Tandis que Ciel servait de point de repère pour les excentrés, Kokoï demeurait aux côtés de Noiraud, tentant de le convaincre d'accepter ses soins. Fort heureusement pour la queue meurtrie de l'enchanté, ce dernier finit par céder à sa requête, intrigué par le nom de Jazz ce qui ne manqua pas de faire sourire le guérisseur. Plus tard, il s'excuserait auprès du Grand Ka pour cette petite manipulation. Mais pour l'instant, il pouvait discuter avec la comète, tout en le soignant prudemment.

« Jazz est plus qu'un ami. Jazz est devenu Ouistiti Curieux, mon apprenti. Quand il te reverra, il aura des choses à te raconter. » Sans tressaillir aux claquements menaçants des crocs de la créature, Kokoï fit attention à cesser tout geste quand la douleur se faisait trop vive. Banda la blessure et se recula, satisfait. Cela tiendrait suffisamment pour qu'ils puissent continuer leur quête sans plus faire souffrir la comète.

A la voix de la jeune fille aux cheveux roses, il releva la tête, soupesa sa proposition. Et tendit l'oreille vers les exclamations de Fail qui tentait d'aider le rouquin et la perdue au regard halluciné.

« Tes indications seront utiles, jeune papoose. Ils vont pouvoir retrouver route mais nous devoir les attendre pour - »

Un grondement sourd retentit.

Craignant un nouveau tremblement de terre, Kokoï se plaqua contre les parois, ordonnant aux enfants de faire de même pour les protéger des chutes de cacao. Mais ce fut un torrent qui se fit entendre, une marée montante de chocolat fondu se déversant droit sur eux.

« COURREZ ! » Les vagues n'allaient pas manquer de les emporter, malgré l'aide des oeufs de pâques apparus pendant leur fuite. Un instant, il vit la comète être ensevelie par le courant, et lui même heurta la paroi, se cognant la tête plus durement encore avant de couler à pique. Le toboggan de tunnels les malmena encore et encore, rattrapant les fuyards pour mieux les recracher, un à un, dans une caverne soudainement apparue sous leurs pieds. Sans pouvoir se retenir à quoique ce soit, Kokoï tomba en chute libre directement dans la mare de caramel, et s'y écrasa, enfoncé jusqu'au buste dans ce sirop de sucre, épais et collant.

« Tout le monde aller bien ? » Effrayé, il compta les têtes, chercha le regard de Loutre Sage. Et tenta de retirer sa main du caramel pour s'en extirper quand la voix du Lapin de Pâques retentit dans la caverne.

Près d'une fontaine au flux brun-clair, le légendaire les fixait. Avec une arrogance telle que Kokoï mit un temps à clairement comprendre son offre. Mais quand son cerveau cessa de siffler sa douleur et traduisit enfin les propos du Mythe, son sang ne fit qu'un tour. Et appuyant les paroles de la Comète, il lança vivement.

« Vous avoir que ça à faire ?! Échanger survie et pouvoirs ! Nous voulons trouver source ! La Reine Fée nous avoir envoyé ici pour trouver aide ! Pas un kaféolé » Peu importe ce que ça puisse être.

Ragaillardit par son coup de sang, il arracha sa main du caramel et pointa les enfants du doigt.

« C'être grâce à eux que vous exister. Nous avoir rien à marchander ! Soins se donnent mais ne s'achètent pas ! Alors vous aider ! Ou vous mourir comme tout le monde sur Île !! »

De toute façon, s'il avait prévu son nécessaire de guérisseur, son pendule et des silex, Kokoï n'avait pas pensé à emporter avec lui une botte de carottes pour calmer les désirs grandiloquents d'un lièvre en mal de pouvoir.

Se tournant vers le groupe, il finit par ordonner.

« Tendez mains, bras, lances. Attrapez vous. Tirez vous. Avancez lentement pour sortir de mare. Courage ! »

Spoiler:

C'est un tollé général, que le Lapin de Pâques ne peut soutenir. Les voix s'entremêlent pour crier à l'injustice tandis que, bon gré mal gré, ils tentent de s'arracher au caramel. Fort heureusement, c'est un tintement salutaire qui vient les survoler. Car Ciel, jeune fé, a semble-t-il retrouvé ses forces et les asperge de sa poussière à les faire presque éternuer.

« Bien jeune fé ! » L'encourage aussitôt le guérisseur. Tandis que le Lapin se décide enfin à se venger des accusations, frappant du pied au sol pour appeler ses sbires en chocolat, Kokoï observe avec une saisissante fascination la silhouette du rouquin qui s'arrache au caramel et se met à voler.

En tant d'années d'existence sur l'Île de jamais, le guérisseur n'a jamais eu l'occasion d'être la victime d'un tel prodige. Mais il connait les rumeurs et sait comment le pouvoir de Pan fonctionne.

Une pensée heureuse.

Les poings serrés, se concentrant malgré la cohue et les futures attaques des oeufs qui longent la berge et les attendent de pied - en chocolat - ferme, Kokoï cherche des instants de bonheur et d'insouciance dans le visage de sa mère, de son père, de Serval et des leçons bien apprises, de Sapajou, des rires du clan mais tout, tout le ramène à sa soeur. Leur dualité, ses compétences à elle quand il n'était que l'éternel second. Son talent de combattante, de tatoueuse - elle saurait faire bien mieux que lui à cet instant.

Alors vivement, il se détache de cette route, longe le chemin récent d'une forêt calcinée. Touche, à travers le caramel, l'écaille de Clapotis. Mais plus que le visage de la Sirène, c'est celui de Loup qui apparait. Loup, au rire heureux, au regard fixe sur le cerf soigné qui a su rejoindre sa harde. Et Kokoï pense: Je suis un guérisseur, je sais aider, j'aime aider. Et ce petit bonheur simple d'accomplir sa voie guidé par le Grand Ka, lui fait fourmiller les pieds.

Lentement il s'arrache au sucre qui s'accroche à son pagne. Lentement il flotte dans l'air. Et se rend compte soudain, qu'en plus de ne pas savoir voler,

Il. Déteste. Ca.

Son équilibre est malmené, ses sens cherchent le sol, la terre, un point de repère. La nausée lui monte à la gorge. Et il envie le rouquin qui file sans difficultés vers la source de Kaféolé.

« Ne fais pas ça ! » Coasse-t-il, maladroit et pataud dans les airs, mais les bruits des oeufs étouffent ses mots. De toute façon, il n'est personne pour l'en empêcher. Alors Kokoï se concentre, se rapproche maladroitement de la rive, pour y atterrir avec un soulagement féroce. Se tournant pour observer l'entrée du tunnel, tout là haut, l'endroit par lequel ils sont arrivés.

Avant que Freckles, ayant récupéré le thermos, ne finisse par le lui lancer.

Vivement, Kokoï le rattrape. Observe la bouteille avant de se faire surplomber par l'un des oeufs qui semble prendre son élan pour l'écraser. C'est tout aussi vif qu'il relance le thermos, en direction d'un autre membre du groupe, et saute de côté pour éviter l'attaque d'une roulade. Trop tard pour l'oeuf dissident. Sa plongée le ramène à l'étang de caramel et son poids le fait aussitôt couler.

« Lapin ! » La plupart des autres oeufs ont obéit à l'ordre du légendaire qui, les yeux explosés, les fixe sans réellement être présent dans leur univers. Mais Kokoï n'hésite pas à s'élancer vers lui pour le secouer, tandis que d'autres inventions tentent encore d'écraser les enfants.

« La sortie lapin ! Quelle sortie nous devoir prendre ! »

Car autant profiter de ce nouvel état qui semble gouverner la créature.

Et la patte se tend. Pointe un tunnel sur leur gauche. Avant d'effectuer trois mouvement du doigt, vers la droite, le tout accompagné d'un petit rire bête.

« Peaaace... » Chantonne le Lapin avant d'agiter la patte en direction de Joy. Mais Kokoï l'a déjà relâché et enjoint désormais le reste du groupe à prendre la direction désignée.

Mieux valait fuir avant que le légendaire ne retrouve ses esprits.

Spoiler: