Tout ça était définitivement la faute de Bow. Si, comme n'importe qui, il était remonté à la base du problème, Freckles serait arrivé à une autre conclusion. Mais Freckles ne voulait pas remonter plus loin. Suivre une chaîne logique l'embrouillait et le fatiguait, et de toutes façons, c'était plus simple et beaucoup plus satisfaisant de blâmer Bow. Cet espèce de connard, qui avait suggéré la punition de sa voix doucereuse, l'air de rien. Comme quoi "ça leur ferait trop plaisir de régler ça a l'arène". Comme quoi il leur fallait quelque chose de "gentiment humiliant" pour leur passer l'envie de recommencer. Freckles avait l'impression d'avoir cinq ans et demi. Comme deux gosses qu'on essaie de réconcilier après une dispute, allez, maintenant vous redevenez copains. excusez vous et faites vous un bisou. Oh, beurk beurk beurk.
Si il était remonté plus loin, il aurait pu dire que c'était la faute de Peter, qui avait gobé l'idée de Bow, convaincu en un battement de cils. Il pourrait accuser Fang, parce que c'est lui qui avait voulu se battre, pas vrai ? Il pourrait dire que c'était sa faute à lui, aussi. En vouloir au destin, au karma, au mauvais endroit, au mauvais moment. Et en haut de la chaîne, c'était aussi un peu la faute de Honey.
Yep. Il préférait en rester à Bow.
« Ta main est collante. Et dégueulasse. »
C'était la première phrase qu'il prononçait depuis un moment. Sur un ton à la fois geignard et accusateur. c'était plus fort que lui. Il FALLAIT qu'il l'ouvre. Parce que passé le premier moment d'humiliation, les quelques spectateurs lassés, il s'était rendu compte d'un problème de taille. Il se faisait chier. Profondément. Ils étaient assis là en silence. Fang refusait d'ouvrir sa gueule, ne répondant à ses tentatives de dialogue que par des grognements ou des insultes. Ou pas du tout. Et c'était avec ça qu'il était censé passer les prochaines heures ? A l'aide.
« Fang. Fang. Faaaang. »
Il n'était même pas en position de force. Sa main droite bandée et recouverte de dessins enfantins restait plaquée contre lui comme pour la protéger. L'autre, la gauche, se faisait écraser les phalanges par la patte moite de Fang. Pas de quoi se défendre, même pas de quoi faire un doigt d'honneur. Triste à pleurer.
« T'es mort ? » nouveau silence. « Tu parles plus à cause de ton nez ? » si il s'en voulait pour le nez cassé? Un peu. « Du zais za z'entend bresque bas. »
Il s'exposait peut-être à beaucoup de souffrances supplémentaires, à vrai dire. Pour peu que Fang s'y risque. Mais c'était presque une vengeance en soi que de voir la patience du chasseur s'évaporer au rythme des plaintes, des moqueries, et du balancement nerveux des jambes de Freckles qui venaient cogner contre une chaise en bois.
« Arrête de bouder. T'as gagné. Et puis j'ai pas fait exprès.»
Oh. Il avait été à deux doigts de s'excuser, là. Comme si il ne lui en voulait plus. Mais c'était difficile de lui en vouloir, en réalité. Surtout avec le recul. Même avec les grimaces que lui arrachait parfois sa main blessée. Il était programmé pour oublier, faut croire. Freckles réfléchit, se frotta le nez d'un geste du coude, et tira soudain sur la main de l'autre chef.
« Fang, on va à la cabane des artisans. Faut que je demande un truc à Harmony. »
Sale mensonge, mais il allait trouver quelque chose. N'importe quoi pour ne pas crever d'ennui avec la personne la moins agréable de la terre.
Sujet: Re: #noRespect ☆ Fang Jeu 12 Nov 2015 - 16:23
C'était fascinant, une telle crasse. Si il se concentrait très fort, il pouvait presque voir les germes ramper sur la peau de Fang, et prendre la sienne d'assaut dans des cris de guerre aigus. Soupir. Dire qu'il n'était pas prêt de se laver de sitôt … Il avait chaud, il collait. A mille lieux des fantasmes homicidaires du chasseur, Freckles ne rêvait que de pousser celui-ci dans la rivière. Ce serait sûrement la dernière chose qu'il ferait dans sa vie, mais ça en vaudrait largement la peine, rien que pour le côté artistique de l'auréole arc-en-ciel qui colorerait l'eau. Peut-être que sous les couches de crasse et croûtes de sang séché, Fang était blanc comme un cachet d'aspirine ? Fang propre. Oxymore ou il ne s'y connaît pas.
Les douces paroles de l'autre chef le ramenèrent sur terre. Il fixa Fang, presque impressionné, pendant qu'il débitait ses menaces anatomiquement impossibles. Pas franchement inquiétant. La voix du chasseur était tellement comique qu'il avait beaucoup de mal à le prendre au sérieux. La caresse sur sa main, cependant, était carrément inattendue, et presque plus flippante que si il s'était décidé à lui casser le reste des doigts. Regard mi-inquiet, mi-amusé, donc. Le mélange était pas très réussi. Et voilà qu'il s'attaquait à Harmony, maintenant. Freckles prit un air choqué et déçu.Si il avait pu, il se serait bien plaqué une main sur le cœur. Vu que Harmony, c'était un truc quasi sacré à ses yeux, cette insinuation là relevait du blasphème.
« C'que tu peux être vulgaire ! » son ton scandalisé n'est pas sans rappeler celui d'une petite vieille. « C'est exactement pour ça que personne ne t'aime. »
Oh, c'était pas sympa ça. Et même pas vrai en plus. En cherchant bien Freckles aurait pu faire une liste d'au moins trois personnes qui toléraient le chef des chasseurs. Lui-même l'aimait bien ! Enfin, avant. Des fois. Une genre d'affection qui veut dire « t'es un psychopathe, tu te laves jamais et tu tapes mes gosses, mais ta compagnie ne m'est pas entièrement désagréable », et qui se résume en un très franc « t'es chiant ». Bon, maintenant Fang le haïssait du fond du cœur (ou absence du cœur susmentionné) et il était censé le haïr aussi. Il avait tendance à l'oublier, déjà. Il lâcha un soupir long et sacrément bruyant. Avant de s'agiter de nouveau, animé par de nouvelles préoccupations.
« Mais Fang, deux heures. Deux heures. Deux heures, pour Peter, si ça se trouve c'est toute la vie ! Autant qu'on s'habitue dès maintenant. Qu'on s’entraîne à marcher en rythme et tout et tout. P't'être qu'on va devoir fusionner nos groupes », qu'il lâcha d'un air effaré.
Les chasseurs-livreurs. Ouais, non, pas terrible. En plus il savait décidément pas tirer à l'arc, c'était bien connu. Fang allait devoir abandonner son poste, du coup. Tragique, mais c'était nécessaire. Pour le bien de tous ... Et pour aller aux toilettes, comment ils allaient faire ? Merde c'était pas vraiment durable, comme situation. Avec toute la bonne volonté du monde, il ne pouvait pas se résoudre à passer sa vie main dans la main avec Fang.
« Mais si tu préfères qu'on reste là à se regarder dans le blanc des yeux en s'insultant de temps en temps on peut faire ça aussi. Grosse ambiance et tout. »
Pour appuyer ses propos, il se mit à fixer Fang d'un air aussi inexpressif que possible. Devait avoir l'air bien con. Surtout avec l'hématome violacé qui ornait une de ses paupières. Il pouvait se moquer autant qu'il voulait du nez de Fang, il était pas beaucoup mieux. Duo de têtes à claques, ouais.
Ancien Perdu
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Sujet: Re: #noRespect ☆ Fang Sam 14 Nov 2015 - 14:30
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Freckles
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Sujet: Re: #noRespect ☆ Fang Sam 21 Nov 2015 - 17:05
Outrage ! Non content d'insulter Harmony, voilà qu'il s'en prenait à Eilis, maintenant. Se moquer des infirmes, c'est pas bien, sauf quand on ne le pense pas et que c'est rigolo. Et là, Fang le pensait. Et ça le faisait pas vraiment rire. Freckles s'apprêtait à ouvrir la bouche, pour rétorquer quelque chose de cassant, subtil, quelque chose qui fermerait la gueule de Fang une bonne fois pour tous et resterait dans les mémoires comme l'apogée du non-respect. Mais malheureusement, le destin ne voulait pas qu'il brille, ce jour là. Et d'une secousse brusque, Fang manqua de lui arracher le bras. Et son front manqua de faire une connaissance plus intime avec le nez du chasseur, avant qu'il se rattrape in extremis. Il hésita à gueuler, se plaindre, lui demander quel était son putain de problème (même si il s'en doutait. un peu). Mais son cerveau s'arrêta sur le bruit que venait de faire Fang, surpris par sa proximité. Et il pouffa, avant d'éclater d'un petit rire qui explosa dans l'air comme des bulles de champomy.
« Tu t'es entendu ? T'as- t'as crié comme une petite fille ! »
Il repartit dans un fou rire un peu forcé, celui de quelqu'un à bout de nerfs. Et le fait est qu'il ne baissa pas les yeux devant l'avertissement de l'autre racaille de bac à sable. Non mais oh ! C'était son job, ça. Et il n'allait certainement pas perdre. Par pure provocation, il ne recula même pas d'un pouce malgré le poing levé du chasseur. Il arrêta de rire et fronça les sourcils.
« Tu crois que ça me fait plaisir de tenir ta main pleine de crasse ? J'vais attraper la gale » fit-il d'un ton triste et résigné. Puis il écarquilla les yeux en comprenant ce que Fang insinuait. « Du respect ? Ta réputation ? J'vois pas comment elle pourrait empirer, ta réputation. »
Vrai quoi. Fang était déjà bien catégorisé dans ce bled. Si on retirait les gamins qui l'admiraient et ceux qui pensaient qu'il faisait un bon chef, restaient ceux à qui il faisait peur, et ceux qui le prenaient pour un sacré crétin. Les deux, parfois. Quand aux rumeurs sur les préférences du chasseur, elles allaient déjà bon train, grâce à cette sentinelle, là. Freckles aurait bien aimé lui faire remarquer, mais se faire tabasser sans pouvoir se défendre n'était jamais très marrant. Il gonfla les joues, vexé.
« Puis c'est pas ma putain de faute ! C'est toi qui a voulu te battre ! Et puis ça » il brandit agressivement ses doigts bandés, faute de pouvoir lever le majeur seul. « c'est aussi de ta faute ! » il pointa du doigt son hématome. « Ça aussi ! »
Il aurait bien accusé Fang de tous ses maux, de la canicule, de la faim dans le monde et du calendrier maya, mais il devait reconnaître au fond de son cœur qu'il n'y était pas pour rien. Il passa à autre chose, donc. Une vraie question importante.
« Et comment tu proposes qu'on s'ignore, exactement ? On se voit tous les jours. On est obligés de se parler. »
Et si il ne peut pas aller à la réserve ? Qui livrera l'eau aux chasseurs, exactement ? Les trois-quart des livreurs refusaient de s'y rendre sans lui, pour des raisons plus que compréhensibles. Peut-être un point de ralliement ? Un rendez-vous hors de la réserve ? Une tyrolienne pour déplacer des bouteilles ? Faudrait qu'il en parle à Harmony, encore une fois. Fang ne lui facilitait pas la vie.
« Moi je pense que si t'as autant envie de m'éclater la gueule, c'est juste à cause de Hon- » marche arrière marche arrière. Alerte jaune déclenchement de la phase tabou ceci n'est pas un exercice. « HONNEUR. Ton honneur. T'as pas d'honneur. Regarde. Tu t'attaques à un handicapé. Pas d'honneur. »
Oui bien sûr.
Ancien Perdu
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Sujet: Re: #noRespect ☆ Fang Sam 21 Nov 2015 - 17:30
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Sujet: Re: #noRespect ☆ Fang Dim 22 Nov 2015 - 11:46
Parfois Freckles se demandait ce qui ne tournait pas rond chez lui. Pendant qu'il continuait à bafouiller des stupidités, tenter de se rattraper de la façon la moins convaincante qui soit, il se demandait. Pourquoi n'avait-il pas réussi à fermer sa gueule ? Pourquoi il y avait pas un filtre, là dedans, un département de la censure ? Ou même juste du bon sens ? Un instinct de survie pour le bâillonner juste avant que le mot tabou glisse -presque- de sa bouche ? La vie serait tellement plus simple si il réfléchissait avant de parler. Il n'aurait jamais parlé -presque- de Honey. Il ne voulait même pas parler de Honey. Il ne voulait même pas penser à Honey. Faut juste croire que toutes les parties de son cerveau n'étaient pas sur la même longueur d'onde. En tout cas, si il était rarement d'accord avec le chasseur, ils s'accorderaient au moins sur un point : Freckles était le roi des cons.
Il vit Fang perdre toutes ses couleurs en l'espace de quelques secondes. Silencieux, enragé. Oh, il s'attendait à prendre cher. Il le méritait presque un petit peu. Ce qui ne l’empêcha pas de flipper pour sa vie devant ce regard là. (oh, ça va, il avait bien le droit d'avoir peur. Il n'y avait personne à impressionner)
Et Fang frappa. Les doigts. Les doigts, putain !
Il aurait bien voulu reculer d'un bond en arrière. Tout lâcher, utiliser son bras valide pour se protéger, répliquer, n'importe quoi, mais le chasseur ne desserra pas sa poigne – et il se retrouva à tirer comme Fang l'avait fait quelques minutes avant. Le couinement de douleur qu'il avait poussé n'avait rien à envier à celui-ci, et il déversait maintenant un flot d'injures incohérentes. Ça faisait mal. Putain de mal. Il ne l'avait pas tapé assez fort pour recasser quoi que ce soit, mais PUTAIN.
« Mais putain ça va vraiment pas bien dans ta tête ! T'es un grand malade ! Complètement fini ! Espèce de – de – putain ! Enculé ! »
Et sous la douleur, ses yeux se brouillèrent. Freckles pleurait rarement. Et sûrement pas de douleur. Mais là, encore une fois, il n'y avait personne à impressionner. Alors il faisait ce qu'il voulait. S'essuyant les yeux du dos de la main d'un geste rageur, il fusilla le chasseur du regard.
« Mais qu'est-ce que je t'ai fait ? »
Question à laquelle il pouvait répondre tout seul. Sûrement. Le tabou, tout ça. Au final, Fang ne faisait que confirmer ce qu'il venait de dire, pas vrai ? Tout ça, c'était la faute de Honey. C'était toujours le facteur à risques. Le truc qui fait tout déborder et qui finit par porter préjudice à ses pauvres os. Mais pourquoi toujours les doigts, putain ? Il fixa Fang, et lâcha, l'air de tout juste réaliser :
« Tu me détestes. »
Je te déteste. Il avait voulu dire « je te déteste », mais il s'était trompé. Au final, ça sonnait plus juste comme ça.
« Tu sais quoi ? J'en ai marre. Ça vaut pas. Je me fiche de ce que tu fais. Je me fiche de vos – tes histoires de merde. Je veux plus en entendre parler et je veux plus vous voir. »
Puis il fixa leurs mains jointes et moites, comme si il avait oublié la punition. Il n'avait même pas pensé à se venger. Il n'avait même pas envie de se venger. Fort de sa résolution, il se recala à sa place, maussade.
Ancien Perdu
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Sujet: Re: #noRespect ☆ Fang Dim 22 Nov 2015 - 12:06
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Sujet: Re: #noRespect ☆ Fang Dim 22 Nov 2015 - 14:37
« Maintenant oui. »
C'était pas tant la confirmation qui le frappait que l'implication derrière. Maintenant. Maintenant, ça voulait dire qu'il y avait un avant. Et ça voulait dire qu'avant, Fang ne le détestait pas. Il écarquilla les yeux, surpris par cette déclaration à retardement. Surpris par le ton du chasseur qui était passé de d'une rage blanche à la plus grande des sérénités. Il n'avait jamais réfléchi à la question. Il pensait juste que l'autre chef le considérait comme une emmerde, un élément perturbateur périodique et pas très utile. Comment expliquer cet espèce de dédain indifférent, sinon ? Mais si il lisait entre les lignes, il comprenait que Fang l'avait un jour envisagé comme une personne décente. Alors ça c'était carrément dingue.
C'était une piste. Pour que l'autre le considère – reconsidère – avec estime ? Estime, peut-être pas. On en était pas encore là. S'agissait juste de plus se faire détester, pour commencer. Freckles regarda ses doigts cassés d'un air concentré. Il cherchait la rupture. Pas celle des os, hein, la rupture entre eux, l'avant du « maintenant ». C'était pas difficile de mettre un nom à cette rupture. Ni un lieu, ni un moment. Sa rivière le savait bien. L'autre jour, en y allant, il avait retrouvé quelques petites taches séchées dans l'herbe. Pas difficile non plus d'identifier le facteur déterminant. Ce n'était pas les gamins, ni le chat, ni aucun autre de ces reproches. C'était pas le « tu », qui calmait Fang. C'était le « vous ». La solution paraissait évidente, donc. Plus de Honey.
Oh, alors ça tenait qu'à ça ? Pendant une ou deux secondes, Freckles se sentit un petit peu triste.
Maintenant ferme ta gueule.
« Ok. »
Il ne fit pas vraiment gaffe à la suite. Fang ne manquait pas d'imagination quand il s'agissait de menaces, même si il penchait souvent vers les mêmes parties du corps. Il ferma sa gueule, donc. Avec beaucoup d'application, parce que ce n'était pas quelque chose de très facile pour lui. Il tenta même de ne pas gigoter ni balancer ses jambes. Le chemin de la rédemption était un vrai supplice. (Il réussit à se taire pendant deux minutes et vingt-huit secondes)
« Pourquoi tu tiens autant à ta chemise ? »
Il n'avait pas vraiment pu se retenir. C'était une question qui le travaillait, à vrai dire. Et passer encore une heure en silence ? Non, décidément, c'était trop dur.
Ancien Perdu
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Sujet: Re: #noRespect ☆ Fang Dim 22 Nov 2015 - 14:58
Freckles
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Il se cala plus confortablement à sa place, se tortillant légèrement sur ses fesses. Bougeotte. Les yeux brillants, comme si il s’apprêtait à écouter une belle histoire de Laila ou Mirka avant d'aller se coucher. Mais ce n'était que Fang et ce n'était pas une belle histoire, juste une explication, des faits, des mots moins crachés que d'habitude, peut-être. Aucune importance, Freckles était bon public. A ouvrir grand les yeux quand il fallait, froncer les sourcils quand le chasseur évoquait le Monde Ordinaire, hocher la tête quand il rectifiait le coup. Il ne pensait pas que Fang faisait partie de cette espèce là. Ceux qui y pensaient trop. Ceux qui regrettaient. Ça l'aurait déçu, un peu, que ce soit le cas.
« T’as jamais eu besoin de quelque chose pour te sentir bien dans tes baskets ? Cadré dans ta tête ou je sais pas quoi ? Une babiole, un rituel, quelque chose quoi ? »
Il fit non de la tête. Il n'avait pas de babiole ni de rituel, et de toutes façons il ne comprenait pas l’intérêt. Il ne pouvait pas se rappeler d'un seul truc qui avait voyagé avec lui depuis le monde ordinaire – non, d'ailleurs, il ne se rappelait pas de quoi que ce soit qu'il aie jamais possédé dans le monde ordinaire. Ces histoires de chemises et de cheveux et de trésors qu'on cache contre son cœur pour ne pas oublier, ça le dépassait. Ils étaient là pour oublier, alors pourquoi le faire à moitié ?
Fang finit sa tirade et il cligna des yeux, une fois, deux fois. Se rendit compte qu'il se contentait de le fixer d'un air un peu stupide, sans rien dire. Et comme une réalisation :
« C'est la première fois que je t'entends parler autant, en fait. »
Avant de lui adresser un trop grand sourire. Pas moqueur, hein, plutôt lumineux. Comme un encouragement qu'on ferait à un enfant grognon qui se force à sociabiliser. Puis il lança d'un ton qui forçait l'enthousiasme :
« C'est clair. Très clair hein. Que des trucs de chef. Trucs sérieux. De collègues. »
Forçant, parce qu'il ne se sentait pas vraiment enthousiaste, en fait. Il avait l'impression de perdre, dans l'histoire, avec cet accord de semi-tolérance. C'est idiot, non ? D'avoir l'impression de perdre quelque chose qu'il n'avait jamais eu. Stupide abruti de Fang. Il le savait bien, Freck, qu'il ne tiendrait pas non plus cette promesse là. Ignorer l'autre chef ? Il y arriverait, quoi, maximum deux jours, avant d'oublier et de revenir lui parler comme si de rien était. Il aurait voulu l'expliquer, mais il n'avait pas trop envie que l'autre s’énerve de nouveau. Il gérait à peu près le niveau de colère, là. Haussement d'épaule mental. Il trouverait des excuses. On peut faire rentrer n'importe quelle broutille dans la catégorie des « trucs de chef », avec assez de conviction.
« C'est juste... »
Il chercha ses mots quelques secondes. Peut-être pour essayer d'expliquer à quel point il trouvait la situation injuste, à quel point il aurait aimé rembobiner le temps et changer deux trois trucs qui auraient fait qu'ils ne se seraient pas retrouvés dans cette situation, les phalanges glissantes de sueur sur celles de l'autre. Mais dieu sait que Freckles n'était pas doué avec les mots. Et encore moins pour démêler le fouillis de ses propres pensées.
Oh surprise, oh joie. En s'arrondissant, les yeux de Freckles lui mangent le visage. Sa bouche se fend d'un o très géométrique. Fang ne veut pas le tuer, pas aujourd'hui, ni demain, ni après demain, d'après ce qu'il lit dans son regard. Alleluia ! Les cloches sonnent, les oiseaux chantent, et le monde n'est plus qu'amour. Elle est bien basse, la barre, pour que cette simple déclaration déclenche en lui tant de bonheur. Il lance un « cool » à la volée, mais Fang est déjà passé à autre chose, débit rapide, regard fuyant, et ton sérieux. Un air de pur business, le chef rezzzzponsable. Freck se marre doucement, à ça, pas assez pour risquer une nouvelle crise de colère, ça non. Il écoute les conditions du chat en bon collègue businessman, hochant la tête comme le font si bien les quadragénaires sévères coincés dans un trois-pièce. Les hommes d'affaire tiennent rarement la main de leurs collègues parce qu'on les a mis au piquet, il remarque, mais la comparaison tient, tout de même.
« Un pacte », il répète, comme pour mieux peser le mot sous sa langue.
Et il sourit sans le vouloir. On pourrait le croire narquois, ce sourire, celui de l'éternelle insolence du lionceau, mais non, il a vraiment l'impression d'avoir décroché le deal du siècle. Un pacte avec Fang. Il lui propose exactement ce qu'il veut, le chasseur. Une entente cordiale et pas touche aux livreurs. Ça semble trop beau pour être vrai, tellement beau qu'il en oublierait presque le compromis. Presque. Il fait mine de réfléchir, mais soyons honnêtes, c'est déjà vendu. Ignorer Honey ? Rien de plus simple. Au calme. Tranquille. Fingers in ze nose. Il peut faire ce sacrifice, pour le bien de l'arbre, de son groupe, des chefs, du monde, et il se sent à cette idée, particulièrement héroïque. Ça ne lui vient pas à l'esprit qu'ignorer Honey, c'est quasi impossible. Qu'il n'en a même pas envie. Tout ce qui compte, c'était cette promesse, ici, maintenant, et c'est avec un débordant enthousiasme, qu'il marche.
« Je marche. »
Vague froncement de pif de l'intense réflexion, puis sans prévenir, il crache dans la paume de sa main droite et la tend à Fang. L'air de sérieusement y tenir, à son échange de salive. Dans son registre, on ne conclut pas de pacte, sans salive. On jure craché, ou sur la tête de quelqu'un qu'on aime. C'est symbolique, vous voyez ? Sinon ça tient pas.
La main tendue aux doigts cassés, c'est symbolique, ça ? Tu veux vraiment qu'il te la serre, encore, ton bourreau ? Tu serais pas un peu maso, des fois, rouquin ? Un peu, oui, peut-être. Et dans ses yeux d'ambre, un rien de défiance, un brin de sourire, mais ça s'évade un peu sur les côtés, ça réfléchit (parce que le cerveau, lui, en est incapable). Ce regard qui fuit un peu, qui se rend bien compte qu'il sait ce qu'il fait : une énorme connerie. Mais c'est trop tard. Il attend, main tendue, en se demandant vaguement si Fang va le laisser en plan jusqu'à ce que sa salive lui coule des doigts. Ça y est, c'est craché, reste plus qu'à jurer.
hrp:
et ouais, ça fait plus d'un mois, tu vas faire quoi
Dernière édition par Freckles le Dim 6 Mar 2016 - 19:53, édité 1 fois
Leurs mains se joignent et se serrent dans une humidité écœurante. Fang a juré et craché sans un mot, puis crache, maintenant, toute une suite de conditions et de menaces. Il a envie de lui dire que c'est pas du jeu, que tu peux pas changer le pacte une fois la main serrée, mais le chasseur lui lance un regard capable de le cramer sur place. Alors il se tait. Et il écoute. Écoute Fang lui expliquer que c'est sa dernière chance, qu'il aura plus aucune occasion de se racheter, de toute la vie, s'il le trahit. Et dans ce choix de mots, ce ton, y a quelque chose qui lui tord le ventre, lui bloque un peu la gorge. Alors il acquiesce, en commençant à douter, un peu. Déjà.
« Maintenant jure. Jure que tu t’approcheras plus de lui. Que tu l’ignoreras s’il te parle. Et qu’tu fais ça pour nous. »
« Mais oui c'est bon j'ai juré ! » il proteste, un peu trop sur la défensive.
Quelques neurones lui gueulent de lâcher la main, mais c'est Fang maintenant qui ne veut plus le lâcher. Jusqu'à ce que lui sorte un « je jure » un peu plus sincère. Il arrive presque même à grimacer un sourire. Pour briser la façade de dur que le chasseur affiche. Il devrait savoir qu'il n'a aucune chance de ce côté là.
« Chef. On m’fait vous dire que le temps y est. »
C'est ce qui s'appelle communément être sauvé par le gong. Le gong qui se présente sous la forme d'un gamin défiguré aux cheveux filasses. Freckles lui est infiniment reconnaissant. Il a cru, pendant un moment, qu'il allait vraiment devoir rester collé à Fang comme deux siamois pendant le reste de sa courte existence. Il n'a aucune idée de si ça fait deux heures, ou deux mois, mais ça fait déjà bien trop. Et il doit se l'avouer, cette histoire de pacte lui a laissé comme une impression bizarre à l'estomac. Comme du trac, mais peut-être un peu mieux. Leurs mains se délient, paire par paire. Il se met à essuyer frénétiquement la gauche sur le tissu de son tee-shirt, comme si elle était plus sale que l'autre, encore souillée de salive. Fang se lève le premier, alors que Freckles s'étire en arrière avec un long soupir de soulagement. L'angoisse reste. Il n'est pas vraiment inquiet : ce genre de choses, ça passe vite, chez lui. Puis le chef des chasseurs se tourne vers lui, et sourit. Et c'est tellement rare, qu'il n'est pas sûr d'avoir bien vu. Mais oui, c'est un sourire, il n'y a pas à s'y méprendre. C'est discret, presque invisible, c'est pas répertorié dans la liste des expressions maussades ou colériques qu'il affiche habituellement, mais c'est un sourire. Il sourit, et Freckles se rend compte que définitivement, il ne comprend rien.
« A la revoyure, pédale. »
Est-ce que c'est gagné ? Est-ce qu'en deux heures (ou moins, ou plus), il a réussi à passer du statut de rebut de l'humanité à celui de personne fréquentable à qui on sourit ? Et qu'on appelle pédale, d'accord, d'accord, mais il faut dire que l'insulte lui passe largement au dessus de la tête. Il songe un instant à demander sa mutation chez les diplomates, tellement il a été bon sur ce coup là. Il sourit aussi, un vrai de vrai d'une oreille à l'autre, avec les dents aussi, même si le chasseur ne peut pas le voir.
« Salut euh » mais en l'espace des quelques secondes qui lui auraient fallu pour trouver une insulte à lui retourner, le dos du chasseur est déjà trop loin. « Fang. » conclut-il.
Il regarde la paume luisante de sa main avec introspection. Comme si cet espèce de mélange chimique et sûrement nocif de salives allait lui révéler les secrets de l'univers. Un pacte, un pacte, un pacte. Ça se brise les pactes, ça s'oublie. A la revoyure, oui.