Lorsque les enfants dorment et que les étoiles dansent, alors il est trop tard pour rentrer. L'égarement n'est pas un crime, s'il est motivé par un désir de découvrir tout ce qui existe. Sense a loupé l'heure du dîner, et tout ce qu'il y avait avant et ensuite. Prise au piège dans une marche au travers de l'île. Quelle ironie, maintenant que ce n'est plus son rôle. La jeune Diplomate s'est focalisée sur les détails, une fois encore, chaque feuille ondulant dans le vent, ou bien les ombres furtives lors de sa marche. Techniquement, sa présence n'est pas motivée par des désirs égoïstes. Elle existe en premier lieu pour maintenir la communication entre les siens et les peaux-rouges. Sauf qu'elle s'est attardée, une fois arrivée à destination. Que le temps qui s'écoule sans jamais bouger s'est éparpillé autour d'elle.

Lorsque le ciel s'est assombri, Sense n'avait plus la moindre envie de rebrousser chemin. A quoi bon, alors que tout restera semblable si elle se glisse dans sa cabane avant le réveil des autres enfants ? Est-ce de l'insolence, de souhaiter s'égarer, juste un moment ? Si tel est le cas, l'Indécise n'en a que faire. Pas alors qu'elle se recueille là où personne ne viendra la chercher.

Grimper est une entreprise toujours un peu complexe, pas le genre auquel elle souhaite s'essayer. A la place, tout son corps se plie sur une racine, un genou sous son menton. Il y a, dans ce silence prolongé, une douceur qui lui fait du bien. La brise qui frôle son visage dans la nuit sombre est un signe de paix, que personne ne disparaîtra durant ce cycle. Malgré la pénombre, le yoyo qu'elle tire de sa poche pourra danser un peu. Du moment que Sense sent la pression sur ses doigts, que le poids lui rappelle le geste suivant, il n'y a pas de risque de blessure. Tout est un peu plus compliqué, car elle ne souhaite pas toucher les feuilles ou l'arbre majestueux par accident. Alors ses mouvements ne sont pas aussi magiques que d'habitude.

Rentrer sans lumière aurait été une grossière erreur. Surtout avec sa vision si limitée. La pensée est sa dernière avant que la bulle n'explose.

« Qu'est-ce que tu fais ? »

C'est comme un coup, en plein milieu de sa poitrine. Un qui lui arrache un sursaut, qui l'empêche de respirer. La voix, bien que familière, lui échappe. Ce n'est qu'en se retournant, le yoyo s'écrasant à ses pieds, que Sense devine. Sans être sûre. Il y a tant de changements d'un seul coup. Est-ce bien l'enfant qu'elle connaît, ou un esprit qui s'ennuyait ? Enchaîne, au lieu de trop réfléchir.

« Tu m'as surprise, » elle marmonne, tout en se rendant compte que ce n'était pas utile de le dire. « J'me repose un peu. Recueillement tout ça. C'est apaisant d'être ici. Tu viens souvent, toi ? » D'une main, elle tapote la racine à côté de la sienne, en une invitation.

« Je suis venue pour discuter avec le clan, et j'ai oublié le reste du monde. Je crois que ça arrive, parfois. De trop se focaliser sur un truc et le reste s'efface. J'parle un peu trop là, fais pas gaffe. T'es là pour quoi ? »

Rien n'est véritablement un jeu sur l'île. Les plus jeunes prétendent, bien sûr. Il en va de leur survie, Sense s'en rend compte. A son âge, c'est plus complexe de se mentir, d'agir en considérant que tout est autorisé jusqu'à entendre le contraire. Oh, elle n'est pas la seule à encore manipuler cette règle pour servir ses intérêts, mais ça commence à devenir pesant. Il lui faut faire attention, ne pas trop en dire, contrôler cette sincérité débordante.

Sense compense, excellant dans cette discipline depuis trop longtemps. Ses mains détachent le fil entremêlé entre ses doigts, pour se laisser une pause. Ce n'est pas dramatique, puisqu'elle en a toujours un second avec lequel jouer. Pas pour l'instant cependant. Il faut d'abord endurer l'interrogatoire, qui la dérange un peu.

« Tu n”es pas allée discuter avec le clan. »

Une attaque claire et directe. Devrait-elle dire que c'était son but premier, jusqu'à ce que son esprit s'égare et vienne cherche refuge auprès de cet allié éternel ? Sans doute que ça serait la meilleure solution. La plus directe aussi.

« Une mission aussi tardive ? » Cela pourrait être une manière de parer le coup, et de faire un retour à l'envoyeur. Sense n'est pas ainsi. « Okay. Tu veux tout savoir ? Ben je suis venue, j'ai vu, et puis j'ai dérivé dans ma tête. Telle une vague, je suis venue m'échouer ici, jusqu'à ce que j'ai envie de repartir. »

Pour l'instant, c'est hors de question.

« C”est une arme ? »

Sense secoue la tête, immédiatement. L'adolescente n'apprécie guère que l'on nomme ainsi ce qui est plus proche d'un outil de divertissement.

« Techniquement non, c'est juste un jouet. Après on peut s'en servir pour faire mal, même si j'évite autant que possible. »

La jeune fille a déjà utilisé ses chers instruments pour repousser certains enfants perdus, même si c'était surtout parce qu'ils se sont moqués. Bon, quelques combats également, mais c'est un fait mineur. La violence la plus cruelle est celle que l'on s'inflige à soi-même en repoussant le monde, Sense suppose.

« C'est un Butterfly celui là. Il est un peu customisé, contrairement au Modified que j'utilise le reste du temps. Lui on peut même pas le repeindre sinon ça lui niquerait son équilibre. Le Butterfly est un peu plus versatile tu vois ? » Non, l'adolescente n'est pas convainque que le gamin comprenne un traître mot de celle qu'elle lui explique.

« Tu veux pas t'asseoir avec moi ? Maintenant que t'es là. »

Si le monde s'arrêtait aux figures qu'elle est capable de tracer dans les airs avec ses outils, alors tout serait simple. Un vœu enfantin auquel Sense ne cherche plus à se raccrocher depuis un moment. Elle évite, imitant beaucoup de ses camarades, certains sujets. Disparaître en brûlant tous les ponts entre sa personne et le passé, ça semblait une solution acceptable, à l'époque. L'unique qui lui soit venue à l'esprit aussi. L'odeur de l'eau salée revient, remontant dans son corps telle une vague. Pourtant, l'adolescente se contient, parvenant à ne pas montrer son malaise.

« Au début j”ai cru que tu étais morte, et puis un jour de loin, j”ai vu quelqu”un jouer au yo-yo, et c”était toi. »

Difficile de répondre à cette déclaration. Moi aussi, ça ferait un peu stupide, n'est-ce pas ? Sense a vu la mort d'assez près pour ne plus souhaiter réitérer l'expérience. Pourtant, rester silencieuse, c'est un acte de violence. Si elle s'enferme, sans offrir quoi que ce soit, ça sera difficile de communiquer avec le garçon. Pour gagner du temps, elle autorise son œil valide à glisser sur lui, à détailler les changements. Lesquels sont survenus après son départ ? Sense a du mal à se souvenir de tout, perdue dans un jeu des sept différences au niveau trop élevé pour elle. Ce n'est pas plus mal, de ne pas totalement reconnaître le plus jeune. C'est comme une nouvelle rencontre.

« En fait, tu étais juste partie. »

Pas très loin. Le silence est en train de l'entourer, refusant de lui foutre la paix. Les mots au sujet de la mère apprentie sont douloureux, un rappel de ce qui a été échangé pour un peu de liberté. Le bout de sa chaussure trace un cercle dans la terre, pour occuper un peu son esprit.

« J'ai cru que j'étais morte aussi, au début. C'est dur à expliquer. » Tout garder pour elle serait simple, si Sense le désirait. Prétendre qu'un enfant aussi jeune ne puisse comprendre lui suffirait à taire le sujet. Sauf que ça ne serait pas juste. « J'suis partie par mon unique faute, parce que j'ai gardé des secrets pour moi, des tas. Et ça a commencé à prendre toute la place jusqu'à ce que je puisse plus respirer ni exister. C'était.. Horrible. Stupide aussi, parce que j'aurais pu le voir avant. » Les mots se déversent, emplissant leur abri rassurant.

« Aussi j”ai changé de coupe. Et je suis plus fort qu”avant. Tu n”as pas remarqué. »

Un peu trop tard, sans savoir quoi en dire. L'aînée hume pour elle-même, ses doigts repoussant les mèches blondes derrière son oreille du côté où ce n'est pas grave.

« J'suis désolée, j'étais absorbée par mes trucs, comme une éponge. » Elle tourne la tête, juste un peu. « Est-ce que tu te sens bien ? Parce que c'est ça l'important. J'ai changé aussi, mais surtout à l'intérieur je crois. » Son apparence également, même si Sense se dit que c'est secondaire comparé à son esprit.

Elle évite avec soin de s'excuser de l'avoir (les avoir) abandonné, parce que c'est le passé. Pleurer dessus ça ne changerait rien.

Est-ce juste, la vie qu'ils mènent sur cette île incapable de rester en place ? Sense n'a pas d'hésitation au sujet de la réponse, ce qui ne signifie pourtant pas qu'elle souhaite affronter une telle réalité. Son cœur est égoïste, pour s'être contenté d'une fuite mal organisée au lieu de véritables adieux. Quitter tout ce qui reste à porter ainsi était stupide, un acte impulsif. Pourtant, même après le temps qui s'est écoulé, à sa manière, Sense n'est pas certaine de souhaiter s'engager sur cette pente bien trop raide.

« Ma mère… »

Tout s'enchaîne, la prenant au dépourvu. Sa chaussure s'arrête, pressant toujours contre la terre. Une mère éloignée, réfugiée dans un autre monde. Le secret n'est pas vu comme un outil, encore moins telle une preuve de leur ancien lien. L'Indécise trouve que ça ressemble plus à un jet de couleurs dans le ciel, quelque chose que l'on ne peut retenir et qui vient du plus profond de l'âme. L'Oubli a été autorisé à gober tout ce qu'il souhaitait chez elle, puisqu'il y avait peu que Sense souhaitait préserver. Le plus jeune est visiblement à l'opposé.

Et son récit également. Plus ancien qu'elle ne pourrait jamais l'être. Enfin, ça la jeune fille l'avait remarqué.

Cette mère courage, Sense ne la connaîtra jamais. Le terme ne lui inspire qu'un soupir intérieur qui s'étend jusqu'à se transformer en une lassitude qui fait tomber ses épaules et lui donne envie d'attraper les lucioles entre ses mains et de ne plus les laisser s'échapper. A la place, l'adolescente autorise l'enfant à la fixer, retournant le geste jusqu'à ce que ça devienne un peu trop.

« Et puis, c’est pas vrai, tu as changé dehors aussi. Sinon tu ne serais pas partie comme ça. Tu es devenue une fille, quand même. C’est un gros changement.  »

Ce n'est pas de la douleur, Sense décide. Seulement quelque chose d'inconfortable qui continue de grossir sous la chair. Une sensation de mal-être qu'elle n'est pas totalement parvenue à chasser. Ce n'est pas son corps le souci, c'est ce qu'on en a fait. Les erreurs du médecin de famille, de ses proches. Sa main triture le bas de son haut pendant un moment.

« Ta mère, elle a raison. Survivre, souvent c'est tout c'qu'on a. C'est plus qu'un choix, de se battre jusqu'à ne plus pouvoir. Je pense que tu es également plein de courage, pour cette raison. Tu as beaucoup changé à l'extérieur aussi, plus que moi. » Les mots sont un peu difficiles, surtout ceux qui suivent, et qui s'écoulent avec violence.

Sa voix monte, pour s'assurer que tout ne se terminera pas en murmures et larmes.

«C'est pas pareil que moi. J'ai toujours été une fille, je m'en étais juste pas rendue compte. Enfin, j'le savais mais j'voulais pas le voir. Tu vois, ma mère à moi, c'était une sale conne. » Oh, ça n'aurait pas dû sortir ainsi. La vérité soulage un peu, lui fait du bien.

« C'était un chouilla vulgaire, désolé. »

Y'a le frère qui lui revient, un peu comme ça, de nulle part. Et c'est suffisant pour que l'écho d'un rire bien sale résonne dans sa tête. Son visage s'est effacé, au contraire de la menace qu'il représentait, de ce qu'il a fait. Honnêtement, Sense sait qu'il n'y a absolument rien de positif à offrir au sujet de ses proches. L'affection n'en est pas, si elle n'est utilisée qu'en guise d'excuse pour justifier le pire. Qu'est-ce qu'elle pourrait bien lui proposer, pour expliquer tout en taisant les détails ? L'enfant ne mérite pas de se dire que certaines mères sont horribles sans raison, parce que c'est ainsi qu'elles sont nées. Que les pères veulent imposer leur vision du monde et que les frères sont simplement cruels pour s'amuser. Sur l'île c'est un peu ainsi pourtant. Les mères et les perdus… Même Peter. Ils suivent un schéma similaire.

« C'est pour ça que tu es venue ? Et maintenant... Tu ne regrettes pas ? Si ta maman te voyait maintenant, elle comprendrait que tu étais une fille, ça se voit. Moi je le vois (même sans mes lunettes spéciales). Alors ta mère le verrait forcément, non ? »

A l'époque, dans l'autre monde, Sense ne connaissait pas son identité. C'était là, caché au fond d'elle, sans qu'elle ne soit en mesure de le comprendre, à défaut d'avoir jamais entendu parler de personnes dans sa situation. L'avouer, ça ne l'arrange pas, alors elle se concentre sur le reste.

« J'espère. Si ça se trouve elle se dirait que je suis super jolie et que c'est cool tout ça. » L'Indécise n'y croit pas trop. Pourtant, un peu d'espoir n'est pas si douloureux, du moment qu'elle ne s'accroche pas trop. Sa mère, elle préfère en parler au passé, ne pas y repenser.

« Je regrette pas. J'suis mieux dans ma tête depuis que j'lai dit tu vois. Moins… J'en sais rien, j'crois que j'étais vraiment mal. »

Sense se retient de dire au plus jeune qu'elle a manqué de se balancer dans l'océan. C'est un détail, ce n'est pas crucial de faire du mal à son ancien compagnon pour ça.

« Quand tu changes, que tu te confies, ça t'aide. On est devenus vraiment classes tous les deux, tu trouves pas? Merci de me voir comme je suis vraiment. » Elle marque une hésitation avant de soupirer la dernière phrase. Sa main se redresse, comme pour aller se poser sur l'épaule de l'enfant. Uniquement pour retomber au dernier moment.

Ils ne sont pas si proches que ça.

La confiance, c'est ce qui manque parfois, plus que le courage. Croire en soi est certainement utile, Sense suppose. Néanmoins, c'est savoir que l'on s'en sortira qui devrait prendre le pas sur la chance et l'espoir. Même si, dans le fond, le changement du garçon l'arrange pour des raisons un brin égoïstes. S'ils ont évolué tous les deux, alors impossible de trop s'accrocher au passé. A la place, ils sont forcés d'avancer, quoique pas ensemble. Un maigre prix à payer, si chacun parvient à vivre.

La conversation lui a fait du bien, malgré son poids. Balancer des trucs comme ça, des vérités enfouies, ça permet de soulager le poids qui pèse sur sa conscience.

Par contre, le piaf qui a décidé de se ramener est, quoique majestueux, certainement par la bonne surprise de la soirée. Son corps se fige, les muscles tendus tandis qu'elle retient sa respiration sans le réaliser. Quel est cette créature ? Un oiseau aux multiples couleurs, dont ce rouge agressif semblable au flammes, ça ne lui parle guère. Dans tous les cas, autant ne pas s'attarder dans le coin. Sense est certes Diplomate, mais régler les conflits entre les hommes et la faune ce n'est pas son terrain de prédilection.

« Salut ? » Qu'elle sort, levant une main timidement lorsque la bête décide de lui offrir un regard. Quel côté est le plus nerveux ? Difficile à dire. L'enfant à ses cotés est certainement plus à même de ne paniquer qu'elle, qui évite autant que possible les conflits. D'ailleurs, lui sait ce qu'est un phénix, bon point pour Grenouille.

Le bon vieux temps n'en est pas vraiment un. Les souvenirs de son ancien poste sont toujours présents, ce qui ne signifie pas que l'adolescente souhaite les employer pour régler la situation.

De toute façon, l'attaque est déjà lancée. Le cri la déstabilise, et lorsque quelque chose de brûlant frôle son bras gauche sans causer de blessure, Sense s'exclame en retour.

« Hey ! » Instinctivement, l'adolescente ramasse le yo-yo, poids familier dans sa main. C'est la vision de  son ancien camarade au sol qui fait rater un battement à son cœur, qui contrôle et ses jambes et tente de la mettre sur le chemin de la violence du phénix. Le yo-yo dévie une des pierres, brutalement. Et elle sait immédiatement que son cher trésor est à moitié foutu. Elle termine un genou au sol, la respiration haletante.

« Qu'est-ce que tu veux ?! T'crois quoi ? Que passer tes nerfs sur nous ça va tout régler ?! » L'Indécise à l'habitude de traiter tout le monde en égal, qu'ils soient humains ou non. Ennemis ou alliés.

Pourtant, de son œil valide, elle cherche à calculer si elle pourrait atteindre le cou de l'animal et enserrer le fil autour de ce dernier avant que son arme ne rende l'âme. Un tel acte serait désespéré, pas encore nécessaire. Elle devrait remarquer que quelque chose ne va pas chez le phénix, sauf que honnêtement, Sense préfère glisser sa main libre derrière elle, tentant de trouver Grenouille.

Il ne faut pas qu'il meurt.
Il ne faut pas.

Bon aussi, si Sense pensait pas que tout allait toujours mal se passer, ça aiderait.

On ne panique pas est devenu trop tard en un temps record. Sense n'a jamais été douée avec la pression qui ne cesse de monter. Pourtant, malgré ses convictions, celles qui invitent à la discussion et non au combat, elle est prête à prendre les armes pour protéger s'il n'y a pas d'autres solutions. On ne peut pas toujours combattre le mal juste avec des mots. Bon, si elle pouvait éviter de crier dans un sanctuaire, ça le ferait un peu plus quand même. La peur est rapide à envahir sa tête et c'est pas bon, ça va la déconcentrer.

La main dans la sienne, soudainement, la petite voix qui l'accompagne, c'est comme une bulle. Un silence qui se répand, qui les entoure un moment, en une protection. Sense se calme, juste un peu, pas assez pour baisser son yo-yo. Son ancien ami est blessé, quoique en vie. Il ne devrait pas rester là, sauf que lui suggérer de s'enfuir serait une insulte. L'Indécise ne lui dira jamais qu'il n'est pas en mesure d'être son égal. De toute façon, l'oiseau rouge ne les laisserait pas quitter les lieux aussi facilement.

« Je crois que celui-ci a été détraqué par le froid. Il a l'air à moitié aveugle. Les phénix ne ressemblent pas à ça, mais je suis sûr que c'en est un. Il doit... Il doit être infecté, je ne sais pas. »

Pas très rassurant tout ça. Pourtant, Sense aussi les note, ces détails qui lui saute maintenant aux yeux. Enfin à celui qui voit encore. Si c'est ça l'explication, alors peut-être peuvent-ils lui rendre ce qui a été perdu. L'obliger à baisser les armes pour qu'on le soigne. Pas qu'elle y connaisse grand-chose, mais certains pourront sans doute, au camp.

« T'as raison, c'pas normal du tout. T'es sûr que ça va ? » L'adolescente a du mal à quitter la créature du regard, par crainte d'une nouvelle attaque, pour vérifier que son ami va bien.

« J'ai une idée, Sense, il faut qu'on grimpe dans l'arbre et qu'on l'attaque de là haut. »

Déjà le cadet enchaîne avec son plan. C'est risqué, quoique réaliste. En tant qu'ancienne éclaireuse, elle analyse la situation d'un point de vue offensif pour le coup. Un minimum de dégât est nécessaire pour calmer le phénix. Elle hoche la tête, cherchant à calculer la hauteur de l'arbre mentalement.

« Okay, mais faut pas le blesser plus que nécessaire, sinon il deviendra désespéré. Et c'est là qu'les gens deviennent dangereux t'sais. Donc on évite certains points. L'but c'est de le calmer. » La diplomate en elle refait vite surface, sans que Sense ne le remarque vraiment.

La dernière phrase de Grenouille la perturbe juste assez pour que ses pieds se prennent dans une branche. La chute est évitée de justesse tandis que la jeune fille entame sa course pour rejoindre l'autre côté de l'arbre. Grimper ne lui avait pas le moins du monde manqué honnêtement. Une fois assez haut, Sense se hisse debout sur une branche, arme à la main.

« Hey le piaf ! Regarde, j'suis là ! »