Il n'y arriverait pas, il était épuisé, la chaleur le rongeait de l'intérieur, l'affaiblissait encore plus que d'habitude. Lors de son chemin pour le Palais Royal, Givre était tombé de nombreuses fois, tant et si bien que ses ailes peinaient de plus en plus à le porter ; et là, ce ne serait pas son bâton qui le sauverait de grand chose. Il lui permettait de voler, pas de survivre à la chaleur. Pourtant, la fée des neiges devait se rendre à l'évidence : sans celui-ci, jamais il n'aurait pu arriver jusqu'au Palais. D'ailleurs, pourquoi était-il venu ? Ce genre de réceptions, ce n'était vraiment pas son genre, surtout lorsqu'il n'avait aucune bêtise à commettre ; mais lorsque la survie de tout son peuple était en danger, alors là, le Trouble-Fête parvenait à trouver un semblant de sérieux.

Fébrile, tremblant, appuyé sur son bâton et boitant, Givre arriva lorsque le Petit Prince faisait son discours à l'assemblée ; cherchant sans doute à les calmer. La vision que Ciel lui offrit serra le cœur de son ainé : il avait l'air encore plus faible que d'habitude, et l'absence de la Reine Mab n'aidait ça en rien. Suite à ce discours difficile, les idées s'enchainèrent les unes après les autres. Au fond, le Trouble-Fête ne fut même pas surprit de voir qu'Amanite fut la première à prendre la parole pour proposer son plan ; et si d'ordinaire il aurait pu la rabrouer à ce sujet, Givre resta étrangement silencieux, et ne lui adressa même pas un sourire. C'est qu'il avait peur, terriblement peur de voir l'île les dévorer tout entiers, et qu'ils disparaissent sans même avoir pu faire quelque chose. Comme des fourmis qui tentent de fuir une inondation dans leurs galeries après une forte pluie.

Toutefois, la fée des neiges ne put s'empêcher de retrousser le nez de dégout lorsqu'il entendit la voix de Pétrole, avant d'écouter d'une oreille plus attentive le discours de Tison. Puis, lorsqu'il y eut un semblant de calme, le Trouble-Fête prit appui sur son bâton quelques instants pour voler comme les autres qui avaient prit la parole.

« Je suis d'accord avec Amanite. Il y a des pirates à revendre sur l'île et ils causent plus de tort à notre pays qu'autre chose, clama-t-il, sans savoir si les forbans apportaient seulement quelque chose de bien avec eux, mais on peut pas s'en prendre aux garçons perdus. Enfin, on pourrait, sur un ou deux, mais Peter finirait par s'en rendre compte. »

Après, rien ne disait que l'Enfant-Roi se rendrait compte de quelque chose ; car tout ce qui arrivait aujourd'hui était la cause de son bonheur. Toutefois, mieux valait éviter de contrarier Peter Pan, et c'était encore mieux si ça faisait les pieds à Pétrole. Givre ne put s'empêcher de lui jeter un regard quelque peu hautain.

« Je pense que la situation est suffisamment compliquée pour qu'on s-... peina-t-il à terminer, prit par un violent vertige. »

Le vol vacillant, le Trouble-Fête ne tarda pas à tomber ; mais plutôt que d'attendre sur le sol que la douleur passe, il se redressa dans l'instant, cramponnant ses mains à son bâton magique qui lui permit de se relever avec peine.

« Si on... commence à s'en prendre aux peuples qui sont de notre côté.. on ne va pas s'en sortir, finit-il par reprendre, fébrile, ce que je propose.. moi, en tant que fée des neiges.. c'est de se rendre dans le monde ordinaire pour y chercher de l'eau, ou de la glace. A notre taille, on pourra pas ramener grand chose, mais.. si on prenait de la fleur hilare avec nous et qu'on trouvait une grosse créature capable de voler, on pourrait ramener de grandes quantités d'eau. »

C'était un projet fou, tout comme celui de ses camarades ; un projet peut-être irréalisable, stupide, mais qui pourrait bien les sauver, tout comme les autres. Toujours aussi tremblant, la fée des neiges finit par tourner la tête en direction de l'un de ses frères du feu, celui qui avait prôné que tout finirait par aller mieux ; mais qui avait également eut de bonnes idées.

« Et je suis d'accord avec Tison, il faut que nous tentions également de sauver les quelques points d'eaux encore existants, finit-il par reprendre, mais à côté, il faut que vous tentiez d'apaiser l'Esprit Feu. Comme tu l'as dis. »

Qui sait, ils auraient sans doute plus de chance avec un Esprit colérique et ravageur qu'avec Peter Pan ; allez savoir lequel des deux ferait le plus de dégats.

« Je ne parle pas au nom de toutes les fées des neiges, mais je pense qu'ils pourront tous nous accueillir au Sommet Enneigé. »

Ils, pas nous ? C'était compliqué, Givre ne se souvenait même pas de la dernière fois où il avait mit les pieds chez ses camarades des neiges ; mais ça, c'était un détail. S'ils voulaient survivre, il fallait trouver une solution, et vite.