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MessageSujet: Re: Gris perle   Gris perle - Page 2 EmptyMar 28 Nov 2017 - 0:54

Il laissa retomber ses bras sur ses jambes au même titre que ses yeux se replantèrent dans ceux de son interlocuteur. Psy était attentif, et sa concentration était rendue plus intense encore de par l'opium qui troublait ses sens. Sur son visage, il lisait toute l'attention du monde. Il lui donnait presque l'impression d'être intéressant et digne d'intérêt. Heureusement que l'opium rendait tout ça beaucoup plus profond.

La remarque du Penseur lui arracha l'esquisse d'un sourire, comme en réponse au sourire ombragé du pirate.
La suite, Adam l'écouta sans y prendre part, attentif à ses paroles, interpellé par le timbre chaud et étrangement envoûtant de sa voix, intéressé par ses mots. Des mots qui le dépassaient, qu'il n'aurait jamais pu articuler tant il manquait de réflexion et, fatalement, d'intelligence.

Ses prunelles se perdirent dans le vide, à la recherche d'une image pour mieux illustrer les propos de l'homme de Hook. Il comprenait, l'Eteint. Et quel sentiment grisant cela était que de pouvoir voir plus clair dans ce monde farfelu.

- Et que se passerait-il, si l'un ou l'autre venait à périr ?
S'enquit-il d'une voix chargée par l'envie d'en savoir plus.

Malgré lui, il s'était pris au jeu. Psy avait tapé là où il fallait et était parvenu à faire succomber l'employé de la fumerie.

- Pan se trouverait-il un autre 'meilleur' ennemi ? Hook … Si Hook gagnait …

Il bloqua un instant son souffle, retourné par sa propre théorie.

- Est-ce que le … le temps filerait à nouveau ? Est-ce que le monde Ordinaire et l'Île se rejoigneraient ? La faille temporelle serait-il brisée ?

Il fronça ses sourcils.

- Est-ce que nous disparaitrons, tous autant que nous sommes ?

Psy enchaîna ensuite et posa une question qui, peut-être, n'appelait pas de réponse du côté d'Adam. Pourtant, ce dernier prit le temps d'y réfléchir. Que faire du temps qui leur restait à vivre ici ? C'était une interrogation vague, dont la réponse était à coup sûr subjectif. Chaque être, même bloqué sur l'Île, était animé par un but précis, et chacun de ces êtres avait un but différent, unique.

Il haussa les épaules et fit la moue.

- A part vivre ? Au fond, qu'est-ce qui nous différencie d'un autre Monde ? Tout ça n'est peut-être qu'une suite logique. Comment pourrons-nous savoir ?

Son regard glissa sur une mèche bouclée du Penseur, pour venir s'arrêter derrière lui. Las, il se mit sur ses jambes en grimaçant un peu à cause de ses jambes algiques, se pencha sur Psy pour envoyer son bras par-dessus son épaule. À l'aide d'une longue brindille, il ralluma la bougie, dont la mèche s'était éteinte. Le côté perfectionniste et professionnel d'Adam reprenait le dessus. De cette place, il eut tout le loisir d'humer le parfum du pirate. Un parfum prenant, étrangement présent. Qui remplaçait presque les d'émotions que l'Eteint n'arrivait pas à ressentir chez lui.

Il reprit sa place après quelques secondes, une fois satisfait, et resservit un peu de thé à son client du jour.
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MessageSujet: Re: Gris perle   Gris perle - Page 2 EmptyVen 1 Déc 2017 - 20:37

Une étincelle d'intérêt s'est allumée sur la ligne d'horizon. Au creux des prunelles bleues, je vois les soubresauts d'une curiosité sans doute longtemps restée endormie. Adam s'anime en imaginant les possibles. C'est fascinant. Je m'en sentirais même bouleversé, en un sens, d'avoir su éveiller la réflexion de celui que l'on appelle « L’Éteint ».
Sans mot dire, je l'écoute donc découler ses hypothèses. Spéculer : il est intelligent, l'éteint. Même s'il en doute. Il raisonne clairement et ses idées m'invitent à plonger aussi, à ses côtés... Dans la grande mer des pensées.
J'apprécie qu'il me donne un si bon grain à moudre. Canaliser mon esprit indiscipliné, par des considérations intéressantes... M'empêcher de me perdre dans les embranchements interminables, les connexions sans fin...

Il n'imagine pas combien ces simples phrases m'apaisent... Moi qui suis mon bourreau le plus acharné.

Silencieux toujours, je le regarde rallumer la bougie. Son bras passe au dessus de mon épaule, il se penche doucement. Je l'observe en contrebas. J'épie, je scrute, je sens. Je sais qu'il fait de même. Comme deux bêtes mal apprivoisées, l'on se jauge encore.
J'aurais presque envie de le toucher, pour voir ce que cela suscite, en réaction. J'aurais presque envie... Mais je n'en fais rien. Un bon client, bien sage. Immobile.

« Merci.

Fais-je, après qu'il m'ait resservi du thé. Reposant délicatement la pipe à opium sur la table, je m'en vais saisir la tasse et prendre une gorgée. L'amertume légère des tanins sublime l'état de flottement dans lequel je me trouve. Je songe...

« On ne peut pas savoir, en effet... Mais j'ai tendance à croire que le monde dans lequel on vit nous détermine plus que l'on ne veut bien l'admettre.


Je me laisse doucement retomber contre les coussins tièdes, la tasse entre mes doigts, posée sur ma cuisse.

« Parfois, je me demande de quoi j'aurais l'air aujourd'hui, si j'avais eu à venir ici enfant.


Mon regard fixe le vide. Je pense... Enfant, j'ai espéré. Pourtant, il m'a fallu attendre l'âge adulte pour enfin attirer l'attention de l'Enfant Roi. C'est étrange... J'aimerais résoudre cela.

« Pour en revenir à ce que tu disais... Je crois que si Pan gagnait, Hook se verrait effectivement remplacé d'une façon ou d'une autre. Peut-être au terme d'un grand bouleversement qui verrait notre fin à tous. Qui sait ? Avec un tel raisonnement, il ne serait pas absurde de penser qu'il y a eu d'autres Hook par le passé.

J'esquisse un petit sourire, amusé par cette idée. Mon regard capture le sien, un moment, comme pour partager ce sentiment. L'on dirait une parabole de l'histoire de l'univers. Des cycles...

« En revanche, si Hook gagnait... Je ne sais pas.


Je reprend une gorgée de thé.

« Cela m'évoque la légende de Bran... Je fronce légèrement les sourcils, l'air concentré. Bran était endormi et, dans son rêve, il découvre une branche de fleurs blanches en argent. Apparaît alors une fée qui lui chante les charmes et les sortilèges d'Emain Ablach, l’île des Pommiers, symbole d’éternité... Le Tertre des Fées. A son réveil, l'homme ne pense plus qu'à partir vers les contrées qu'il a vu dans son rêve.

Courte pause... L'opium ralentis le cours de mes idées. Je reprend un peu de thé.

« Il embarque sur l'océan avec un équipage... Après plusieurs péripéties, ils parviennent finalement à rejoindre l'île des fées. La reine lance à Bran une pelote de fil qui se colle à sa paume, leur permettant ainsi de rejoindre le rivage. Le temps passe... Les hommes vivent un séjour merveilleux sur l'île, en compagnie des femmes.

Je replie le coude d'une infinie lenteur, contre les coussins, et m'en vient poser la tête au creux de la main.

« Mais après un an, la nostalgie gagna les cœurs. Les hommes décidèrent de rentrer en Irlande, malgré les mises en garde de la reine des fées. Avant de les laisser repartir, elle les avertit toutefois, d'une menace qui pèse sur eux : en effet, aucun ne devra plus jamais toucher terre.
A leur arrivée en Irlande, tout semble avoir changé et personne ne les reconnaît. Il n'y a qu'un vieil homme, qui a entendu parler de leur épopée jadis... C'est alors que l'un des compagnons de Bran, trop impatient, saute sur le rivage. Aussitôt, il tombe en poussière, rattrapé par le temps.
En effet ils ont vécu des centaines d'années sur Emain, où le temps n'existe pas... Et non pas un an, comme ils le croyaient.


Bref silence.

« Bran raconte ses aventures et finit par repartir, on ne sait où. Il a comprit...


Mon regard se pose sur Adam, à nouveau.

« Si Hook gagnait et que ce monde disparaissait... Peut-être connaîtrions-nous le même sort que l'équipage de Bran... Condamnés à errer sur l'océan, comme des anomalies... Incapable de rentrer chez soi.

J'esquisse l'ombre d'un sourire, assombri.

« Pour l'équipage originel, tout du moins. Il n'en irait certainement pas de même, pour les perdus que nous sommes. L'on existe pas sans ombre.




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MessageSujet: Re: Gris perle   Gris perle - Page 2 EmptyDim 10 Déc 2017 - 23:51

Il croisa les bras contre son buste, lui apportant la petite assurance supplémentaire qui lui manquait, et continua de boire les paroles de son interlocuteur. Attentif, il l'était. Il aurait presque pu prendre des notes. Mais ses yeux parlaient pour lui, et exprimaient avec aisance tout l'intérêt qu'il portait à ce sujet. Car, après tout, NeverLand était pour lui bien plus que sa maison. Il était NeverLand. Et ce, depuis plus d'un siècle maintenant. La seule chose qui le différenciait des vrais habitants de l'Île était qu'il était natif de l'autre Monde. Mais, de cet autre Monde, il n'en avait presque plus de souvenir. Tout juste une image floue, un paysage caché par une vitre embrumée.

Il pencha un peu la tête sur le côté, considéra le Penseur et sa réflexion.

- Tes pensées n'auraient guère étaient les mêmes, supposa-t-il après une seconde de flottement. Tu n'aurais pas cette clarté d'esprit que beaucoup t'envient. Mais … Tu ne serais peut-être pas venu non plus. Si j'en crois les rumeurs, c'est bien ton avide curiosité qui t'as poussé à te sacrifier.

Sacrifier, oui. Psy avait eu l'audace de faire un trait sur sa véritable vie pour venir, pour apprendre, pour connaître. En connaissant les conséquences de son acte, sûrement. Pauvre fou. Pauvre idiot. Trahi par sa propre intelligence.
Adam eut une furtive moue embêtée en songeant à cela.

Le pirate de Hook enchaîna et rebondit sur la question de l'employé de la fumerie. Il répondit par d'autres suppositions encore, et Adam ne laissa pas son regard se dérober. Avide d'en savoir plus, il s'accrocha aux prunelles claires du Penseur dans l'espoir d'y lire ce qu'il ne disait pas.

Il l'écouta lui conter la légende de Bran, bras toujours croisés contre sa poitrine, immobile comme une roche.

- … Aussitôt, il tombe en poussière, rattrapé par le temps.

Adam baissa les yeux contre sa volonté. Eut un léger moment où il perdit confiance. Il cligna plusieurs fois des paupières. Trop pris par le récit, il n'en avait été que plus touché.
C'est avec simplicité qu'il comprit le lien que Psy faisait avec NeverLand.

- Des anomalies … répéta-t-il dans un souffle absent.

Il retroussa légèrement la lèvre inférieure, dans une mine vaguement écoeurée. La barrière avec le réel était pourtant si proche … pourtant, il ne l'avait jamais vu depuis son arrivée ici.

- Comme si nous étions déjà poussière, remarqua-t-il à la fin du récit de Psy.

Les mots roulèrent sur ses lèvres au même titre qu'il levait les mains vers son visage. Il en examina chaque pore comme s'il les découvrait pour la première fois. Des mains abîmées, striées de cicatrices et plaies en tout genre. Des mains blessées, des mains d'homme. Tout ce qu'il y avait de plus vrai. Et pourtant, et cela lui faisait mal au cœur de l'admettre, mais les propos du Penseur étaient justes. Poignants.

- Pan nous maintient en vie. Par je ne sais quel miracle … quelle … quelle magie. C'est incroyable. De se dire que tout un monde pourrait disparaître comme l'on souffle sur la flamme d'une bougie.

Illustrant ses paroles, il fit mine de souffle une flamme inexistante avant d'exécuter un geste ample et lent de la main, comme s'il envoyait de la poussière autour de lui.

- Disparue.

Il eut un bref haussement d'épaule suivit d'un rire amère.

- C'est sûrement le même processus, dans le Monde Ordinaire. Mais en plus gros encore. Sûrement qu'un Peter Pan regarde les habitants de la Terre et attend le bon moment pour en venir à bout. Peut-être qu'il y a d'autres Mondes encore. C'est gros, tout ça. Je n'arrive même pas à l'imaginer.

L'esquisse d'un sourire se dessina sur son visage tandis que ses yeux se perdaient dans la contemplation distraite des cheveux bouclées de Psy.

- Pourquoi est-ce que ça nous dépasse, comme ça ? Pourquoi avons-nous la capacité de nous rendre compte sans pouvoir aller plus loin ?
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MessageSujet: Re: Gris perle   Gris perle - Page 2 EmptyMar 26 Déc 2017 - 19:35

Mon regard accroche celui d'Adam, au moment où il évoque la raison de ma venue. Une curiosité dévorante, au point d'en arriver à sacrifier sa liberté pour l'assouvir : c'est, en substance, ce qu'il prête à ma démarche.
Mes yeux glacier ne quittent pas ses traits, tandis qu'il développe. A travers l'expression de son visage, je saisi la profondeur de ce qu'il pense... et songe en réponse...
Mon acte est il celui d'un fou ? Est-ce là une forme d'ironie du sort ? Tellement curieux que je renoncerais à vivre... Je ne serais plus qu'un avatar de moi-même : Psy, « celui qui pense », comme l'a si bien dit Carne.

Je pourrais demeurer fier et m'en vanter. Développer longuement sur la notion de liberté comme un concept philosophique... Parler de la métaphore du poisson dans son bocal. Celui qui renonce à sa liberté dans sa pleine conscience n'est-il pas le plus libre des hommes ? Je pourrais parler de Diogène...
J'endormirais alors Adam sous le flot des concepts. Il verrait miroiter ma si brillante intelligence et accepterait d'y croire un peu... Au moins un peu, pour ne pas me contredire.

Mais non.

Dans le fond, il a raison. Je le vois maintenant... Depuis que j'ai un nom à moi, à nouveau, je le vois.
Ce n'est plus comme avant.

Alors je ne dis rien. Je laisse mon regard fondre dans le vague... Songeur.
Pensif.

Adam poursuit, lui. Il a l'air d'apprécier la conversation et cela m'enchante, dans le fond. J'aime parler avec lui. Je ne sais pas... C'est ainsi.
Il a quelque chose de candide. L'on dirait la flamme d'une bougie. Une flamme grise, qui danse faiblement en consumant sa vie... Et qui brûle. L'image d'une flamme éteinte... Non.
Je ne crois pas à ce surnom. Ça n'est pas lui.
Pas tout à fait lui...

Mon regard quitte le vide pour river l'homme. Je le vois se découvrir lui-même, en réponse à mon récit. C'est étonnant, ce qu'elle nous fait... L'île. C'est étonnant ce que l'on comprend de l'existence, par elle. Comme il se touche, l'on dirait un enfant découvrant le monde. Serait-il là depuis un siècle qu'il aurait oublié avoir grandit.
Ne se trouve-t-elle pas ici, l'ironie du sort ?

J'esquisse l'ombre d'un sourire lorsqu'il évoque la bougie. Nos esprits se sont croisés sur cette image, mais il ne le saura jamais. Fascinant.

« Peut-être sommes-nous animé par un mouvement plus grand encore et qui nous dépasse ? Peut-être que nous ne percevons qu'un fragment insignifiant du grand ensemble... Assez pour nous torturer l'esprit, mais pas de quoi devenir les maîtres de notre propre destin.

Je réponds, l'air bercé par d'intenses mouvements de pensée.

« Peut-être que nous sommes coincés parce-que nous n'avons pas pu décider de venir au monde.


Le désir ultime de Peter Pan... La source de toutes les contradictions. Comme un contre argument fatal à toute tentative de sens. L'on ne choisit pas les raisons de sa venue, alors le sens que l'on décidera de donner à sa vie ne sera jamais qu'un choix arbitraire... Et donc absent de toute vérité transcendantale.

Pas de vérité, donc pas de dépassement de sa propre condition. Le flou et l'incertitude en compagnon de route, pour l'éternité.

Néant... Poussière...

Toutes ces choses qui baignent les longues conversations de mélancolie. Ombre de sourire.
Je la sens m'imprégner lentement, la mélancolie. Je repense à l'enfance, à l'amour. Je me demande où vont les choses. Des questions que l'on met de côté, au profit d'une illusion plus alléchante : comprendre Pan, percer les mystères... Devenir immortel en obtenant la reconnaissance de ses pairs. Lutter contre l’inéluctable.

Autant de pantins qu'une simple... longue conversation... désarticule.

« Quand j'étais enfant, je rêvais de venir.

Fais-je alors. Mes pensées ont fait le long tour et ont retrouvé le départ de leur tortueux cheminement.

« On me disait qu'il n'existait pas... Je disais que si... Je le savais, dans le fond.

Mes yeux ne fixent rien. Il n'y a que l'image de l'enfant roi, qui tourne et m'hypnotise.

« J'ai attendu...

Les ombres dansent. La pièce s'affadit au profit des souvenirs encore bien vifs. Ceux-là, jamais ne mourront.

« C'est à vingt-cinq ans, qu'il est venu.

C'est à peine un souffle. Une pensée échappée de méandres encombrés. A vingt-cinq ans, quand cette étrange mère a finalement détourné le regard de moi... Juste assez de temps pour qu'il passe et que je le persuade de m'emporter.
Tous croient à un remarquable tour de l'esprit. Mais j'étais bel et bien cet enfant, à vingt-cinq ans. Il suffisait de bien regarder.... En vérité.
Avide...

Je me redresse alors d'un mouvement félin et m'en vient croiser les doigts sur mes cuisses. Légèrement penché en avant, je scrute Adam, une fois de plus.
Mon air est doux, bien qu'il me soit impossible de gommer tout à fait de mes traits cette curiosité carnassière qui me caractérise. Une curiosité dévorante, au point de devoir la diriger vers les autres pour éviter qu'elle ne me cannibalise purement et simplement.

« Tu te souviens du monde ordinaire ? Comment était-ce à ton époque ?

Mon expression passe de l'avidité à un genre de détresse étrange... C'est fugace.

« Aurait-on eu une chance, même infime, de se croiser...


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MessageSujet: Re: Gris perle   Gris perle - Page 2 EmptyMar 2 Jan 2018 - 23:28

Et les suppositions continuèrent d'affluer. Les 'peut-êtres', 'et si', 'si jamais' … qui n'apportent rien d'agréables si ce n'est une réflexion qui fait mûrir.
Adam garda ses prunelles baissées vers ses mains. Épaules rentrées, légèrement courbé en avant, il se mordilla la lèvre inférieure. Il était, en effet, peut-être touché plus que de raison par cette discussion. À vrai dire et d'ausse peu loin que remontaient ses souvenirs, il ne se souvint pas avoir un jour pu mettre autan de mots sur ce qui lui traversaient l'esprit. Et ça lui faisait un effet bizarre. Ça rendait ses pensées et théories, de façon surprenantes, encore moins réelles que s'il n'avait pas que d'y songer. Ça laissait un goût amer dans la bouche, un goût d'insaisissable.

Psy perça le silence de son histoire, faisant lever les yeux de l'Eteint vers lui pour mieux s'imprégner de ses mots. Pour finir par froncer les sourcils et pencher légèrement la tête sur le côté.

- Ce n'était pas un vrai choix ? Enfin, je veux dire … ce n'est pas … toi, vraiment, qui a choisi. Si Pan est venu, ce jour-là … Ce n'est pas possible que tu ais pu l'appeler, qu'il ait pu t'entendre, si tu n'avais été qu'un adulte, et rien d'autre. Ce n'est pas la ruse ni l'intelligence qui appellent Pan.

La détresse.
L'on pouvait être cet enfant en détresse, à tout âge. En y réfléchissant … C'était même étonnant que Psy soit l'unique à être parvenu à venir malgré son âge avancé.

Et la conversation se tourna vers lui. Il eut un petit soufflement de nez, Adam, avant de détourner le regard. Alors que Psy se penchait en avant, lui s'enfonça un peu plus dans son fauteuil. Il croisa les bras contre son buste, prêt à lui dire, simplement, simplement, qu'il ne se souvenait pas. Et puis, il se rendit compte que si, il s'en souvenait. Un peu. Et il décida que Psy, ce jour-là, était digne de confiance.

- Non, je ne crois pas …

Il prit le temps de rassembler les bribes de souvenirs qui se mélangeaient dans sa tête.

- Quand j'étais enfant perdu, on m'a dit que j'étais … un « ancêtre ». Déjà. Apparemment, malgré mon apparence, j'avais déjà plus d'un siècle.

Il haussa les épaules et eut un sourire quelque peu moqueur.

- Ca ne m'évoque plus rien, ça, « un siècle ». Ca ne veut rien dire, ici. Je suis sûr, aujourd'hui, que je suis plus vieux que les plus ridés du Port. La majorité des garçons perdus le sont d'ailleurs plus que certains hommes.

Ses doigts vinrent enlacer la théière encore chaude. Une seconde, il demeura ainsi, pour se réchauffer autant que pour trouver ses mots.

- Dans le Monde Ordinaire … Je me souviens que le mot 'guerre' me faisait peur mais que je n'en comprenais pas le sens. Je me souviens d'avoir été sous la terre. Du charbon, du roulis de ses véhicules affreusement lourds que l'on poussait sur les rails. De la fatigue. Du gris. Gris, gris, gris. Tout était terne, triste, déjà mort. On était tous des fantômes. Mais c'était normal, il paraît. La « guerre ». Il paraît qu'il fallait qu'on soit content d'avoir du travail.

Il déglutit. Il avait l'impression de réciter un poème de mauvaise qualité.

- C'est pas ça qui a fait venir Peter. Il ne vient pas quand il n'y a pas de vie.

Est-ce qu'il voulait se souvenir ? Oui et non. Il se doutait bien que si Pan était venu, ce n'était pas pour une raison joyeuse. Et Adam préférait ne plus avoir aucun souvenir de l'autre Monde plutôt que de savoir et souffrir. Il avait conscience qu'à ce jour, tout ceux qu'il avait pu connaître devaient être mort. Alors, rien que pour cela, il refusait de voir leur visage ou même de se souvenir de leur nom.

- Au final, je crois qu'il n'y a pas à se plaindre d'être ici, non ? On a échappé à quelque chose d'affreux – quelque chose de propre à chacun -, et certaines personnes peuvent ainsi consacrer leur vie à cet endroit pour le comprendre.
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MessageSujet: Re: Gris perle   Gris perle - Page 2 EmptyMer 24 Jan 2018 - 21:51

Les paroles d'Adam me scellent dans le silence. Il avait raison : Pan ne venait pas par ruse, ni tours de l'esprit. Il cueillait simplement les enfants abandonnés par le regard de leur mère. Ceux qui sont perdus... Il suffit d'un instant.
Un instant d’inattention, pour que l'enfant nature emporte cet éclat de reflet à jamais.

Je n'étais pas différent de ces enfants en vérité...
Ce soir là, j'avais été délaissé moi aussi. Ma rouerie m'avait simplement permis de le persuader, lui. De le berner, là où il se serait normalement détourné. J'avais joué à l'enfant. Ressorti un ancien mode de pensée, comme on le ferait de jouets d'un vieux coffre de bois sagement entreposé au grenier... Je l'avais fait pour qu'il me voit.

C'était une détresse souterraine... Celle qui vous fige...
Vous cristallise l'âme.

Et tandis qu'il me regarde, Adam, je demeure silencieux. J'ai compris où il voulait en venir.
Je sais qu'il sait... Qu'il y a quelque chose à trouver derrière mes grands airs inspirés, la justesse de mes répliques, mes vers de poésie.
La détresse.

Alors je ne dis rien, mes prunelles glacier le détaillant juste... Sans mot dire.
Seule l'amorce d'un rictus au coin de la bouche s'en vient trahir le fond de ma pensée.
Rien d'autre.

La lumière de la conversation se dirige sur lui. C'est à mon tour de l'écouter. Alors j'écoute. Je ne juge pas... Je suis simplement... Curieux. Comme on le serait de quelqu'un dont on veut se rapprocher, parce que la parole est douce, en dépit des grands mouvements qu'elle génère.

Adam m'avoue être vieux, pour ce que cela veut dire.
J'acquiesce en silence, d'un léger mouvement de tête, à ses réflexions suivantes : l'âge ne veut rien dire, les enfants perdus sont parfois de plus grands adultes que nous autres... Oui, toutes ces choses sont notre culture commune, à tous.
J'observe l’Éteint enrouler ses doigts autour de la théière chaude, tandis que ses paroles me parviennent à travers la brume légère de la tasse. J'en profite alors pour boire une gorgée ou deux de thé, tandis qu'il me parle de la guerre et de ces choses qui firent son époque.
L'avant.

Un éclair me traverse alors : le poème était celui d’Émile Verhaeren. Il s'intitule « les ailes rouges de la guerre » et fut écrit en 1916.
Je comprends maintenant pourquoi il m'y a fait penser.

Mais comme il parle toujours, je l'écoute encore. Il me touche, avec ses mots. Je sens qu'il fouille jusqu'au fond de sa mémoire ravagée par l'Oubli, pour partager quelque chose avec moi. Quelque chose de signifiant... Et qui me permette de le voir un peu plus distinctement dans l'obscurité de ce monde figé dans le temps.

Sa conclusion me procure cependant la sensation d'un couteau de glace planté à travers la poitrine. Rien d'intime toutefois : c'est seulement ce que cela m'inspire.
Il y a un caractère tragique inhérent à une telle conclusion. Une orientation vers laquelle je ne peux me résoudre, moi qui me plaît à penser me trouver là par choix. Je n'ai pas envie qu'il brise toutes mes croyances.

« Je n'ai jamais douté de ma raison d'être ici jusqu'à récemment.

Fais-je finalement, après un moment de silence. Mes doigts jouent avec l'émail craquelé de la tasse, y faisant doucement tournoyer le thé qu'elle contient.

« Cela fait des années que je suis « Psy ».

Mes yeux fondent dans le vide. Je hausse brièvement les épaules.

« Maintenant, je ne sais plus ce dont j'ai envie. Mais si j'abandonne mon rôle... Je ne sais pas qui je trouverais à l'arrivée.

Mon corps est agité d'un lent balancement, presque imperceptible. Je sens le cours de mes pensées s'agiter, un peu. Tous ces détours m'auront amené à une conclusion pourtant évidente.

« Je suis tombé amoureux.

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MessageSujet: Re: Gris perle   Gris perle - Page 2 EmptyVen 23 Fév 2018 - 19:47

Sa tête se pencha sur le côté, un peu. Piqué par l'expression du visage de Psy. Par cette lueur nouvelle qui brillait dans ses yeux. Il se tait, à présent, et laisse les réflexions du pirate prendre son attention sans chercher à l'en dissuader. Les deux hommes en viennent à se détailler sans se voir, leurs prunelles percent loin au-delà de leur enveloppe charnel. Psy pense, alors, Adam aussi. Et cette profonde réflexion est presque douloureuse pour un être si faible et qui se contente de vivre au jour le jour sans se poser de question.

Le Penseur avoua n'avoir jamais douté de la raison de sa présence sur l'Île, jusqu'à récemment. L'Eteint écoutait, toujours. Fidèle à sa place de silencieux, de nouveau, à guetter les mots qui glissaient sur les lèvres de celui à qui il n'avait jamais parlé avant.

Ce fut autre chose que des pensées qu'Adam put lire dans sa voix. Un sentiment plus humain, plus direct encore que l'intelligence. Psy doutait. Et l'employé de la fumerie pensait bien qu'il vivait un moment rare, voir privilégié. Le Grand Psy, si connu du Port voir de l'Île entière, se tenait face à lui, et partageait ses craintes qu'il devait taire depuis toujours.

À sa déclaration cependant, Adam ne put empêcher un vague sourire d'étirer ses lèvres. Pas par moquerie, non. Il avait lâché ça avec tant de peine qu'il aurait aussi bien pu annoncer avoir une maladie incurable.

- Et ça remet en cause tout ce que tu as pensé et vécu jusqu'à maintenant ?
S'enquit-il après quelques secondes. Pourquoi dis-tu cela avec tant de détresse ?

Il eut un petit haussement d'épaules.

- Cela prouve peut-être que nous ne sommes pas totalement mort.

Nouveau sourire, teinté d'une légère et surprenante douleur cette fois-ci. Maintenant, Adam se tenait face à un homme. Pas face à Psy. Ce pourtant court échange lui avait fait changer d'avis sur lui, du tout au tout.
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L'Ombre
L'Ombre



✘ AVENTURES : 2490

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MessageSujet: Re: Gris perle   Gris perle - Page 2 EmptyDim 29 Juil 2018 - 19:02

The End


Nul ne sait comment cette aventure s'achève,
On l'aura oublié, dès que le jour se lève.


FIN DE L'AVENTURE




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MessageSujet: Re: Gris perle   Gris perle - Page 2 Empty

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