Écorce est en route vers le Port. C’est rare, très rare, voire inédit. Et pour ça, hors de question d’user l’elvicere ! C’est bien trop dangereux, et elle est de toute façon trop anxieuse pour se promener dans le Port. Même si l’aube pointe à peine le bout de son nez, et qu’il n’y a personne, si ce n’est quelques Pirates éméchés.

Juchée sur le dos de Plumbo, la Fée tente tant bien que mal de contenir les fleurs grandeur nature qu’elle rapporte pour l’occasion. Aujourd’hui, c’est un grand jour : elle va essayer de rendre visite à Mahalia. Elle ne l’a pas vu depuis si longtemps, avec ce stupide Givre. La Pirate est dans la liste très réduite des humains qu’Écorce apprécie le plus. Le hasard a voulu qu’elle la rencontre, le hasard a voulu qu’elle en soit ravie. Mahalia est parfaite, Mahalia est douce, Mahalia est adorable et surtout, Mahalia est comme Écorce : trop craintive du monde, du contact social, des gens. Écorce lui trouve un cœur de Fée, parce qu’elle semble ne pouvoir contenir plus d’un sentiment à la fois, et que le monde lui fait peur. C’est peut-être pour ça qu’Écorce est aussi tendre et affectueuse envers le Murmure.

Elle adorait passer du temps chez elle avant le Givre. A vrai dire, elles ne parlent que très peu lorsqu’elles sont ensembles, et cela ravit l’une autant que l’autre. Parler, c’est trop fatiguant, et ce n’est pas forcément nécessaire. Les gestes et les regards se suffisent parfois à eux-mêmes. Mais il arrive des fois à Écorce de s’emporter, de lui parler de ses recherches et de lui montrer ce qu’elle a ramené du Monde Ordinaire. Elle l’écoute ! C’est déjà bien suffisant. Bref, Écorce adore Mahalia. Et quiconque l’embête se verra subir une avalanche de sales coups dignes d’une Fée facétieuse.

L’Esprit Nuit continue à disparaitre lentement du ciel lorsque Écorce reconnait enfin la maison dans laquelle vit Mahalia. Au rez-de-chaussée, se trouve sa boutique. La Pirate vit à l’étage, alors Écorce guide Plumbo afin qu’il se pose sur le rebord de la fenêtre de sa chambre. La fée bondit du dos de son moineau, les bras chargés des plus belles fleurs qu’elle ait pu trouver. Elle les pose, et s’approche de la fenêtre. Du coin de l’œil, elle ne voit pas grand chose, mais elle est sûre que Mahalia est réveillée.

- Mahalia, tu es là ? Ose la Fée d’une voix basse, tout en toquant contre la vitre. C’est moi, Écorce.

Ça faisait longtemps... Et s’il lui était arrivé quelque chose pendant le Givre ? La Fée est prise d’une étrange panique à cette idée, tant et si bien que Plumbo est obligé de se coller à elle pour la calmer. En même temps, Écorce saisit le bouquet de fleurs qu’elle a rapporté et le tient du mieux qu’elle peut.

Quel soulagement quand Mahalia ouvre la fenêtre ! Tout comme son amie, Écorce se laisserait presque submerger par l'émotion de la voir saine et sauve après tous les malheurs du Givre.

- Tu veux rentrer ?
- Avec plaisir ! Merci.

Elle sautille presque de joie en passant le pas de la fenêtre, suivie sagement par son moineau qui a l'air, lui aussi, ravi d'être ici. Plumbo s'ébroue un peu, et s'installe sagement près de la fenêtre. Il se place à bonne distance afin de permettre à Mahalia de la refermer si elle en a envie.

- Je suis très contente que tu sois saine et sauve, moi aussi.

Sa voix tremble un peu sous le coup de l'émotion, mais elle fait semblant de rien : elle a exactement la même pensée que Mahalia, et espère qu'elle ne la trouvera pas ridicule.

- J'aurais aimé venir te voir plus tôt, mais il y avait tant à faire... J'ai eu très peur de ne pas te trouver. Tu étais chez les Rebelles ? Personne ne t'a ennuyé ?

C'est qu'elle serait capable de lancer une vengeance de son cru sur la personne qui osait ennuyer son amie.
Voulant changer de sujet, Écorce tend du mieux qu'elle le peut les fleurs qu'elle tient dans ses mains.

- C'est... c'est pour toi. J'espère qu'elles te plairont...