchir un instant, c’était ce qu’il faisait.

Donc Heaven devait absolument ne pas être bannie avant lui, au risque de ne plus pouvoir surveiller le Joker et le Loyal ?
Pit en rit, comme si elle pourrait faire réellement quelque chose, elle n’avait pas conscience de la totalité du Jeu. Ni même des antécédents, plutôt… graves mais si amusants. Sourire plus restreint. La Poupée Déguisée restait une poupée.

- Tu surveilles ce qui te surveille ? C’est un concept intéressant.

Puis le Chef se remit en marche, entraînant toujours la Mésange avec lui. Il avait passé trop de temps à devoir jouer à cache-cache avec elle. Selon ses goûts.

Au fil des pas, doucement, le chemin devenait celui de la Mercerie.

- Des failles, genre quoi ? Du style mal au cœur comme l’autre fois ?

Pit fixait de ses iris beaucoup trop vertes la Mésange qu’il promenait, et qu’il menait un peu plus au commencement, là où elle avait été mise en cage.

Le concept de ce qui entourait le terme du cœur, ça, le Chef des Raccommodeurs n’y connaissait rien du tout. C’était une chose trop lointaine, et qu’il n’avait sans doute jamais connu.
Si sa mémoire avait été intacte, Pit aurait sans doute pu dire qu’il avait tenu à sa petite sœur. Ou a un ami qui payait juste pour qu’ils soient ensemble pendant des journées entières. C’étaient les seuls moments où la vie de l’adolescent avait été « normale ». Faire autre chose en dehors de ce qui touchait à l’école et ce motel.

Le Joker confondait amitié et amour sans doute, il avait eu confondu ces choses. À quoi servait l’amour si on faisait déjà beaucoup par « amitié » ?

Mais tout ça, c’était loin. Dévoré et digéré par l’île, les souvenirs ne reviendraient jamais. Juste des réflex, juste des habitudes, juste des logiques. Des réactions mais sans réponse au pourquoi.

La Mercerie se montrait de plus en plus, mais le Joker poursuivait sa marche, il ricana après avoir imaginé une chose. Une sorte de jeu avec une carte entre deux personnes.

Spoiler:

Cela amusait Heaven de voir le Joker en train de méditer sur ce qu'elle avait dit. Le petit sourire qu'elle affichait n'avait pas quitté ses lèvres, même lorsque le Chef des Raccommodeurs fit la remarque que son idée se résumait à surveiller ceux qui la surveillent.
On est jamais trop prudent, comme on dit.

Ils se remirent bientôt en route, descendant de plus en plus, pour revenir à un niveau plus respectable, celui où se trouvaient certaines Cabanes importantes, les Principales. Heaven se laissait guider insoucieusement, trop occupée à prendre garde à où elle mettait les pieds. Elle ne voyait plus les passerelles de la même manière, maintenant... Toutes constituaient un danger potentiel.
Ils avançaient, parfois ralentissant à cause de la Mésange qui se trouvait un peu trop près du bord et qui ne voulait pas perdre l'équilibre, sans pouvoir se rattraper et encore moins déployer ses ailes, lorsque Pit questionna :

- Des failles, genre quoi ? Du style mal au cœur comme l’autre fois ?

- Peut être bien... Enfin, je ne sais plus exactement ce qu'est ce mal de coeur dont tu me parles...

Lui répondit-elle, son regard s'étant détaché du vert des yeux de Pit pour aller s'orienter vers le plancher qui craquait un peu trop à son goût.

- Mais le plus dangereux serait que je n'arrive plus à réfréner mes sentiments... Je les bride, ainsi, ile ne me feront plus de tort.

Son ton était calme, quoi qu'un peu hésitant. La simple idée d'un Bannissement lui faisait froid dans le dos, encore plus si c'était le sien, mais elle n'aurait pas à y penser; du moins, pas tant que le Chef des Raccommodeurs sera encore là.
Pourtant, il ne faut pas se relâcher...
Une partie de leur progression se passa dans le silence le plus complet. Heaven voulait bien dire quelque chose, mais elle ne se décida qu'à un certain moment, et demanda enfin :

- Cela t'intéresse-t-il d'une manière ou d'une autre ? Parce que moi, ça ne me dérange pas de t'expliquer "ce qui vient du coeur"... tu as sûrement dû savoir ce genre de choses, avant. Connais-tu encore la notion d'amitié ?

Elle avait reporté son regard sur le Chef des Raccommodeurs, son air se faisant interrogateur. Et puis, elle eut brusquement envie de se faire une idée du lieu où ils étaient, à quel niveau de l'arbre, détail qui se révèle être pourtant important et dont Heaven n'avait pas accordé d'attention jusqu'à maintenant.
Regardant presque aussitôt autour d'elle pour savoir où ils se trouvaient, la jeune fille eut alors comme une impression de déja vu, regardant à droite, puis à gauche, et ce n'était pas anodin : droit devant eux se trouvait la Mercerie.

L'adolescente crispa ses doigts sur la main de Pit, et stoppa net presque aussitôt, comme pétrifiée. Cela faisaut longtemps qu'elle n'avait pas mis les pieds dans la Mercerie, et justement, elle prenait maintenant bien soin de ne plus jamais passer par cet endroit, qui lui rappelait trop de mauvais souvenirs. Ceux-ci jaillirent dans son esprit comme un mauvais rêve dont on se rappelle, et qu'on aimerait oublier, faisant brusquement augmenter son stress.
Les yeux écarquillés, sa main libre vint serrer sa robe, à laquelle Heaven jeta un bref coup d'oeil, passant de sa robe, à la Mercerie, puis au Maître des lieux, à qui elle finit par demander, d'une voix faible et peu assurée :

- Pit, pourquoi sommes-nous ici ? Je ne veux pas y aller, je n'aime pas être ici...

Elle n'avait même pas employé le petit surnom du blond, preuve de son angoisse à l'idée de retourner dans un lieu qu'elle ne voyait plus de la même manière, dont les couleurs n'étaient pas aussi chaleureuses et accueillantes qu'elles en avaient l'air.
La Récolteuse ne bougeait plus, et respirait à peine, sans quitter des yeux la Cabane Principale des Raccommodeurs. Pourtant, une simple pression pourrait la faire repartir, car elle avait beau être immobile et comme ancrée dans le sol, on pouvait aisément la faire suivre, un peu comme une peluche qu'un enfant traînerait derrière lui...

Elle se retrouvait devant ce lieu qui avait servi de tribunal, où la vérité avait éclaté.
T'as grandi.
Ce lieu dont elle ne se méfiait pas d'abord, plus préoccupée par le Maître des lieux, puis qu'elle a commencé à détester, à cause tout d'abord de ce rideau, et puis, de ces murs froids et rugueux contre lesquels elle s'appuyait, et aussi à cause de ce qu'elle y avait vécu, et enfin, pour ce qu'elle avait vu trainer non loin. La fouine et son harmonica, près de la Mercerie...
N'était-ce pas là que tout avait commencé ?

HRP:

L’esprit du Joker voulait bien se concentrer sur ce que lui disait la Mésange, elle parlait de réfréner ses sentiments pour ne plus grandir. C’était vrai qu’elle risquait de se faire renvoyer très vite si elle grandissait encore. Elle dépasserait l’âge limite du Grand Arbre, elle serait sans doute un jouet bien compliqué à garder en place.

Un temps plus ou moins long, l’esprit de Pit voyageait un peu ailleurs, dans ces endroits noirs, vides, où se trouvaient auparavant les souvenirs.

Et ce fut les paroles de la Récolteuse, qui ramèrent le Chef des Raccommodeurs à son affaire. Sourire, toujours, mais les sourcils froncés.
Il voulu répondre mais il sentit le changement de pression, sur sa main. Et une autre question. La panique vint se peindre sur le visage de la Mésange apparemment.

Les iris trop vertes se posèrent sur la Mercerie, elles étaient étonnées de savoir que ce lieu avait encore des répercussions. Quel beau conditionnement.
Pit haussa les épaules.

- Je comptais pas te torturer, c’est juste par mécanisme que mes pas m’ont dirigé ici. On peut aller ailleurs si ce bel endroit te dérange quand même. Faut juste que j’y aille faire quelques retouches rapides sur un déguisement. C’est à cause de toi que j’ai dû arrêter mon boulot.

Le Joker ne tenait pas à mener Heaven quelque part en particulier, il avait décidé de se bouger juste parce qu’il en avait bien envie. Il tourna la Mésange face à lui, pour qu’elle cesse de faire fixette sur la cabane colorée.

- T’es pas sensée m’expliquer des trucs ? Enfin, je sais encore ce que c’est l’amitié, je suis pas idiot non plus.

Il regarda ensuite à droite, puis à gauche, il finit par choisir la dernière direction. Gauche. Il était plutôt satisfait de lui, il avait pu savoir un élément plutôt intéressant. L’impacte de la simple cabane sur la Récolteuse.

- Après on ira par là, c’est pas la Mercerie là-bas, hein ? Mais d’abord, je dois vraiment m’occuper de mon job, tu me dois bien ça, non ?

Large sourire et un rire.

Tout s’était enchaîné, le Joker commençait déjà à traîner la Poupée Déguisée avec lui dans la Mercerie.
Une fois dedans, il n’y avait personne, c’était le temps libre après tout. Il laissa Heaven sur le pas de la porte de l’arrière boutique, et il alla rajuster le col de la cape en peau de sirène.

Cette même peau que la Récolteuse lui avait amenée, traitée et transformée en cuir évidemment. Elle était dans des tons bleutés changeants suivant l’angle de vue et la lumière ambiante. Un petit chef d’œuvre.
Pit corrigeait quelques défauts, pour que ce soit parfait. Pour quand tout redeviendrait à la normale. Après le feu, il fallait de l’eau.

Le Joker jeta un regard à la Poupée Déguisée.

- Alors ? Explique-moi. Mon attention est toute à toi, même si tu la partage un peu avec cette cape.

Léger rire, ça l’amusait un peu. Et au moins, ici, il faisait déjà un peu plus frais que dehors.

Il ne lui voulait aucun mal en l'amenant ici, c'était mécanique, qu'il disait, il avait quelque chose à terminer.
La lression se fit plus forte sur sa main, Heaven n'était pas du tout rassurée tout de même. Mais elle déserra sa prise lorsque le Chef des Raccommodeurs l'accusa, disant que c'était de sa faute s'il n'avait pas pu finir son travail.
Elle baissa les yeux, bredouilla faiblement un "Excuse-moi", avant de se retrouver face au blond, qui lui demander d'expliciter des choses, en rajoutant qu'il savait ce qu'était l'amitié. Ce à quoi la Récolteuse répondit, piteusement :

- Pardon, je voulais pas te prendre pour un con...

Mais c'est dur de savoir si tu as seulement des "pions" ou aussi des amis....
Il serait donc peut être ami avec sa fouine d'acolyte ? Ou peut être même qu'il aurait d'autres amis ? Ça se résumerait à quoi, d'être ami avec ce type ? Comment ça se passerait ?
Cette question la tracassait. Et puis, Heaven ne savait même pas comment elle considérait vraiment Pit. Roscoe, le géolier, un sale chien... Ce genre d'images qu'elle se faisait de lui auparavant commençaient à se bonifier, en y repensant. D'autant plus qu'à cet instant, il la rassurait en disant qu'ils prendraient ensuite une autre direction.

La Mésange bredouilla de nouveau quelques excuses, un peu confuse, avant de se faire entraîner à l'intérieur de la Cabane Principale des Raccommodeurs, les yeux rivés vers le sol.
Elle était vide, c'était la pause. Ho, si elle n'avait pas désobéi, elle ne serait sans doute pas là... Et puis, elle avait déçu Pit, elle n'était pas fair-play...
Pourquoi ce détail commençait-il à la tracasser autant ?

Arrêtée au pas de la porte de l'arrière-boutique, elle ne put résister à la tentation de jeter un oeil dans la petite salle pour voir ce que faisait le Joker. Et c'est avec effroi qu'elle découvrit ce qu'était devenue la peau de Sirène : une cape.
Elle n'eut pas besoin de trop réfléchir pour savoir à qui cette cape serait destinée, et cela rebutait un peu la jeune fille d'aboir été chercher quelque chose qui serait destiné au Tyran miniature.

Bah, de toute façon, tous les déguisements et autres qui se trouvaient dans cette pièce lui étaient destinés.

Elle eut juste le temps de se plaquer contre le mur avant que Pit ne se retourne et la regarde, pour poser de nouveau une question :

- Alors ? Explique-moi. Mon attention est toute à toi, même si tu la partage un peu avec cette cape.

Sa dernière phrase la vexa, sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte. Son attention était partagée entre Heaven et la cape ? Quel culot il a ! Pour la jeune fille, c'est elle, et elle seule, qui doit capter son attention ! Pas question de la "partager" avec cette foutue cape !

- C'est moi, ou rien du tout !

Siffla-t-elle sans vraiment s'en apercevoir, avant de faire volte-face et de manquer de faire tomber un gros rouleau de tissu noir, qu'elle rattrapa de justesse.
Elle l'examina longuement, avant de déclarer avec un grand sourire, un peu absente :

- J'aimerai une belle robe noire... comme celle que j'avais portée lors de ce Bal aux Splendeurs de Versailles... Encore plus belle, même !

Ceux qui connaissaient Heaven en général auraient sûrement dit que ce n'était pas elle qui aurait dit ça. Parce qu'Heaven se souvie peu de sa tenue, et puis, aussi, elle n'est pas du genre à vouloir constamment attirer l'attention sur elle...
Parce qu'elle fait attention à ne pas se montrer ainsi, alors que cela fait partie de sa nature. Chassé naturel revient au galop...

Son esprit vagabond revint presque aussitôt, alors qu'elle remettait bien en place ce qu'elle avait manqué de faire tomber. Et puis, elle regarda autour d'elle, lâcha un soupir. Elle était dans la grande salle, celle dans laquelle les Raccommodeurs s'activaient lorsqu'elle était venue, et déclara simplement :

- Il fait meilleur ici... Ah ! Excuse-moi, je m'égare ! Donc, que veux-tu savoir exactement ? Je dois t'avouer que je suis un peu perdue, là...

Elle se retourna de nouveau, un peu troublée.
C'est vrai; elle devait lui expliquer tant de choses... Et qu'est-ce qu'il voulait savoir, en particulier ?

Le Joker leva un sourcil face à la réponse de la Mésange. D’abord surpris, puis un sourire amusé se montra. Elle ou rien ? Un gloussement trouva l’entrée des airs, alors que les doigts du Chef des Raccommodeurs s’occupait du col de la cape. Un ou deux points de couture. Pas plus, et ce serait parfait au final.

Il fut déconcentré par un bruit, l’invitée avait réussi à faire une bêtise ? Penchant un peu la tête, Pit put voir que ce n’était rien et se concentra à nouveau sur son œuvre.
Il arrêta le fil, et se recula pour mieux voir l’ensemble. Il adorait.

- Bon, bon… Heaven on peut…

Il se coupa, remarquant que la Mésange parlait seule. Il ne comprit pas pourquoi elle parlait de Versailles.
Ou de robe plutôt.
Du coup, il s’approcha nonchalamment. L’esprit ne parvenait pas à mettre en place les éléments. Il s’appuya au cadre de la porte, mains dans les poches. Il serra les doigts sur le jeu de cartes rangé.

Finalement, elle lui parla, lui demandant ce qu’il voulait savoir. Elle avait déjà oublié ? Il haussa simplement les épaules. Puis le sourire s’afficha, plus restreint, mais là.

- T’as dit que tu voulais bien m’expliquer « ce qui vient du cœur », t’as parlé de la notion d’amitié aussi.

Le Joker sortit son jeu de cartes, s’amusant à faire quelques petits tours, puis il s’arrêta net. Relevant les iris d’absinthe sur Heaven.

- Ah, excuse-moi.

Il quitta son appui en replaçant les cartes dans la poche, et il vint se planter droit devant la Mésange en cage.

- J’avais oublié que c’était « toi ou rien du tout ». T’avais peur que je t’écoute pas quand tu m’as dit ça ?

Un peu penché en avant, comme pour un peu atteindre la taille de la Récolteuse, le sourire était là. Toujours. Mais plus restreint, comme souvent.
C’était le Joueur.
Il laissa ses yeux glisser sur la jeune fille, elle avait parlé de robe. Il cherchait à évaluer les mesures, à peu prêt. Mais ce n’était pas ça qui importait à l’esprit pour le moment. Il s’agissait plutôt de s’occuper de ce que pourrait répondre la Récolteuse aux cheveux roses.

Pit prit ensuite les mains de Heaven et l’entraîna vers l’une des tables, il s’assit dessus face à la Poupée Déguisée.

- Explique-moi tout ça. Je suis tout à toi.

Il fallait remettre une analyse sur la Mésange, au final.

Il se trouvait maintenant à l'angle de la porte, adossé à son cadre. Et puis, il lui dit enfin ce qu'il voulait savoir. C'était vraiment ce genre de choses qui l'intéressaient ? Pourtant, en général, il ne comprend pas, justement, ce qui vient du coeur, et il semblait s'en ficher. Aurait-il envie d'en apprendre un peu plus maintenant ? Et pourquoi donc, d'ailleurs ?
La Mésange ne comprenait pas pourquoi il voulait brusquement savoir cela. Elle le fixait, sans répondre, alors qu'il jouait avec ses cartes. Et puis, il s'arrêta brusquement.

- Ah, excuse-moi.

Dit-il simplement, rangeant ses cartes et venant se planter juste devant Heaven, qui ne comprenait pas vraiment ce qui se passait. Un peu troublée, que ce soit par ce qu'il voulait savoir que par son attitude, là, maintenant, elle ne put s'empêcher de rougir, regardant le blond avec de grands yeux, avant que celui-ci ne déclare :

- J’avais oublié que c’était « toi ou rien du tout ». T’avais peur que je t’écoute pas quand tu m’as dit ça ?

- T'aurais jamais dû entendre ça !

Répondit la Récolteuse, l'effroi peint sur son visage, alors que le Chef des Raccommodeurs se penchait un peu pour être à sa taille, la regardant étrangement, sous toutes ses coutures.
Mince ! Il venait d'entendre quelque chose qu'il n'aurait jamais dû entendre... Un petit quelque chose de la véritable Heaven. Celle qui se révélait être encore plus excentrique qu'elle ne l'était déja, et surtout, beaucoup moins agréable...
Une petite peste égoïste. Ce qui l'importe, au fond, c'est elle, et seulement elle, bien qu'elle ait encore du mal à le comprendre, et encore plus à l'admettre.

Sinon, pourquoi se serait-elle rapprochée des gamins, si ce n'était pour éviter de s'ennuyer ? Et puis, pourquoi rechercherait-elle des câlins, si ce n'est pour prendre du bon temps ? Et pourquoi ne dit-elle pas ce qu'elle pense aux autres ? Parce qu'elle ne serait plus jamais vue du même oeil...
Si elle ne faisait pas attention à cacher certaines choses, elle aurait par exemple déja dit à Plum qu'elle n'est qu'une petite grosse moche, et à Fang, que c'est purement et simplement un connard... Et elle aurait aussi sans doute déja craché à la gueule de  Peter pour lui avoir ravi celui à qui elle tenait le plus au monde.

Sans qu'elle ne puisse prononcer mot -elle n'en avait ni la force, ni le courage-, Pit lui prit ensuite les mains sans rien dire, l'entraînant vers une table sur laquelle il s'assit, lui demandant une nouvelle fois d'expliquer, lui assurant au passage qu'il était tout à elle. Il y tenait, à ses explications, apparemment.
À ces mots, Heaven ressentit une profonde satisfaction, et baissa vivement la tête, afin que le Joker ne voit pas l'immense sourire qui étirait ses lèvres. Ho, cela lui plaisait tant, qu'il soit tout à elle... C'est si rassurant, si alléchant, si satisfaisant...
Elle commençait à perdre pied. Tout semblait se mélanger dans sa tête, tout était brouillé, tordu, mauvais. Et elle gloussait presque inaudiblement, les épaules secouées par son rire, tout en caressant doucement les mains de Pit.

- Tout compte fait, je ne crois pas avoir besoin de t'expliquer la notion d'amitié, vu que tu as l'air de la connaître. En revanche, pour ce qui vient du coeur... Je pensais que tu ne t'intéressais pas à ces histoires de sentiments intempestifs...

La jeune fille releva la tête, son regard braqué dans le vert des yeux du Chef des Raccommodeurs.

- Saches que ça peut très bien être un attachement comme des liens de fraternité, ou même de parenté, ou tout du moins, quelqu'un que tu considères comme tel. C'est si facile ici de se prendre au jeu du Papa et de la Maman... Quelqu'un que tu veux protéger, presque même jusqu'au péril de ta vie...

Tout était dit d'une voix extrêmement calme, alors qu'elle baissait de temps en temps les yeux, regardant comment elle s'alusait avec les mains de Pit. Elle passait ses doigts entre les siens, sur ses paumes, sur le dos de ses mains. Tendres caresses.

- Ou bien, c'est ce sentiment qui fait grandir.... Lorsque tu t'approches de l'être aimé, que ton coeur s'accélère, qu'il te fait souffrir. Les papillons dans le ventre, la gorge serrée, et un étrange sentiment de bonheur, les moments de tendresse... Et quelqu'un que tu désires jusqu'au plus profond de ton être...

Elle arrêta ses douces caresses, et esquissa un petit sourire, ses mains maintenant posées sur celles du Joker, les joues toujours empourprées. Décidément, ça ne voulait pas partir...

- Voilà la façon dont je le vois, moi. Après, je me demandes toujours si cela t'intéressait tant de le savoir, vu que lorsque j'en parle en général, tu as l'air plutôt ennuyé...

Une petite moue faussement boudeuse, couplée avec un air interrogatif. C'est vrai, ça; elle se demandait vraiment pourquoi Pit lui demandait d'expliciter une chose pareille... Et elle avait bien hâte de savoir pourquoi.

Alors le Joker écoutait, il fallait revoir certains éléments avec la Mésange. L’apprivoiser un peu à nouveau, même si elle lui devait la vie. Il fallait revoir ce qui avait été mal fait.
Et ce qui marchait avait Heaven, c’était le sucre. Le rose clair, la douceur quoi.

Il la laissa caresser ses mains, elle s’emportait déjà.

Et l’explication débuta, Heaven avait assez raison. Le Joker ne s’intéressait pas à ces histoires de sentiments, ça n’avait jamais été un quelconque intérêt.
Du moins, on lui avait appris qu’il n’était pas question de ça. Et la véritable amitié, c’était compliqué.

Attachements, le jeu du Papa et de la Maman ? Intéressant, le sourire s’agrandit. Le Joker connaissait. Mais protéger jusqu’au péril de sa vie quelqu’un ? Pit fronça légèrement les sourcils. Ce serait bête. Enfin.
Il pensa à son Ancienne Mère, qui avait gardé le secret des peaux de Garçons Perdus. Elle risquait quelque chose en devenant « complice ». Ça ne plut pas vraiment au Chef des Raccommodeurs.
Mais bon, c’était différent, c’était en dehors du Jeu. Elle était sa mère, non ?

Pit concentra à nouveau son esprit sur la Mésange qui jouait maintenant un peu plus avec ses mains, l’adolescent se laissait faire, observant tantôt la Récolteuse, tantôt les doigts et les paumes.
C’était qu’elle s’amusait bien apparemment.

Et la Poupée Déguisée continuait, là le Joker fixait la fille aux cheveux bonbon. Ce qu’elle décrivait était bizarre.
Oui, il avait déjà joué à faire apparaître ce sentiment si mauvais. Pour des grandissements et des bannissements. Cependant, il y avait encore ce mal de cœur, ce dernier faisant souffrir. Il n’y avait vraiment aucun intérêt. Mais bon, il écoutait.

Lorsque les mains ne furent plus qu’un élément de repos pour celle de la jeune fille, le Joker observait le visage de son interlocutrice. Il y avait toujours ces joues rouges. Une lueur satisfaite dans les prunelles, le Chef aimait faire réagir. En mal ou en bien, ou en il ne savait pas quoi.
La fin des mots arriva, et Pit se contenta de rire.

- Y a quelque chose d’ennuyeux oui, mais y a quelque chose qui peut me servir aussi.

Il observa la robe de la Récolteuse, puis il posa l’index dans les environs du cœur.

- J’ai retenu la dernière fois que tu avais mal là, c’est à cause de ce que tu viens de me dire ? Ou je me demande, si c’est pas à force de brider. Un jour, ça va exploser. Non ? Il faudra faire gaffe à ça.

Un ricanement, puis il amena Heaven à lui, faisant un câlin en posant le menton au creux du cou de la Mésange.
Est-ce qu’elle allait exploser un jour ? À force de penser à Silver ? Intéressant à expérimenter en tout cas.

- T’as vu ? On dirait que ta peur de ce coin s’est envolée.

Ton mielleux, il jouait avec. Il voulait voir comment elle marchait, puisqu’elle ne réagissait plus exactement pareil qu’avant. Puisqu’elle ne le fuyait plus vraiment.

- On fait quoi pour ce que tu aurais dû m’amener aujourd’hui, et que t’as pas amené du coup?

Sourire, toujours. Mais plus restreint, comme presque toujours,

Ha, voilà. Heaven se doutait bien que cela l'ennuyait, au fond, malgré le fait qu'il semble aussi y trouver quelque chose d'intéressant. Elle n'avait pas à s'en faire, au final. Rien n'avait changé, bien qu'il comprenne un peu à quoi tout cela rime, à présent, il s'en désintéressait toujours autant.
Pourquoi donc s'inquiéter au sujet de choses minimes ?

Elle avait détourné la tête, regardant le mur, et même peut être à travers. En bref, elle avait planté son regard sur un point inexistant, et rêvassait ainsi, jusqu'à sentir le doigt de Pit sur son coeur battant à la chamade. Elle tourna de nouveau la tête vers lui avec une petite expression de surprise.

- J’ai retenu la dernière fois que tu avais mal là, c’est à cause de ce que tu viens de me dire ? Ou je me demande, si c’est pas à force de brider. Un jour, ça va exploser. Non ? Il faudra faire gaffe à ça.

- Ah...

Elle eut à peine le temps de réaliser que cette possibilité énoncée pouvait s'avérer vraie, avant de se retrouvée tout contre Pit. Cette fois, ce fut quelques peu inconfortable, étant donné que lui jouait à chat perché, assis sur la table, et qu'il paraissait encore plus grand qu'il ne l'était déja. Sacré différence de taille, d'une, et de deux, du fait qu'Heaven se retrouvait les cuisses à la fois appuyées sur la table et sur les jambes du Chef des Raccommodeurs, un peu en équilibre. Hé, oui, elle n'avait pas prévenu qu'il l'attirerait vers lui, et elle avait dû se rattraper vite fait, une main sur la table pour s'y appuyer, et l'autre sur la chemise du blond.
Celui-ci s'exclama d'ailleurs d'un ton doucereux que la peur de la jeune fille à propos de la Mercerie semblait s'être envolée. Mais Heaven ne disait rien, trop troublée par l'éventualité de devoir partir à cause de sentiments devenus impossibles à contenir.
Elle ne répondit même pas, du moins, pas tout de suite, à la question du Joker, à savoir ce qu'ils allaient faire vu qu'elle n'avait rien ramené. Décidément, il ne perd pas le nord, celui-là...

- Je sais pas...

Finit-elle par déclarer, d'une voix éteinte, posant délicatement sa tête sur le torse du blond, écoutant les battements de son coeur. Elle n'arrivait même pas à vraiment apprécier la tendre étreinte de Pit, tant elle était chamboulée par ce qu'il avait dit.
Que fallait-il faire ? Elle ne pouvait pas se permettre de s'éloigner de Silver pour se préserver, elle tient tellement à lui... tellement... telle.. ment...
...

"Maintenant qu'il s'est éloigné, j'ai l'impression que ce n'est plus la même chose... Est-ce que je tiens toujours autant à lui ?"

Elle se crispa, entièrement, glacée par l'effroi de ce qu'elle s'imaginait. Elle agrippa la chemise de Pit d'une main. Les ongles de l'autre raclaient lentement sur le bois de la table.
Pourquoi donc remettre en doute ses sentiments ? À cause de quoi ? Ou... de qui ?
La Mésange fixa un moment le Chef des Raccommodeurs, relevant la tête vers ce dernier.
En fait, c'était lui qui faisait des vagues, sans le vouloir...
Mais ce n'est qu'un substitut, impossible qu'il prenne la place de Silver.
Il y a bien quelque chose, pourtant, mais ce n'est pas de l'amour... Peut être une forme d'affection ? Elle est bien du genre à jeter son dévolu sur n'importe qui... À moins que ce ne soit autre chose.
Et puis il y a aussi cette fichue brume rose malsaine. Et Heaven se demande désespérément à quoi elle peut bien rimer... Mais c'est mauvais. Elle survient, l'aveugle, l'enivre, lui fait tourner la tête... Et dans le fond, ça a quelque chose d'intensément plaisant...
Mais mieux vaut s'en méfier, lorsqu'on ne sait pas ce que c'est.

- Non, je ne sais vraiment pas ce qu'on peut faire... C'est... en fonction de toi... Ce que tu veux...

Sa voix tremblait, ses phrases étaient comme décousues, elle n'avait même pas pleinement conscience de ce qu'elle disait. C'est cela, quand on pense à plusieurs choses en même temps.
Et pourtant, pourtant... Elle venait de dire ce qu'il ne fallait surtout pas dire. Le "ce que tu veux". Il allait forcément se jeter sur l'occasion, comme la fois où elle fut officiellement emprisonnée...

- Tu m'as chamboulée, avec ton histoire...

Gémit-elle après avoir difficilement déglutit, les yeux écarquillés.
Elle était complètement perdue.

Elle avait semblée surprise, à la manière qu’elle a eu de se retenir. Pit la devinait pas très à l’aise. Il en eut un sourire amusé. Evidemment.

Pit se détacha un peu d’elle, pour saisir ce qui passait par la tête de la Récolteuse, cependant, il ne parvint pas à trouver une expression outrée. Ni une en particulier. Jusqu’à ce que la Mésange laisse entendre une réponse disant simplement qu’elle ne savait pas. Réponse à l’une des questions du Joker.

Lorsqu’elle posa la tête sur son buste, le Chef ne pouvait plus vraiment s’attarder sur les expressions faciales. L’attention valsait un peu ailleurs, alors qu’il réfléchissait comment faire afin de compenser l’erreur. Celle de la Récolteuse, celle qui avait été omise.

Et encore, la chemise soufra en se voyant chiffonnée par l’une des mains de la Poupée Déguisée.
Ensuite, enfin, il revit le visage de son interlocutrice. Il ne parvint pas à déceler quelque chose en particulier. À sa grande déception.

Puis des mots.
Des mots intéressants qui donnèrent un large sourire au Bouffon du Tyran.

Ce qu’il voulait.

Il gloussa.
Même s’il y avait quelque chose d’étrange, et ce fut cette pensée qui cessa rapidement le gloussement.
La voix avait eu quelque chose de tremblant.

Il l’avait chamboulée ? Ah oui ? Intéressant. Ça provoquait une réaction intéressante en tout cas. Cette Poupée était divertissante.

- Faut pas être toute chamboulée, voyons. C’est parce que je me suis perché trop haut ?

Large sourire, les prunelles trop vertes fixées sur la Mésange. Il glissa sa prise sur elle un peu plus bas, pour la soulever et la forcer un peu à se placer sur ses genoux. Action qui demanda quand même de l’effort. Ce n’était pas Heaven qui était lourde, mais plutôt devoir lever une personne du sol. Ça avait été rapide, mais bon, Pit dû lâcher un souffle de soulagement une fois avoir déplacer la Récolteuse.
Il n’était pas Hercule. Il l’avait fait une fois, pas deux.

Maintenant qu’il avait placer la Mésange en travers de ses cuisses, il devait la tenir pour qu’elle ne tombe pas, bien que cela ressemblait à un câlin aussi. Enfin, elle pouvait aussi très bien lui échapper. Elle aurait peut-être le vertige.

- Bon, t’as dit ce que je veux, hein ? Hm, faut que je réfléchisse un peu.

Il ricana.

- C’est très drôle, non ? Tu me dois la vie, et tu es dans mon Jeu aussi, et maintenant je peux avoir ce que je veux pour rattraper ce que tu n’as pas donné aujourd’hui. Tu me beaucoup, et tu ne peux plus vraiment partir maintenant. Ma pauvre Mésange, mais tu es chanceuse, je suis très fair-play et… sympa. Non ?

Un ton entre le miel et le sucre, puis les doigts venaient jouer dans les cheveux roses bonbon.
Ça donnait presque faim.

- Qu’est-ce que je veux ?

Sourire un peu plus restreint, plus vrai peut-être. Les yeux regardaient le mouvement des doigts dans les mèches, puis revinrent dans ceux de la Récolteuse.

- Heaven, est-ce que tu as le goût du sucre ?

Il rit.
Il plaisantait, le Joker. Mais il pensait peut-être trouver d’autres limites. Il voulait continuer de jouer.
Le Chef grimaça un peu, l'effort avait évidemment titillé les hématomes. Ce n'était pas agréable du tout, l'ennui fut que la douleur resta un peu plus longtemps avant de se calmer. Pit fronça les sourcils, cherchant à comprendre, en se demandant au final s'il ne devrait pas imposer une pause pour le "jeu" avec Lacerate.

Apparemment, ça avait l'air de bien l'amuser, tout ça. Heaven, quant à elle, avait retrouvé un teint à peu près normal. Il était temps...

- Faut pas être toute chamboulée, voyons. C’est parce que je me suis perché trop haut ?

- Mais non, idiot...

Ho, ce n'était pas dit méchamment, loin de là. Par contre, ça ne la faisait pas rire non plus, cette remarque, parce que la jeune fille prenait le sujet très au sérieux, mine de rien, et elle n'acceptait pas qu'on puisse plaisanter là-dessus...
Les garçons, à cet âge là, ce qu'ils peuvent être bêtes... Et dire que c'est fait exprès. Ce n'est pas carrément pitoyable, non, cela fait juste sourire. Mais là, Heaven, elle ne souriait pas, et arborait une expression assez neutre.
Elle changea radicalement lorsqu'elle se sentit légèrement décoller du sol.

- Qu'est-ce que...

Ah, ses genoux. Il semblerait qu'il veuille que la Récolteuse s'assoie sur ses genoux...
Elle n'hésita pas longtemps, bientôt confortablement installée en travers des cuisses du Joker. Ha, tous ses problèmes semblaient s'être envolés. Elle jubilait, même, espérant ne pas être trop lourde tout de même...
Et puis, Pit réagit au sujet de ce qu'avait dit la Récolteuse, juste avant qu'elle ne se plaigne qu'il l'avait chamboulée. Il s'était jeté sur l'occasion, c'était tellement prévisible. Il faut croire que ça l'enchante, quand on lui dit qu'on fera "ce qu'il veut". Et Heaven, elle s'enfonce, toujours un peu plus, dans tout ça, le Chef des Raccommodeurs lui-même venait de le lui faire remarquer, s'amusant ensuite, comme à son habitude, à jouer avec la crinière guimauve de l'adolescente.
Mais là, pour le moment, elle s'en fout royalement, et se contenta d'acquiescer. Elle est si bien, là où elle est...

Et dire qu'avec Silver, c'est elle qui doit toujours instaurer le contact... Ce n'est pas lui qui la prendrait sur les genoux, en plus...
Virant au rouge sans s'en tendre compte, Heaven regardait distraitement Pit, apuyée tout contre lui. Il réfléchissait à ce qu'il voulait, regardant ailleurs, et plus orécisément les mèches avec lesquelles il était en train de jouer.
"Tout ce que tu veux". C'est alléchant, comme proposition, n'est-ce pas ? Il fallait la saisir, hein ? Et ce n'est pas la première fois, qui plus est...

- Heaven, est-ce que tu as le goût du sucre ?

Dit-il enfin en riant ouvertement. La Mésange fit un brusque petit mouvement de tête en le regardant, clignant des yeux. Haussement de sourcils. Quoi ?

- Pardon ?

Réfléchissons. Le goût du sucre. Que veut-il entendre par cela ?
Cela paraîssait évident, mais ce n'était pas venu à l'esprit de la jeune fille, qui s'intéressa plutôt à la grimace que fit le blond peu après. Il avait l'air d'avoir mal...
L'idée de s'enquir de ce qui n'allait pas lui traversa l'esprit, avant que la signification de ce qu'avait dit Pit ne s'impose à elle, d'emblée.
Elle resta un petit moment à regarder droit devant elle, les yeux ronds comme des soucoupes. Et puis, elle finit par se retourner vers Pit, et, avec un petit air malicieux, le regarda droit dans les yeux avec un grand sourire. Elle passa juste la langue sur le bout de son index, avant de le laisser glisser sur la joue de l'adolescent, tout en disant :

- Tu veux goûter, pour savoir ?

Elle se retint de rire, avant de céder, et de mettre un certain temps avant de se calmer. Elle riait, ouvertement. Ce à quoi elle pensait, ce qu'elle ressentait, c'était impossible à savoir, tant tout cela était submergé par une brume rose opaque...

- Si ça peut atténuer ta souffrance...

Son petit air coquin fut vite remplacé par une expression un peu triste, avant de revenir aussi vite. Un large sourire, un ton doux. Va, va...
Tu as entre tes bras un bonbon acidulé au fragile coeur de caramel...

Il y avait une chose étrange, une ombre intrigante qu’il fallait absolument attraper. Ces humeurs particulières de la Mésange, il suffisait de savoir quoi faire pour les faire apparaître.
Le Joker adorait ça.

Il l’avait perturbée, puis elle avait changé. Elle avait ri, beaucoup, le Chef accompagnait d’un large sourire ces rires.

Ensuite, la Récolteuse avait une attitude qu’il n’aurait jamais deviné à la Heaven emballée dans un tissu vert. Il ricana lorsque pu observer l’adolescente se goûter elle-même, avant de caresser la joue de l’Américain.
Ce n’était pas vraiment la même Heaven, non ? Mais elle était très amusante.

Elle avait proposé de goûter, non ? Se « souciant » de la douleur du Chef des Raccommodeurs. Pit sourit de plus bel, resserrant sa prise sur la Récolteuse. Il jeta cependant un regard en arrière, pour vérifier. Sa main vint se loger derrière la tête de la Poupée Déguisée.
Elle lui offrait de quoi jouer sur un plateau d’argent, ou d’or. De platine ou de diamant. Un autre gloussement s’envola.

Le Bouffon du Tyran n’était pas idiot, il savait qu’il devrait faire attention avec la Garçonne. Surtout s’il ne voulait pas qu’elle se fasse bannir trop tôt.

Il y avait cette problématique, ce détail très très important. Autant que le Tyran lui-même.

Pit soupira, il n’irait pas aussi loin qu’avec Love. Ne serait-ce que pour goûter, il ne jouera pas autant qu’avec la Poupée de Vide. Il approcha alors son visage de celui de la Récolteuse, large sourire. Qui se restreignit un peu.

- Tu te soucies de mes hématomes, maintenant ? Que tu es gentille.

Il plaisantait, mais n’éclata pas de rire.
L’hésitation se montrait, ce serait sans doute trop tôt pour elle. Sans doute. Le Joker frôlait les lèvres de la Mésange, mais sans embrasser. Il se sépara avant.

- J’imagine que je peux pas aller jusque là, non ? Je veux pas que tu grandisse à cause d’un bête truc.

Un temps, puis ce fut à nouveau la gorge qui devint le choix.
Le Chef fourra son visage dans cette zone, soulevant un peu le col de la robe afin d’embrasser la peau. De goûter avec plus d’insistance, laissant une petite marque. Une forme de rappelle peut-être, une marque sur la chair. La Peau. Cet organe précieux, un Trésor que les Garçons Perdus portaient tous.

Pit remit le tissu en place, pour que ce ne soit pas trop visible au cas où.

Puis il ricana, fixant Heaven.

- Un peu.

Large sourire, sûr de lui, toujours.
Le Joker jouait aux Poupées, changeant les limites suivant les personnes.

- À moins, qu’il y ait plus d’intérêt dans ta salive ?

Et il ponctua d’un rire, il tentait de comprendre le fonctionnement de la Mésange. En prenant garde, le bannissement pouvait être proche.
Ce n’était pas Love, avec qui il pouvait aller plus loin, c’était Heaven. Une Poupée particulière qui risquait de se laisser exploser.