Le silence s’installe,
Jerk reprend espoir.
Encre semble ancienne.
Son histoire est un puit d’eau sombre.
Il la voit chercher en sa mémoire,
Ses profondeurs.

Elle se détourne,
Il suit son regard.
Plus loin,
Les sirènes se sont éclipsées,
Lassées du soleil timide,
Lassées du ciel détrempé.
Une pourtant reste.
Paupière abaissée,
Poitrail présenté au ciel
Comme une offrande.

— Je ne fréquente pas les Pirates.
Jerk acquiesce.
Il n’a pas quitté l’autre du regard,
Un instant saisi par sa posture,
Sa beauté négligée.
Il s’ébroue, reprend conscience,
Reporte son attention sur Encre.
— D’accord.
Elle n’était pas la première
A lui apporter cette déception.
Pourtant, ça le décourage.

— Elle saura peut-être.
Qui ?
Il comprend ensuite.
Elle ?
— Je te l'amène ?
Sourire carnassier.
—Non.
Il se reprend.
— … Oui.
Je ne sais pas.

En saurait-elle plus ?
Mais seul face à deux sirènes,
Sa prudence le pousse au refus.

Pressante,
La prédatrice tranche.
— Je reviens.
A ces mots, il sursaute.
Il tend un bras pour la retenir.
Mais il est tard,
Bien trop tard pour ça.

Impuissant, il la voit agir,
La regarde s’approcher,
Et soudain, se saisir
D’une sœur affolée.
Transi d’horreur,
Jerk laisse un froid le pénétrer.
Le doute s’empare de son cœur :
Que vient-il de déclencher ?

La sirène lui revient,
Accompagnée de sa prise.
Et lance sans prélude
Un interrogatoire… un peu rude.
— L'humain a une question.
Le sang coule, elle s’en délecte.
Jerk se sent responsable direct
D’une mise en scène aussi abjecte.
- Demande.
Il ne peut pas.
Comment pourrait-il ?
Quelque chose ne va pas.
La prédatrice jubile.

— Pourquoi ?
C’est Encre qu’il regarde.
C’est elle qu’il interroge.
— Elle…
C’est un des tiens.
Elle fait partie de sa famille.

— C'est égal.

Deux mots suffisent.
Ils balayent tous ses principes
Ils jettent un froid entre eux.
Elle l’écœure, cette Encre, cette bête.
Une bête. Il avait presque oublié.

— Je vais la laisser partir.
Annonce la prédatrice.
Sa sœur réagit à ces mots :
Une lueur dans son regard.
— Mais tant qu'elle est là...
Demande.

L’enfance cède à l’horrible logique.
Il fait un pas.
Pas un de plus.
Et la scène se rejoue.
—Tu connais ça ?

La sirène lève le front,
L’air indigné :
Cette proie insolente
Profite de sa captivité.
— Une dent d’humain.
Constate la sirène.
—Qui ?
Jerk est pressant.
Il veut croire en une chance.
Aussi infime soit-elle.
— Qui ?
La sirène laisse échapper un rire.
Un rire méprisant.
Cruel.
— N’importe qui !
Imbécile !
Les pirates ont la dent jaune,
Quand leurs poches sont bien remplies !

A peine a-t-elle prononcé ces mots qu’elle est exécutée. Encre fond sur sa sœur, sa proie et l’entraîne au plus profond des eaux. Jerk scrute la surface mais ne peut pas les voir car elles sont loin à présent. Il s’attend à ce que le rouge remonte à la surface ou que les courants se troublent. Aucun signe. Il est soulagé.

— Désolée.

Encre est revenue. Elle a l’air presque humain quand elle lui sourit.

— Peut-être trouveras-tu des informations sur celui que tu cherches... ailleurs.

Il n’est pas certain mais il croit l’avoir comprise. Comme un encouragement qui nourrit son espoir.

— Oui. Je n’arrête pas ce.

Jerk prend un air convaincu, cache le trouble qu’on a jeté en lui. Il n’a jamais été aussi loin de la vérité et pourtant… il n’a jamais été aussi loin d’abandonner.

Il lève une main, en signe de paix, en signe d’amour. Il salue la créature, celle qui l’horrifie et qui l’apaise.
Il lui fait ses adieux.

— Merci, Encre. Sois heureuse.