Le calme, enfin du calme. Il en avait besoin, le Capricieux. La migraine, les maux, les conséquences se faisaient plus agressives ces temps. Heureusement que le repos était apaisant, tout comme l'eau, et puis... il était dans sa transformation complète. Par ce fait, l'apprenti chaman se sentait bien. La calme rivière dont la surface était lisse, se voyait de temps en temps décorée par l'onde produite par la longue queue de poisson brassant les eaux. Cet appendice était plus long que celui des sirènes en général, le Piccaninny avait mis du temps avant de la maîtriser complètement. Les mouvements en spirales fonctionnaient mieux que les brasses classiques des poissons, mélange donnant une nage étrange sans doute typique des capricornes légendaires.

Capricorne Silencieux releva sa nageoire, la sortant ainsi des eaux. Les gouttes perlaient sur la fourrure blanche, voilà encore un attribut du capricorne. Cette essence est si rare que le Capricieux doit se contenter de chèvres ou de boucs pour retrouver sa transformation. Certes la forme complète ne durait que quelques jours, mais les cornes -et les maux- demeuraient jusqu'à la prochaine cérémonie. Sans nulle doute le mal provoqué par la vengeance des étoiles, selon l'apprenti chaman, resterait toujours. La Capricieux s'entêtait, jamais il ne laisserait cette apparence le rendant si proche de son animal fétiche, si proche de la bête entre terre et mer, si proche de la créature ayant même droit à une place parmi les étoiles.

La nageoire étrange, longue et lourde retomba dans les eaux. Provoquant un bruit qui se mêla à l'unisson à celui qui venait de naître juste à côté de Capricorne, sur la terre. Le Peau-Rouge était appuyé contre une pierre -il choisissait toujours des pierres pou lui servir de dossier-, il tourna sa tête décorée de corne à la couleur plutôt voyante. Il fronça les sourcils, un air intrigué sur son visage marqué de dessins précis et fin. Pas une parcelle de peau n'était visible sur tout son corps. Il pencha la tête légèrement sur le côté.
La fille, elle devait soit être une mère soit être une garçonne perdue, était étalée au sol. Décidément, les eaux étaient bien plus accueillante rien que pour éviter ce genre de chute.

D'une voix calme, presqu'atone, il demanda tout de même :

- Rien de cassé ?

Il passa sa main dans ses colliers de talismans tout en observant brièvement d'où était venus la demoiselle. Il ajouta, toujours du même ton :

- Pourquoi cette course aussi... pressante ?

Fin sourire, discrètement dessiné parmi les tatouages de son visage. Le soleil donnait une teinte dorée à ses iris, et sa queue de poisson faisait parfois surface. Il ressemblait plus à un monstre qu'à un Peau-Rouge.

Le Capricieux regardait la jeune fille se relever, doucement. Un peu comme la brume qui se relèverait pour laisser libre place à la brillance des couleurs. La chute avait laissé les souvenir de la terre sur la fille. L'apprenti Chaman se laissa glisser dans les eaux, puis se déplaça lentement vers le bord de la rivière pour venir poser ses coudes sur l'herbe tandis que sa nageoire ondulait dans la source liquide, comme un serpent. Un serpent qui serait étonnement grand et couvert de fourrure.

Il y avait quelques écorchures sur la petite femme visage pâle apparemment, mais elle semblait plus en train de s'attarder sur Capricorne que sur son état. Elle avait tout de même pris garde à retirer les saletés qui s'étaient nichées parmi ses tissus.

Elle répondit finalement au Capricieux, disant que tout allait bien mais... coupla sa phrase par un compliment. Du moins ce fut ainsi que le Peau-Rouge le prit. Il eut un sourire parmi les traits formant un crâne stylisé sur son visage entier. Le Piccaninny se hissa hors des eaux, pour être un peu plus à la hauteur que son interlocutrice tombée de nulle part. Mouvement qui s'accompagnait du bruit de ses multiples talismans qui s'entrechoquaient sur son torse aussi couvert de dessin que le reste de son corps. À bien y regarder, on pouvait deviner les traits du squelette humain. Voilà ce que tous ces tatouages stylisés représentaient.
Les bracelets à ses poignets produisirent aussi leur petite symphonie lorsqu'il dut se traîner hors de la rivière pour se retrouver assis sur le rivage, la queue de poisson étrange voguant toujours dans l'onde. La partie qui était dorénavant au sec ne portait déjà plus que quelques perles d'eau voyageant sur la fourrure.

Il observa à nouveau la demoiselle pâle. La blondeur de ses cheveux était particulièrement clair, presque fantomatique.
Il brassa l'eau, de la partie de sa nageoire plongée dans l'eau. Le sourire qui s'était un peu effacé par l'effort de s'être hisser sur terre, réapparu.

- Merci, j'affectionne beaucoup l'apparence que me procure mon essence.

Capricorne Silencieux s'attarda sur le visage de son interlocutrice.

- Tu devrais peut-être passer un peu d'eau sur ton visage, rien que pour enlever la terre qui y ait présente.

  Il se rapproche. La créature aux airs chimériques atteint la terre, comme pour mieux m'examiner. En m'écoutant, je le vois sourire. Cela étire ses lèvres avec une tendresse curieuse, que mettent en évidence les tatouages sinistres les arborant. J'ai cru que ses lèvres étaient cousues. Quel soulagement de voir qu'il ne s'agissait que de motifs ! Ses bijoux émettent une mélodie surprenante, à la fois rassurante et angoissante. En m'inclinant doucement sur le côté, je peux mieux visualiser le reste de son corps. L'enchantement prend à nouveau possession de moi. Son extrémité est semblable à celle d'une sirène, pourtant, ses tracés, ses écailles et sa forme la rendent unique ; elles préviennent qu'il n'est pas de ce peuple, mais d'un ensemble si singulier ...

  Le ruissellement de l'eau offre une agréable ariette. Il quitte la douceur de l'eau pour me rejoindre. Je sens mes joues se pourvoir de rosées, touchée de le voir gagner mon niveau. Un sourire se tisse tendrement sur mes lèvres. Sa nageoire méduse encore à la surface, tout comme son duvet de neige. Elle semble être tout comme un serpent, gracieuse et leste. Il me remercie, et m'avoue aimer l'apparence que lui permet son essence. Quelle est-elle? Me serais-je trompée lorsque je songeais au capricorne?

   Il me suggère d'humidifier mon visage, afin d'en chasser les saletés. Je m'approche alors de l'eau où vogue encore son aile d'écailles, alors que je redresse le menton pour mieux l'observer.

"Je me demande de quelles façons vous avez obtenu votre essence. Est-ce comme on le raconte, long et périlleux?"

La curiosité se mêle à la douceur de ma voix.

Le Capricieux veilla à ne pas trop remuer les eaux avec sa queue de poisson si particulière lorsque la Garçonne Perdue, ou la Mère, s'était penchée pour suivre le conseil que l'apprenti Chaman lui avait suggéré.

Puis la jeune visage pâle, plus pâle que ses semblables, tourna son visage afin de poser une question. Capricorne n'effaça pas son sourire, il aimait parler du monde marin et de son animal fétiche. Par habitude, sa main aussi peinte que le reste vint se loger à la base d'une de ses cornes avant de redescendre gagner le menton du Peau-Rouge. Un air pensif décora les trains soignés de son faciès. Sa voix calme, et son esprit appréciant la douceur que dégageait la demoiselle, il se laissa emporter par sa joie de parler de son être légendaire. Joie qu'il limitait en expression, mais que son âme ressentait.

- Généralement, les braves Piccaninny chassent des êtres de la jungle, des êtres féroces. Il ne leur faut que quelques jours de chasse au pire des cas, et bien entendu, cela est une chasse périlleuse. La première essence, le premier animal que l'on ramène au village est le plus important. Il nous donne notre nom et nous offre des attributs. Puis, chaque pleine lune, il nous faut reprendre de notre essence afin de garder notre don. Le processus reste cependant... dangereux. Mais les Piccaninny ne le craigne pas.

Il brassa l'eau de sa longue nageoire. Il prit une légère pose, il ne parlait pas autant, d'habitude. Mais là, il pouvait parler de ce qui le fascinait, alors pourquoi s'en priver ?

- Pour ma part, mon essence est celle du capricorne. Il m'a fallu trois années avant d'en trouver un, trois années seul loin de ma tribu. Mais j'y suis parvenu, ces créatures sont d'ailleurs grandes et lourdes, la ramener au village m'avait pris mes dernières forces.

Capricorne Silencieux passa la main dans ses grigris avant de reprendre.

- Je me suis entêté, on m'avait prévenu que le capricorne était un être rare et légendaire, qu'un prix serait à payer. Rien ne me détournait de ce que je voulais. J'ai eu mon essence, une essence que je dois remplacer par celle de chèvres puisque je n'ai jamais revu de capricorne.

Il fronça les sourcils, les maux se firent sentir. Comme si le récit les avait invoqués, mais toute sa parlote était sans doute la véritable raison. Il parlait beaucoup quand il s'agissait de son essence. Il se massa la base de ses cornes avant de finir :

- Depuis, les étoiles se vengent. Voilà le prix.

Il s'arrêta net. Capricorne Silencieux venait de se trouver bien trop bavard, il avait raconté les grandes lignes de son histoire à une inconnue sortie de nulle part. Il brassa à nouveau les eaux de sa lourde nageoire.
Il prit l'un de ses grigris en main, ils apaisent ses maux, qu'en serait-il s'il ne les avait pas ? Mieux valait ne pas imaginer.
Puis une pensée lui traversa l'esprit, elle ne serait plus si inconnue si elle lui donnait son identité.

- Au fait, quel est le nom de celle à qui j'ai délivré une partie de mon histoire ?

Fin sourire apaisant, calme en surface, crispé par les maux à l'intérieur.

  Je m'abaisse doucement et recueille l'eau entre mes paumes. La fraîcheur étreint mon corps de frissons, lorsqu'elle rencontre mes joues. J'essaie de repousser les légères empreintes terreuses, alors que soudain je cesse tout mouvement. Il élève la voix ; son énergie conte avec vigueur les traditions de son peuple. La figure trempée, je fais tout doucement face à l'enchanteur, accroupie. Les Piccaninnys? Quels êtres inouïs ! La chance d'une étoile m'a effleurée pour que j'ai l'honneur de rencontrer un guerrier qui a quitté trois ans son peuple. Comment s'est-il senti, durant son périple? A-t-il perdu la raison, comme dans ces récits où l'homme est saisi par la démence quand on le sépare trop longtemps des siens?

  Ses parures captivent mon regard. J'ai la sensation qu'elles m'hypnotisent, tant le reflet de leur possesseur y est intense. Le capricorne ! Oh ! Alors je ne m'étais pas égarée. Un sourire revigore mes lèvres. Je sens la bravoure dans sa voix. Le courage, une valeur qui sait ranimer les coeurs les plus meurtris. Son essence, serait-ce alors le puits de son énergie? Et les astres célestes se vengent... ils répartissent leur colère sur un capricorne vaillant? Je peine à comprendre. Ils ne peuvent lui reprocher de ne pas suivre sa détermination jusqu'à ce qu'elle s'effile, et de rapporter sans cesse ces créatures mythiques. Doucement, mes bras me poussent -jusqu'à me voir redressée.

  Son histoire. Il m'a affranchi son histoire, le récit de sa vie. Une assonance toute particulière, toute tendre et profonde envahit ma voix ; jumelée à la lueur de mes yeux.

"Je m'appelle Lësa. Mon rôle est celui d'une Mère, au Grand Arbre. Oh, je n'ai pas un passé si poignant, si intéressant, mais je vous le ferais partager avec joie, peut-être, si vous désirez l'entendre. Je pourrais vous raconter tout ce qui peut vous intriguer. Lorsqu'on s'échange nos histoires, c'est un peu comme nos âmes, vous ne trouvez pas? Car c'est bien tout ce que nous avons vécu qui nous amène à ce que nous sommes dorénavant. Et je sens de douces, de bonnes choses lorsque je vous observe."

De douces et de bonnes choses quand elle observait le Capricieux ? Les yeux de ce dernier partirent dans le vague avant de finalement se retourner vers l'onde des eaux. De douces et de bonnes choses... Sa queue parée de fourrure blanches brassa encore la rivière, Capricorne ne pouvait pas vraiment suivre la pensée de Lësa, cependant, il l'appréciait.

Le regard toujours emporté dans le courant, sa voix presque atone se fit entendre de quelques mots :

- Les choses seraient plus aisées si beaucoup penseraient comme toi. Mais c'est dans l'ordre des choses, comme le dirait mon maître et Chaman. Je ne fais que payer le prix de mon caprice.

Ses yeux cernés de tatouages remarquèrent la possible admiration dans les prunelles de leurs interlocutrice lorsque l'apprenti chaman la regarda du coin de l'œil. Puis il tourna sa tête ornée de cornes rouges virant sur les jaunes orangés pour s'adresser directement à la Mère. Peut-être que son histoire n'était pas aussi poignante, comme elle le disait, mais peut-être que son histoire aurait un élément légendaire, mystique ou aquatique auquel le Capricieux pourrait s'attarder.

- Parle-moi de ton parcours alors. Ta voix à la particularité d'être douce, elle n'affecte en rien mes maux.

La discussion était calme, la migraine ne se montrait pas et Capricorne Silencieux était de bonne humeur grâce à son apparence proche de son cher animal fétiche. Il se coucha sur l'herbe en bordure de la rivière, sur le ventre tout en soutenant sa tête d'une main. Sa nageoire s'agitait en spirales dans l'eau, l'aspect donnait une scène presque mystique. Des gouttes glissaient dans les airs, bien que les mouvements étaient lents, calculés pour que les bruits ne se fassent pas désagréables au Capricieux.

Comme le capricorne légendaire, il se trouvait mi-terrestre mi-aquatique au côté d'une fillette dont l'allure évoquait presque la lune. Un astre.

Le Piccaninny pense que ma pensée facilite les choses. Il paie son caprice. Peut-on vraiment qualifier le courage de capricieux? Je n'en suis pas convaincue. Ses frères auraient-ils fait autant que lui dans cette quête? Il me propose de relater mon histoire. Ses derniers mots m'arrachent avec délicatesse un sourire. Je le vois étendre son torse contre le manteau d'herbe, tandis que son aile marine ne cesse de faire un avec les eaux. Je songe à la peinture que nous formons. Un déluge coloré.

"Vous me savez heureuse de ne pas attiser vos maux."

  Discrète, je l'interroge du regard sur l'essence de son mal. Je gorge plus encore ma voix de quiétude. La douceur apaise le Capricorne ; cela me touche comme si j'étais moi-même bercée. Je me glisse à ses côtés, sans l'ombre d'une note. Seule l'épaisse veste qui me recouvre émet un son tanné. Mes jambes se rejoignent, de sorte à ce que sois assise en tailleur ; à l'image d'une Peau-rouge.
Je débute, accompagnée d'une douce intonation. Mes yeux scrutent ce paysage enchanté que représente le Piccaninny.

"Je viens de l'Ancien Monde, dans les contrées de ..."

  ... de? Les mots ne veulent s'extirper. De? Les souvenirs demeurent enfouis. Enfouis sans paraître. Le pays d'où je viens ne me revient plus, pourtant, je saurais décrire ses lieux avec certitude.
J'admets doucement, confuse.

"... je ne saurais les nommer. Je crois que ... je les aies oubliées. Mais la vie que j'y ai vécu ne m'échappera. -Cela résonne tel un espoir fou.- Chez moi, nous ne vivons pas dans des tribus, mais en familles. C'est presque similaire, mais nous nous entraidons moins que vous. Mon père et moi en formions une. Je ne..."

  Les syllabes se cachent ; la tristesse d'une étoile m'anime.

"... j'ignore qui sont mes parents ... ceux qui m'ont mise au monde."

Les dires de la demoiselle étaient, peu joyeux. Ne pas se souvenir était un fait que le Capricieux n'aimait pas en son esprit, alors il imaginait ce que cela pouvait être lorsque l'on ne sait pas qui a donné le sang qui coule dans les rivières de nos corps.

Les ondulations anarchiques et pourtant harmonieuses de la nageoire se firent plus lents, très lents. Un air différent vint s'inscrire sur le visage décoré de Capricorne, une expression plus grave. Peiné serait peut-être le bon mot.

Lësa disait donc venir de l'Ancien Monde, celui d'où viennent les enfants perdus sans doute. Le Piccaninny n'y avait jamais mis les pieds, et c'était sans remise en cause qu'il pouvait assurer de pas compter y aller. Les légendes et les fées devaient y être trop peu présentes. L'idée d'un monde sans voir ces créatures mystiques étaient une abomination pour l'apprenti chaman. Un peu déçu de n'avoir pas eu un récit complet, il s'était même installé confortablement, il brassa un coup un peu plus sec dans les eaux.

- si tu ne t'en souviens pas, c'est peut-être que ce doit être ainsi. Tout comme j'endure des maux, mais je ne peux m'en plaindre puisque ce doit être ainsi.

Était-ce réellement une bonne pensée ? Le Capricieux ne pouvait l'affirmer.

- Certaines choses sont faites comme elle le sont afin de nous forger.

Il pensait à ce qu'il était, à tous ce que les enfants perdus avaient pu êtres auparavant. Si certains éléments n'avaient pas été, alors certains ne seraient jamais venus ici.
Capricorne Silencieux se dit que la douceur de cette demoiselle aurait été source d'incompréhension au sein de son clan. Déjà qu'il l'était de par sa fascination du calme, alors une personne comme Lësa... Sans doute elle portait bien son rôle de mère. Le Capricieux connaissait une ou deux mères, l'une avec qui discuter des fonds marins en échange de plats -qui sont d'un grand délice- et l'autre avec qui simplement passer du temps sous un arbre -elle se servait du Piccaninny comme d'un coussin. Les mères devaient sans doute avoir une touche de douceur, différente suivant le vécu de la personne qu'elles sont chacune.

- Je connais d'autres mères, comme toi, mais elle sont bien différentes. Vous l'êtes toutes.

Fin sourire.

J’observe le dos de mes mains, accompagnée d’une mélancolie douce et rêveuse. J’ai le sentiment de mieux percevoir les mots de Capricorne ainsi, que si mes yeux s’incrustaient dans l’arc-en-ciel des siens. Dois-je ne pas me souvenir du passé ? Cela doit-il servir à mieux affronter le présent ? C’est pourtant lui qui nous permet de tracer son chemin. Si on l’efface, on doit le recommencer. Peut-on vraiment débuter une vie, encore … ce n’est pas possible – ce n’est pas possible !

« Pourtant, j’aurais aimé me souvenir. Sans ça, on ne peut pas raconter. Et je ne peux donc pas répondre à ton histoire ! »

Le Piccaninny a déjà rencontré quelques de mes consoeurs. Elles ne me ressemblent pas, dit-il. Un sourire apaisant se faufile sur ses lèvres obscures. J’essaie doucement de me re–

Je pense mais je ne vois plus. Je vois mais je ne pense plus. Une horloge, c’est une horloge qui flotte sur le côté – Le Patapon, c’est le Patapon qui est arrivé. Il me regarde, il me fixe. Une profonde envie de rire surgit, d’une petite étincelle de joie. Je ne peux pas, je ne peux plus – C’est parce que l’aiguille ne s’agite plus.

Le gris est remplacé par le verdoyant, l’air caresse à nouveau. Mon corps est repoussé vers l’arrière, je sens qu’un courant invisible m’emporte vers la rivière ! Tout parait si vite, comme une étoile qui file.

Pas de « ploc ». L’eau ne m’avale pas. Je tâte ce qui m’entoure. Serais-je … allongée contre un lit d’eau ?

Le Capricieux haussa les épaules lors de la réponse de son interlocutrice. Le fait que les Garçons Perdus ainsi que leurs Mères soient dépourvus de leur passé était un élément que l'apprenti chaman ne se souhaiterait pas.
De plus, les habitants du Grand Arbre ne grandissent pas, la magie de l'île opère. Sauf, s'ils venaient à vivre un ressenti ou un évènement les faisant progresser. Tout étant relatif aux personnes.
Le Piccaninny savait que la coutume du Bannissement était présente pour le clan de l'Arbre.

Capricorne Silencieux se perdait un peu dans ses pensées, il les calculait un peu, s'inquiétant peut-être des Garçons Perdus qu'il connaissait.

Lorsque son regard se retourna sur Lësa, il fronça les sourcils en perdant sa trace durant une infime seconde. Un millième plus tard, en tournant la tête il la retrouva. Couchée sur l'eau. Étrange, mais l'île possédait ses règles, ses acolytes.
L'apprenti se laissa glisser dans la rivière, jusqu'à y être entièrement immergé. De quelques coups de nageoire, il passa sous la Mère, pour voir s'il y avait quelque chose qui la soutenait. Il ne trouva rien et réapparu sur le côté droit de l'Adoucie. Perçant la surface des eaux de ses cornes.

- L'eau semble t'être une terre.

Quelques bruits de voix au loin dans les fonds de la forêt.
Le Capricieux fixe la lisière.

- L'île t'accorde un moyen de fuir.

En formulant ces mots de sa voix presqu'atone, il désigna du regard de miel le chemin doux et capricieux que le toit du monde aquatique offrait.