DogFish cherchait.
Cherchait cherchait cherchait.
La truffe au vent, la truffe à terre.
Il cherchait.
Il suivait, pistait, il traquait.
Plus ou moins droit, souvent vouté, il avançait pas à pas, ses yeux aiguisés rivés sur chaque indices, chaque traces de pas, chaque brindilles cassées qui indiquaient la voie.
La voie à suivre avec émoi.
Il était passé par la.
Cherchait cherchait cherchait.
Il était repassé par ici.
Bon chien, cherche !
Dans la foret, il traquait, et tout concentré sur la piste qu'il était, il n'avait pas remarqué que le paysage changeait autour de lui.
Ce n'était pas important, le décors.
L'important, c'était la piste.
Les traces de pas, comme autant de promesses d'un nouveau trésor !

De petits pieds que Wilhelm n'avait encore jamais croisé, et cet état de fait le rendait nerveux, tout excité.
Comme une délicieuse décharge d’électricité qui le parcourait, courant sur son échine, chatouillant sa colonne vertébrale, le faisait frissonner.

"Petits petons, petits pieds" Qu'il chantonnait de sa voix nasillarde, sifflant presque entre ses dents noires, son visage découpé d'un sourire taré et malaisant. "Montrez vous que je puisse vous admirer." Entre deux sons de voix mélodieux quoi qu'un peu cassé, il ricanait. "Petits petons, petits pieds, découvrez vous que je puisse vous trancher !"

Et il continuait son chemin alors qu'autour de lui, les arbres se changeaient petit à petit en montagne d'os, de gigantesques carcasses de dinosaures prenant lentement place.
L'endroit était macabre, mais DogFish n'en avait cure, ne frissonnant par intermittence que de froid ou d'excitation, la langue presque pendue d'anticipation.
Ha ce que c'était bon.
Chien de chasse, le sale clebs du Jolly Roger était de sortie.
Gare à la menace, ce découpeur la n'était pas du genre gentil.
Et alors qu'il s'approchait de sa future victime, tout son corps se raidit.

Vu.

Il arrivait parfois à Cosmy d'arrêter de crapahuter dans tous les sens. Il était vrai qu'elle adorait visiter et découvrir, mais parfois, elle a besoin de retourner "dans son chez elle" pour se reposer et son reconstituer son evelloppe mentale. En effet, étant une créature éthérée, une créature de l'esprit, sa forme corporelle dépendait totalement de l'état de son esprit, et il lui est donc vital de l'entretenir, au risque de devenir un fantôme intangible et mourir.

C'est pour cela qu'elle passait des heures à méditer. Ça la renforçait. Ça la reposait. Aussi avait-elle choisie l'ossuaire préhistorique pour des raisons purement techniques: l'endroit était d'un calme incroyable. Absolument rien ne venait la perturber ou la déconcentrer. C'était l'endroit rêvé. Elle pouvait même entrer en interaction avec des "choses vraiment bien" et discuter avec des entités "gentilles et copines avec Cosmy parce que elle est la seule à les voir".

Cosmy s'était établie au milieu d'une sorte de place, au milieu d'un cercle de six gigantesques tas d'ossements. Elle avait récupéré des os et de vieilles peaux trouvées sur place pour se construire une sorte de gigantesque dôme sans entrées: juste un toit avec de quoi le tenir, il n'y avait ni sol, ni mur. En dessous du dôme se trouvait les affaires de Cosmy: un énorme tas d'objets et de babioles toutes plus inutiles les unes ques les autres, et rien de tout cela Cosmy ne savait ce que c'était. Elle les avait simplement trouvés au détour de ses promenades et ça lui a tappé dans l'oeil, donc elle l'a prit. Elle ne s'en ai jamais incommodée, étant donné que l'on ne lui a pas expliqué le concept de propriété ou de vol.
Il y avait aussi un tas beaucoup plus petit, constitué uniquement d'objets qu'elle jugait "utiles" (ce terme est mit entre crochets car les objets vont de la simple corde au morceau de sel en passant par des outils pour écraser la purée, le terme utile est donc en fait bien flou pour elle).

Juste devant, sur une petite extension du dôme adjacente aux tas de babioles, se trouvait un tout petit siège en pierre taillé dans la masse d'environ cinquante centimètres de hauteur. Il était petit et étroit et Cosmy ne l'avait construit que pour une chose: s'assoir en tailleurs dessus pour méditer.

Au total il n'y avait que ces choses. Pas d'autres sièges, car elle passait des jours sur ce petit socle en pierre, certainement pas des réserves de nourriture, car elle ne se nourrissait que d'émotion -étant une créature de l'esprit- et encore moins de quoi faire un feu ou de la lumière, car elle était une créature nocturne, et la lumière forte la faisait souffrir.

Cosmy était assise sur son socle en pierre avec son crâne fétiche entre ses jambes. Elle avait fermée les yeux et était si concentrée qu'elle n'avait pas vu que le soleil commençait à se coucher. Elle adore quand la nuit tombe, déjà parce que le soleil qui attaque ses yeux s'en va, mais surtout car c'est la nuit que ses copains invisibles arrivent ! Elle voulait leur dire bonjour et jouer avec eux comme hier soir !

La créature était parfaitement immobile, stoïque, elle parassait être une statue et avait sans le vouloir un aspect effrayant tant elle était immobile, ce qui n'était pas arrangé par les lieux et le soleil déclinant.

Elle sentait cependant quelque chose qui perturbait sa séance de méditation. C'était un flot d'émotions très fortes et intenses: aucun doute qu'une créature approchait d'elle. À juger par la taille du flot d'émotion et sa saveur, la créature ne devait pas être à plus de dix mètres d'elle, et semblait s'approcher encore. Elle ne ressentait aucune forme d'hostilité ou de méchanceté et ne jugea donc pas nécessaire de réagir: elle restait toujours aussi parfaitement immobile.

Wilhelm s'était en effet rapproché, encore et encore, entrant dans ce drôle de périmètre sans vraiment s'en formaliser.
Qu'est ce que c'était que ça ?
Une statue ?
Se postant juste en face de la créature qui semblait inanimée, DogFish avait plissé les yeux, la fixant avec grande insistance avant de pencher la tête sur le coté dans un mouvement caractéristique.
Vivant ?
Ou pas vivant ?
Le regard du pirate lâcha la chose pour parcourir de nouveau le sol puis les alentours, comme s'il réfléchissait.
Les traces l'avaient pourtant bien mené jusqu'ici.
Jusqu'à...

Ça.

Autour de ce qui semblait être une statue, donc, une écharpe avait été noué, flottant dans les airs comme emportée par un courant glacial.
Sauf que du vent, il n'y en avait pas tant.
DogFish n'avait pas su mettre le doigt dessus, mais ressentait tout de même une drôle d'impression générale.
Il ne savait pas ce qu'il y avait d'étrange, mais tout cela était quand même bizarre.

Alors, pas tant effrayé que ça, puis ce que ca ne bougeait pas, mais tout de même piqué par la curiosité, le pirate s'approcha un peu plus encore, se penchant sur la créature, son visage à quelques millimètre de celui de l'autre, reniflant à la manière d'un chien, le nez retroussé, la gueule marquée par le doute.

Et puis, comme pour voir s'il y avait justement quelque chose à voir, il souffla dessus.
Comme ça.
Un souffle bref, comme pour retirer de la poussière que la momie aurait eut sur le visage.

Franchement, elle ne se doutait pas que la créature irait si près d'elle. Elle s'en moquait tant que la créature ne perturbait pas sa méditation ou ne touchait pas à son précieux tas de pacotille.

Quand ça lui souffla dessus. La soufflette souleva brièvement un petit bout de bandelette qui pendait puis retomba. Le contact avait été trop fort, elle n'arrivait plus à méditer.
Alors, elle ouvrit brusquement les yeux. Silencieusement, d'un seul coup, sans bouger rien d'autre que ses paupières, on pu voir ses gros yeux verts luisants (en seul en réalité, puisque l'autre était caché par les bandelettes). Cet oeil brillait d'un vert clair puissant qui perçait à travers la brume et la nuit tout juste tombée.

Tout aussi brusquement, la momie posa son regard sur Dogfish et se leva lentement de son siège, très lentement et de façon un tentinet légère. Une fois levée, elle continua de fixer le visiteur et lui esquissa un petit sourire amical.

"Soit le bienvenue, mon enfant" Elle adorait prendre ce petit air mystique, ça l’excitait et lui faisait temporairement oublier qu'elle était une ingénue et une gaffeuse sur pattes. Elle espérait seulement qu'elle réussirait à garder cet air pour ne pas passer pour la gamine qu'elle était.

Et soudain.
Un immense œil vert, digne d'un bijou, de la plus belle des émeraudes s'ouvrit, fixant son regard sur le pirate qui eut un tel sursaut qu'il s'en mordit la langue, faisant un petit bond en arrière, la respiration courte, presque littéralement coupée.

C'était QUOI ça ?!

Un sourire, il lui sembla, et la créature se releva, se faisant plus grande et surtout plus vivante ! Mouvante !
Il ne s'agissait donc pas d'une statue... de toute évidence.

"Soit le bienvenue, mon enfant"

ET EN PLUS CA PARLAIT ?

Cette fois carrément effrayé, pour des raisons peu proche de la logique, DogFish attrapa ses armes, retirant ses deux machettes de leurs fourreaux improvisés, prêt à attaquer, ou plutôt en l’occurrence à se défendre.
De quoi ? La était la question.

"T..T'es.. T'es..." Il balbutia, peinant à formuler un phrase d'une seule traite. "Vous êtes qui ?.. Quoi ?"

Le pirate pencha de nouveau la tête sur le coté, une gueule grimaçante au possible inscrite sur sa face crispée.
Il en aurait presque oublié la paire de pieds qu'il traquait !

Le petit humain avait l'air d'avoir peur d'elle. Elle ressentait la peur se dégager de lui, et il lui fallait le calmer pour l'empêcher de faire une bêtise ou de réagir da façon un peu trop violente, il ne fallait pas oublier qu'il était armé. Il ne faut pas qu'il ait peur pour qu'il puisse devenir son ami, c'était une des choses qu'on lui avait apprise au cours de ses découvertes dans ce grand monde passionnant.

"T..T'es.. T'es..."
"Vous êtes qui ?.. Quoi ?"

Cosmy fixa son visiteur un petit temps, légèrement surprise par sa question. Elle s'approcha de lui (mais resta à bonne distance tout de même), et, à mesure qu'elle s'approchait -lentement pour ne pas l'effrayer-, la momie prit un aspect de moins-en-moins matériel; sa chair commença à dégager de l'épaisse fumée noire, son œil devintt de moins-en-moins net et semblait plus être une sorte de petite flamme verte et ses bandages se relâchèrent. Elle commença à ressembler progressivement à une sorte de spectre d'ombre enveloppée de bandelettes.
Il n'y avait aucun doute pour elle : Cosmy avait oubliée de prendre son repas, et elle commençait à avoir faim, si faim qu'elle était déjà en train de perdre sa forme solide. Il lui fallait manger de toute urgence pour ne pas disparaître, et son visteur allait l'y aider. Elle comptait d'abord manger avant de se présenter car elle ne pourrait pas supporter d'être affamée une seconde de plus.

"J'avais oubliée de manger et je comptais justement prendre mon repas."

Elle posa sa main sur son ventre.

"Je suis affamée. Tu vas me nourrir, mon enfant."

Cosmy avait dit les choses qu'elle pensait avec des mots approximatifs (elle ne savait pas parler depuis très longtemps !) et ne se doutait pas du tout que ce que ses mots pourraient être mal interprétés par son visiteur et n'allaient pas contribuer à le rassurer.

En continuant de se rapprocher, elle tandit un main vers son visiteur et s'apprêta à se délecter des émotions qui sortaient de lui comme on boit de l'eau en collant directement sa bouche au robinet.

La chose s'approcha, la chose changea, et les grands yeux éberlués de DogFish triplèrent de volume. Le pirate fit un pas en arrière, tremblant d’appréhension alors que la créature s'approchait encore et se métamorphosait, les bandelettes autour d'elle se relâchant alors qu'elle semblait devenir fumée, cet œil vert luisant de vie devenant plus flou.
Indubitablement plus effrayant.
La respiration du pirate s'était faite plus courte, sa bouille de décomposant en une expression horrifiée alors que ses mains se resserraient sur la garde de ses machettes, faisant grincer le cuir et blanchir ses jointures.
Il tremblait, trop effrayé pour prendre ses jambes à son cou.
Pétrifié plus encore lorsque l'étrange bestiole reprit la parole.

"J'avais oubliée de manger et je comptais justement prendre mon repas."

DogFish ravala sa salive.
Elle venait de parler de manger, la, non ?

"Je suis affamée. Tu vas me nourrir, mon enfant."

Frisson d"effroi, comme une décharge électrique qui le traversa de part en part.
Elle allait le bouffer, hein ?
Le bouloter tout cru !!!
Et sa main de volute noire, dématérialisée s'approchait de lui, lentement mais surement.
Et le cœur du pirate s'emballait, battant a toute allure, au rythme de sa respiration saccadée.
Un pas de plus en arrière, mal assuré sur ses guiboles, le cabot du Jolly trébucha, tombant en arrière, paniquant par la même, brandissant ses lames rouillées vers la chose, les larmes aux yeux, les plaçant en croix devant lui comme un bouclier improvisé, battant des jambes pour se reculer plus encore.

"M'..M'APPROCHE PAS !!!" Il brailla. "MA VIANDE EST PAS BONNE, C'EST CARNE QUI L'A DIT !" Non Carne n'avait pas dit ça, mais après tout, il pourrait débattre de la question puisqu'il l'avait chiqué au bras.
"SI TU ME MANGES T'AURA MAL AU VENTRE !"

Si ca c'était pas de l'argumentation !
Il fallait dire que son apparence ne laissait pas penser le contraire, et que la plus affamée des sirènes hésiterait sans doute à manger de ce pain la.

Cosmy avait si faim qu'elle ne remarqua pas à quel point le petit matelot avait peur d'elle. Autant Cosmy savait que les créatures de la surface pouvaient avoir peur, autant elle ne savait pas qu'elle pouvait faire peur. On ne peut pas faire peur en voulant se faire des amis ou juste manger un morceau, non ? L'animal se mit à crier d'effroi sans raison apparente selon Cosmy. Elle avait beau les aimer, certains de leurs comportements étaient vraiment étranges.

"M'..M'APPROCHE PAS !!! MA VIANDE EST PAS BONNE, C'EST CARNE QUI L'A DIT !"

"C'est qui carne ? Un copain ? Les copains de mes copains sont mes copains !" Pensa-t-elle alors qu'elle s'approchait encore.

"SI TU ME MANGES T'AURA MAL AU VENTRE !"

"Bah, non..." Pensa-telle encore, un brin suprise par cette déclaration si peu cohérente.

La face de la créature était vraiment terrifiée, ça commençait à inquiéter la momie. Avait-il vu un fantôme ? Pas possible, ils ne venaient rendre jamais rendre visite à la momie aussi tôt dans la nuit, et puis ils étaient gentils avec elle, donc pourquoi seraient-ils vilains avec ses amis ? Qu'importe : elle avait trop faim pour s'en préoccuper plus que ça. Elle devait manger, le plus possible.

Alors elle continua de s'approcher (si la créature arrêtait de reculer se serait plus facile !), et, profitant de la disparition de ses propriétés physiques, elle s'avença nettement plus vite -comme un nuage qui glissait au sol- et, ignorant les lames de dogfish (comment trancher de la fumée ?), elle colla ses deux mains, ou ce qu'il en restait, sur les tempes de son visiteur et se concentra, prêt à savourer le festin à venir, qui s'évérait plus que copieux compte tenu de l'état de son petit humain.

La créature s'était rapprochée.
Encore et encore.
D'abord lentement et puis... D'un seul coup, elle avait accéléré, comme une ombre fluide, presque fumée liquide, glissant sur le sol et rejoignant le pirate en un battement de cils.
Le forban en ravala sa respiration brutalement, manquant de s'étouffer de surprise.
Elle était la, la chose fumeuse, vaporeuse juste au dessus de lui, ses mains désagrégées se posant sur ses tempes et ses grands yeux vert émeraude se fixant dans les bleus pales et fatigués du cabot du Jolly.
Ses mirettes s'agrandirent.
Plus grandes encore.
Un tremblement.
Une appréhension immense.
Noyé dans une prairie aux couleurs ultra saturées, le pirate.
Du vert, du vert, à perte de vue, du vert.

Alors c'était comme ça ? Il allait se faire dévorer ?
Pas tout à fait.
Mais alors, qu'est ce que ça ferait ?

La momie serrait la tête du chien apeuré de plus-en-plus fort. Elle plongeait ses gros yeux de plus-en-plus profond dans ceux de son visiteur. Elle aurait pu voir jusqu'à son âme si elle avait creusée assez profond avec son regard vert perçant. Puis elle le lâcha d'un seul coup.

Elle avait mangé et était rassasiée pour un bon paquet de temps. Toute la fumée qui se dégageait d'elle revenait alors se cacher et se tasser sous ses bandages pour reformer un corps d'elle un peu plus consistante Elle avait retrouvée une forme de chair et ses gros yeux verts redevenaient beaux et  nets.

Elle pouvait enfin passer à autre chose.

Bien maintenant, seconde priorité ! Elle posa son regard vert émeraude sur la petite chose traumatisée

"Coucou ! Moi c'est Cosmy ! Désolé de t'avoir mangé si vite, mais jamais vraiment trop faim."

Elle fit la moue, un peu gênée d'avoir été impolie.

"Quoi qu'il en soit ! Entre chez moi ! Viens j'ai plein d'objets à partager !"

Elle aurait dû le guider jusqu'à sa pile d'objets favoris, mais elle ne bougeait pas, car elle avait le sentiment d'avoir oubliée une chose. Une chose très importante. Puis ça lui revenait comme un éclair, accompagné d'un grand sourire.

"Ah oui ! Tu veux être mon copain ?"

Toujours demander à être copain avec les autres. Les copains c'était bien. Cosmy demandait même aux insectes d'être son copain, après tout. Sacrée Cosmy.

L'action avait été rapide.
Très rapide.
Trop rapide ?
Au point que Wilhelm n'eut pas le temps de dire W'OUF ni même d’hurler en sentant des crocs se plantant dans sa peau que la créature le relâchait déjà, la fumée noire se retirant comme repoussée par un vent inexistant, se re planquant sous le tas de tissu qui faisait office de vêtements, recomposant cette étrange statue que le pirate avait découvert dans cet ossuaire.

"Coucou ! Moi c'est Cosmy ! Désolé de t'avoir mangé si vite, mais jamais vraiment trop faim."

Coucou ?
Elle avait dit coucou.
DogFish cependant ne bougea pas d'un pouce, toujours vautré sur le sol, fixant la chose qui désormais lui parlait un peu comme si rien ne s'était passé.
Mais en fait, s'il prenait le temps d'y réfléchir deux secondes, il se serait rendu compte que ce n'était pas bien loin d'être la réalité.
Rien.
Il ne s'était rien passé de si extraordinaire, non ?
Elle l'avait mangé, qu'elle avait dit, mais aucune dents n'avaient transpercé sa chair, contrairement à ce qu'un certain collègue avait pu lui faire subir !
Et puis dans la foulée, elle s'était quand même excusée, la chose.

"Quoi qu'il en soit ! Entre chez moi ! Viens j'ai plein d'objets à partager !"
Quelque peu circonspect, reprenant peu à peu ses esprits, le forban se redressa, poussant sur l'un de ses bras pour se mettre en position assise, fixant toujours la bestiole comme s'il s'agissait d'une hallucination des plus étrange. C'était qu'elle était étrange non ?
Oui, quand même.

"Ah oui ! Tu veux être mon copain ?"
Mouvement de sourcils vers le haut, alors qu'enfin, le pirate se relevait sur ses jambes, pas hyper sur de lui mais déjà un peu plus dans le contrôle de la situation.
Du moins, semblait-il.

"M.. moi c'est Wilhelm DogFish."
Bah oui.
Elle s'était présenté, non ? La base de la politesse, c'était d'en faire de même.
"Mais t'es... T'es quoi en fait ?"
De toute évidence, le cabot du Jolly avait à faire avec une bien étrange créature. La moindre des choses était tout de même de se renseigner sur ce à quoi il avait à faire ! Il verrait après quelle attitude adopter, suivant la réponse donnée.

La momie restait devant son nouvel ami (déjà ?), et s'agitait dans tous les sens, folle de joie de sa nouvelle rencontre, parlant plus avec les mains qu'avec sa petite voix. Elle s'était appliquée pour bien parler pour faire une meilleure impression possible, mais elle avait vraiment du mal à parler aussi bien, aussi arrêtait-elle de s'appliquer pour ne pas attraper la migraine.

"Cosmy ! Suis Cosmy ! Cosmy moi ! Cosmy quoi est Momie !"

Elle attrapait le cabot par la main et le tirait innocemment vers son camp, en souriant, pour lui montrer ses possessions, quand elle apercevait au loin un gros nuage étrange. Elle se figeait instantanément, fixant ce nuage.  Ses yeux étaient, pour la toute première fois, pleins de terreur. Elle se souvenait de la première fois qu'ils étaient venus ici. Ils avaient cassé plein de choses ce jour-là et l'avaient même mordu. Elle avait eu si peur. Depuis, elle restait craintive. Aussi, dès qu'elle comprit qu'ils étaient de retour, elle lâcha la main de son ami et fut prise de panique.

"Non non non ! Grogros poissons vilains reviennent ! Yzonmordus Cosmy fosscacher fissafissa !"

Alors que la nuée approchait dangereusement, Cosmy courait dans tous les sens autour de Dogfish, levant les bras au ciel et s'agitant, jetant des objets un peu partout et tentant de creuser un trou dans un tas d'os pour se cacher de la nuée à venir. Elle criait en direction de son ami.

"Fosscacher fosscacher sapabondutout ! Cosmy veut pas !"

Rapidement, on ne voyait plus qu'un bout d'écharpe bleue et deux petits yeux verts luisants qui se cachaient au fond d'un gros tas d'os. L'ingénue tendait la main vers le cabot, toute paniquée.

"Viens fissafissa ! Grogros poissons sapabon !"

Cosmy !
Elle s'appelait donc Cosmy !
Et elle était une...


MOMIE ?

Wilhelm cligna des yeux plusieurs fois, alors que la petite créature s'était mise à babiller dans tout les sens, lui attrapant la main et l'attirant jusque vers son camp, pleine d'innocence et d'enthousiasme.

Mais en fait, c'était quoi une momie ?
Le pirate n'en savait rien. Alors il se laissa entrainer par la chose, la suivant sans rechigner, visiblement un peu paumé.
Elle n'était pas méchante, cette bestiole la, hein ?
Non, elle n'en avait vraiment pas l'air.
Cosmy.

Et puis soudain, les grand yeux vert émeraudes se firent plus grand que ce qu'ils n'étaient déjà, dévorant tout entier le visage de ce qui était donc une momie, la terreur s'y logeant sans qu'aucun doute ne soit permis.
Ni une, ni deux, Wilhelm se retourna, avisant ce que la créature fixait ainsi, son regard imbibé de peur, et au loin, il aperçu un genre de nuage... Qui avançait vers eux.
Les yeux pâles du flibustier se plissèrent alors que sa mine se faisait concentrée. Il avait une bonne vue, le blondinet, et même d'ici il pouvait voir à quel point ce nuage la n'était pas comme les autres.
Son appréhension fut bien vite confirmée par les dires de ce qui semblait être sa nouvelle amie.

"Non non non ! Grogros poissons vilains reviennent ! Yzonmordus Cosmy fosscacher fissafissa !" Et elle s'agitait la petite, dans tout les sens, comme une folle. Elle paniquait !!! Jetant les objets qui l'entourait, creusant un petit trou à toute vitesse et cherchant à s'y planquer.

"Fosscacher fosscacher sapabondutout ! Cosmy veut pas !"
Les yeux du pirate se fixèrent sur elle, interdit, avant de de nouveau aviser la nuée qui s'approchait à toute vitesse d'eux.

Des poissons volants.

Maintenant DogFish pouvait les voir. Ils n'étaient plus si loin.

"Viens fissafissa ! Grogros poissons sapabon !" Et elle tendait sa petite main vers lui, l'invitant évidemment à la saisir pour se cacher avec elle.
Un regard vers Cosmy.
Une hésitation.
Les poissons s'approchaient de plus en plus, et dans la tête vide du pirate, ça carburait.
Les poissons.
La momie.
Les poissons.
La momie.

Non.

Et alors qu'un premier poisson volant lui passait juste à coté du visage, frôlant sa joue et l'entaillant de ses écailles effilées et tranchantes, DogFish embraya à toute vitesse, attrapant Cosmy par la taille et la soulevant comme de rien avant de partir en courant, ses jambes les emportant le plus loin et le plus vite possible.
Rester la ?
Non.
C'était trop dangereux.
La cachette de la petite chose n'aurait pas tenue, c'était impossible !
Alors il fallait fuir !
Et le pirate courait courait courait ! A toute allure il courait !
Mais les poissons étaient nombreux et plus rapide encore, commençant peu à peu à le rattraper, leurs petites mâchoires hérissées de dents pointues mordant dès qu'elles le pouvait.

Aie aie aie !!!

Mais le pirate ne ralentissait pas, ignorant les désormais nombreuses petites écorchures qui lui bardait le visage, les bras et les jambes.
Cours DogFish ! COURS !

Et soudain, un saut.
Le Pied Beau, alors qu'il était arrivé au bord d'un genre de ravin avait poussé de toute ses forces sur ses jambes, sautant si haut qu'un instant on aurait bien cru que lui et la petite chose qu'il tenait bien serré sous son bras s'étaient envolés.
Une instant de vide.
Un instant de rien.

Et PLARF, l’atterrissage fut des plus rude.
Au contact brutal du sol qui n'était maintenant plus si stable, Wilhelm perdit l'équilibre, se vautrant et roulant sur plusieurs mètres encore, descendant la pente à toute vitesse, serrant Cosmy tout contre lui comme pour la protéger des chocs et/ou des morsures de poisson.

Cosmy avait une authentique peur de la nuée qui arrivait dans leur direction. Elle était cachée dans son trou, en sécurité. Ça avait déjà marché avant lors de leurs précédents passages, alors elle se disait que ça marcherai encore. Si seulement.

La petit cosmomie tendait sa petite main bandée en direction de son nouvel ami dans l’espoir qu’il vienne se cacher avec elle, mais eu lieu de ça, il lui attrapa le membre et la tira avec lui. Il ne devait pas faire ça ! Sa cachette était la meilleure ! Ils ne devaient pas la quitter !

Voilà que son copain la portait sous le bras comme un bagage et semblait vouloir fuir avec elle. Si l’on ne comptait pas les poissons carnivores, c’était rigolo. Elle aurait aimé que quelque chose vienne les tirer de ce mauvais pas, mais que l’aide vienne d’un ravin, l’innocente créature ne s’y attendait pas !

Soudain, c’était la chute, la dégringolade ! L’atterrissage était rude. La mini-momie était couverte de terre et de boue, et avait même perdu quelques bandelettes par-ci par-là. Les deux nouveaux amis se relèvent, et constatent que la nuée de poissons ont passé leur chemin depuis le haut du ravin. Ils n’avaient pas terminé de passer, mais ils semblaient ne pas voir les deux, cachés en contrebas.

Son ami était debout, un peu abîmé, mais il avait l’air costaud donc elle supposait que ça allait. Il se déplaçait et Cosmy tentait de le suivre, mais à cet instant, elle ressentait autre chose que des émotions. Une chose qui n’était pas comestible, qui n’était pas une émotion. Ça venait de sa jambe. Elle sentait que sa jambe lui tirait, qu’elle lui brûlait. Ce n’était pas une brûlure causée par le gros monsieur brillant dans le ciel, c’était différent. Ça venait de l’intérieur. Cosmy tentait un second petit pas et s’écroulait au sol.
Sa jambe venait de ne pas faire son travail ! La sensation était plus intense. C’était désagréable. Elle savait que cela était causé par sa forme matérielle qu’elle prenait quand elle était rassasiée ! Elle ne ressentait rien de comme ça quand elle prenait sa forme affamée ! C’était différent de sa forme habituelle, c’était …

… Douloureux.

Incapable de comprendre ce qui lui arrivait, elle se laissait submerger par le douleur et se mettait à crier, sentant les larmes monter dans ses gros yeux vert émeraude, attirant l’attention de son ami.

« AAAAAAH ! Cosmy pabien ! Malmalmal !! Cosmy marche plus !»

Lui qui avait tenté de la protéger de la chute, il devait faire face à la réalité :

Cosmy s’était cassée la jambe.