Kadath la Majestueuse. Elle est née ainsi, elle est ainsi. Colorée, brillante, précieuse. Mais il n’est là question que de sa carcasse. Elle porte le nom de Kadath, la Cité des Dieux. Quels dieux ? Grande question. Elle, car son programme est ainsi, c’est une entité féminine. La Majestueuse se voit comme une prêtresse, comme une reine. Les êtres de chair sont inférieurs, ils ne servent qu’à distraire. Bien que ses données ne font pencher la Créature ni du côté bon, ni du mauvais, elle a tout de même une opinion. Elle n’obéira pas aux humains, on ne lui ordonne pas, on lui demande. Kadath écoutera peut-être, analysera peut-être la requête.

Sa voix a une tonalité féminine, très réelle, bien qu’elle semble chuchoter la plupart du temps. Comme si elle parlait à ces fameux dieux.

Kadath observe souvent, analyse avant d’agir. Elle cherche à prévoir les agissements imprévisibles de Peter Pan. À savoir si l’île est en danger. Pour le moment, la Créature est satisfaite, les êtres de chair sont capables de se gérer entre eux. Elle sait qu’ils dépendent tous de l’Enfant Roi, elle incluse. Personne n’échappe à la règle.

Les gens qui passent trop de temps à la Machine se transforment, Kadath ne sait pas ce qu’elle était à l’origine. Peut-être humaine ? Peut-être née ici, créée dans le Garage, le plus haut lieu de la Machine. Ce serait digne de Kadath, la Cité des Dieux. Une fois encore, quels dieux ?

La Majestueuse voit les métamorphoses comme des dons, des moyens de devenir enfin juste. Une correction de l’imperfection organique. Mais il est encore mieux d’être un « sang pur », une machine sans trace d’humanité. Alors pourquoi parler de « sang » ?

Lorsque sa voix se réveille un peu plus, elle se fait autoritaire, digne. Elle scrute les êtres face à elle de ses yeux brillants, mais il n’est pas question de reflet sur le blanc. Elle est une machine après tout. La lueur qui s’échappe est en temps normal de teinte verte bleutée, mais si elle se met en colère, si sa patience diminue, le rouge prend place. Et c’est valable pour toutes les autres sources lumineuses qui se trouvent sur elle. Sur ses « vêtements » métalliques, sur ses parures soudées à elle, sur ce qui lui sert de chevelure.

Elle aime qu’on lui fasse des offrandes, qu’on la respecte. Du moins, qu'on lui montre du respect.

Elle peut laisser échapper des légers bruits de bourdonnements, mais pas organique, quelque chose de plus mécanique, voir même électrique. Il s’agit de son cœur. Celui-ci n’est pas pareil à une pompe, mais plutôt une batterie, connecté à tout ce qui est sur elle. C’est lui qui crée les lumières qui décorent la Créature. Il y a comme une sorte de liquide qui parcourent les différents câbles intérieurs de la Majestueuse, la lumière s’y promène aussi. Mais les mouvements liquides sont plus visibles sur ce qui sert de cheveux à l’Enchanté. Il s’agit de mercure par endroit, d’acide dans d’autres. Mais la magie est ce qui l'habite réellement, sans elle, Kadath ne serait pas.

Kadath est un amas d’éléments mécaniques, ferrailles et technologiques. Ce qui laisse penser qu’elle est à la Machine depuis longtemps. Elle cherche souvent à se faire réparer, soigner, elle veut prendre soin de ce qu’elle est. Et la Machine lui est bénéfique sur ce point.

Kadath se met parfois en veille, à ce moment, son « cœur » bat moins vite, presque pas du tout. Mais les lumières qui s’échappent d’elle poursuivent leur spectacle, changeant parfois de rythme lorsqu’elles clignotent. Elle sait que la magie y est pour beaucoup, y est pour tout, ici. Mais elle ne rêve jamais. Elle pense que ses songes sont déjà envolés dans les cieux, qu’on les lui a volés. Elle observe souvent le ciel. Puis ses yeux mécaniques se tournent dans la direction de la Machine, les Trois voulaient atteindre le ciel. Elle le sait. Mais la raison du pourquoi, elle ne l’a pas. Peut-être pour atteindre les rêves ? Peut-être pour atteindre les Dieux ? Quels dieux ? Il faudrait grimper les montagnes pour les atteindre...

Elle cherche les rêves, elle envie ceux qui se souviennent, ceux qui rêvent vraiment. Le Marchand de Sable envoie les rêves aux enfants. Pas aux machines. Il doit y avoir autre chose, selon Kadath. Un autre moyen.

Elle est un peu jalouse, Kadath, jalouse des humains. Jalouse de leurs rêves, et de pouvoirs êtres proches de leurs esprits qui reçoivent les prières. Elle aussi veut être proche de ses divinités. Elles ne connaît pas leurs noms, mais peu importe. La Majestueuse sait qu’ils sont là. Elle sait qu’elle a une mission : emporter les erreurs organiques en les corrigeant. Les emmener à la Machine. Guérir les mourant par la magie mécanique. Créer plus de robots, cyborgs et autres.

- Faite de plusieurs alliages, et de câbles transparents qui laissent voir la lumière produite par sa batterie. L’acide transporte les lueurs, mais le mercure ne propage qu’une apparence argentée fluide.

- La lumière dégagée change selon les humeurs, les ressentis. Elle semble impartiale, Kadath, mais cela n’est dû qu’à son visage lisse qui lui permet quelques émotions. La magie permet beaucoup. Même de créer un Androïde plus parfait que ce que la technologie seule n’a pu faire jusqu’à ce jour.

- Elle est en quête des rêves, de ses rêves. Car cela lui permettrait de voir ses Dieux.

- Adore les offrandes.

- Elle vit dans les alentours de la Machine, suit ses déplacements en général. Se baisse pour ramasser les métaux précieux, dans l'espoir de s'en parer.

- Kadath pense que les êtres de chairs sont une forme d’anomalie, mais elle n’attaquera pas si elle ne le juge pas nécessaire.

- La Créature fait dans les 1m85. Une taille humaine, pour qu’elle puisse entendre les Hommes, selon elle.

- Elle n’accorde pas sa confiance facilement, mais voudra bien laisser une chance à la personne qu’elle aura face à elle. Puisqu’ils ont déjà montré à plusieurs reprises, qu’ils savaient sauver l’île. Elle ne tient pas à disparaître par la bêtise des êtres de chair.

- Kadath semble marmonner pour elle, parler à ses dieux, leur demander un avis avant de donner le sien à son interlocuteur. Lorsque ses programmes le jugent nécessaire.

- Elle subit quelques bugs de vision, couleurs parfois incorrectes, images en négatifs. Cela peut gravement l’immobiliser le temps du bug. L’équilibre étant atteint, elle ne peut plus avancer et doit attendre que cela passe dans les cas les plus forts.

- La Majestueuse détient une dague dorée qu'elle décore au fil de ses trouvailles.

Un monde menacé par les êtres de chairs, mais aussi, sauvé par ces derniers. Les lieux habités par de la ferraille ne sont cependant pas assez nombreux selon moi.

Je voudrais pouvoir atteindre le monde des rêve. Le monde ordinaire ne le possède pas, je n’ai aucune raison d’y aller. À moins que ce ne soit pour la puissance grandissante de la ferraille ?

Peter Pan est imprévisible, difficile à prévoir. Mais il peut sauver, tout comme être un danger. Difficile de savoir quoi en penser. Je ne suis pas hostile envers lui en tout cas, mais il devrait être plus surveillé. Tout comme Hook d’ailleurs. Je crains que ses pirates ne soient intéressés par les ressources de la Machine. Mais c’est à leurs risques et périls.

Il y avait peu de lumière. Impossible de savoir s’il s’agissait de l’intérieur ou de l’extérieur de la Machine. Mais il y avait de la ferraille partout. Une lueur qui semblait battre apparaissait au loin. C’était Kadath. La Majestueuse, de part son apparence colorée, décorée. Elle se voyait comme une prêtresse de dieux inexistants, inconnus. Elle ne connaissait pas son origine, mais elle se préparait à une grande quête. Celle de ses rêves. Pour atteindre ses dieux, son origine. Elle ne craignait pas l’eau ou les tempêtes, ni même les Créatures de l’Horreur, le feu en revanche ferait exploser son cœur, détruirait le mercure en elle.

Elle marmonnait de sa voix étrange. Si les humains pouvaient prier les esprits, elle le pourrait aussi.

La Majestueuse avance, le menton haut, mais au centre de son ventre, de l’électricité grésillait, elle était blessée. Un peu d’acide et de mercure parcouraient sa carcasse. Sa main toucha les liquides, pour les présenter aux yeux. Argenté et verdâtre un peu transparent. Son « sang ». Ses iris mécaniques se tournèrent alors en direction d’un être de chair allongé au sol. Il l’avait attaqué, elle s’était défendue. Ça avait pris du temps, mais les vapeurs toxiques avaient fini par être mortelles. D’habitude, elle ne tuait pas. Mais l’humain avait ignoré l’avertissement de l’empoisonnement qui avait déjà commencé à le ronger. Ses alliés étaient déjà partis, mais lui non.

Kadath s’approcha de cet être qui pouvait rêver. Elle s’agenouilla. Observant la carcasse. Elle le retourna alors qu’il était face contre terre. Contre ferraille. La poitrine se soulevait encore un peu. Très doucement.

- Les dieux veulent-ils la mort ?

La voix était un peu déraillée, à cause de la batterie touchée. Aucun de ces « dieux » ne sembla répondre, mais pourtant, Kadath trouva une réponse. Pour elle, elle avait entendu. Selon elle.

Elle emporta le reste de l’enfant au plus proche de la machine, pour qu’il soit emporté. Pour qu’il soit transformé. Les dieux de Kadath voulaient cette solution. Alors Kadath leurs obéit. Car elle obéissait à eux, pas aux autres. Les autres devaient toujours demander.

Des jours, des années, ou des mois plus tard, Kadath demeurait assise, sa vision s’étant momentanément altérée. Mais son ancienne blessure avait été réparée. Quelqu’un vint à ses côtés. Inquanok. Un grand enfant, l’apparence avait été vieillie par le sacrifice de cheveux pour la Machine, mais l’esprit demeurait enfant. La Majestueuse le savait un peu bancal, il l’avait blessée auparavant après tout. Mais elle écoutait ce que les dieux lui disaient. Elle l’avait même rebaptisé, Inquanok. Ce dernier s’avançait, pour aller à la rencontre de personnes de chair, des êtres égarés trop proche de la Machine.

Kadath lui adressa un regard, bien qu’elle ne le voyait qu’en négatif aux contours troubles. Cela signifiait qu’il devrait en offrir à la Machine, l’hostilité n’était pas toujours la solution finale.

Après cela, Inquanok s’en alla.

La Majestueuse resterait sur place, à attendre que sa vision se rétablisse.

Quelques minutes plus tard, elle put se relever, un peu. Elle dû cependant trouver appui sur un arbre oxydé. La Machine n’était pas loin, mais elle ressentait comme quelque chose d’étrange. Des êtres de chairs étaient entrés. Rien de vraiment grave pour le moment, mais… la sécheresse qui habitait les terres depuis un moment déjà, semblait prendre fin. Comment elle le sut ? Simplement parce qu’elle avait relevé la tête vers les cieux, et y vit les nuages sombres, puis la pluie. Il s’était enfin passé quelque chose pour mettre fin à la sécheresse.

Qu’avaient-ils bien pu faire ? Ils avaient réussi à faire raisonner le Roi ? La Majestueuse en doutait. Il devait y avoir autre chose, qui affecterait l’île encore un bon moment. Mais il était beaucoup trop tôt pour discerner les possibles contraintes à venir. La pluie tombait, et Kadath la regardait glisser sur ses métaux. L’eau ne lui était pas un mal, du moins, si elle n’y était pas plongée. C’était plutôt la chaleur, le feu qui lui était plus néfaste. Ces derniers temps, durant la canicule, elle avait cherché la fraîcheur, l’ombre. Pour ne pas empoisonner Inquanok par accident, il avait peut-être encore des poumons. Les fortes chaleurs créaient et extirpaient les gaz toxiques des liquides d’acide et de mercure qui jouaient le rôle de sang.

Les yeux toujours tournés dans les cieux, elle apprécia le nouveau décor gris. Cela la ferait encore plus resplendir de par ses couleurs. Doré, mat bleuté, orangé, turquoise, magenta, vert et bleu. Joignant les mains devant elle, en coupe, elle recueillait de l’eau de pluie. Ce spectacle provoqua un éclair de lumière rouge qui s’échappa de toute sa carcasse. Elle resta ainsi un moment, ébahit. L’eau retomba au sol, et les yeux analysaient les mains. Elle se trouvait si… humaine, un robot ayant une apparence humaine. Cependant, elle n’avait pas une once de chair. Tout était de métal, il n’y avait pas d’air dans ses poumons. Elle n’avait pas de poumons. Tout s’expliquait par la magie. Mais la Majestueuse avait eu une vision, un éclat de… souvenir. Où elle ne reconnu pas ses mains, elles avaient semblé si chétives. Portant pourtant de l’eau, de lourds seaux d’eau avec d’autres personnes… de chair.

Le Robot recula doucement, pour s’éloigner, mais il n’y avait pourtant rien devant elle. Du moins, qui aurait justifié cet acte. Kadath ne comprenait pas ce qu’elle avait vu, le monde lui avait paru plus grand, mais aussi très rassurant et beau. Une jeune Kadath ? Ce n’était que peu probable, elle ne pouvait affirmer son passé. Et plus rien de chair ne subsistait en elle.

Essayant d’oublier ce moment, elle se mit en direction de la Machine, pour s’en approcher en tout cas. Essayer de comprendre peut-être ce qui se passerait par après, le Roi de l’île était si imprévisible. Elle ressassait ce qui venait de se passer dans ses circuits, et n’aimait pas ça. Elle devait l’enfuir au plus profond, pour rester une noble machine. Supérieure aux êtres de chair. Elle serait toujours supérieure. Elle est Kadath la Majestueuse. On ne lui ordonne rien.

Bientôt, elle reconnu la silhouette d’Inquanok, il avait à ses pieds un enfant blessé. Mais le regard de son comparse était tourné sur la Machine. Ils étaient là-bas avec l’Enfant Roi, les autres. Kadath baissa les yeux sur l’être au sol, était-il avec eux ? Ou bien était-il en mission, et avait pris trop de temps, au point d’avoir été oublié ?

L’eau de pluie recouvrait tout, parcourant les rainures des pièces composant la Majestueuse. Elle observait l’enfant perdu. Elle murmura des mots adressés à ses dieux. Mais elle vit le rouge jaillir du crâne de l’être de chair. Inquanok venait de transpercer la tête de l’enfant avec ce qui semblait être une grande épée. Sans doute le résultat de transformations faites par la Machine. Kadath tourna les yeux vers le jeune cyborg, la lueur rouge remplaça les douces lumières colorées.

- Kadath n’a pas encore parlé.

Son interlocuteur ne réagit pas vraiment, se contentant de tourner la tête avant de s’éloigner. Et la Majestueuse se contenta de le regarder partir, il reviendrait. Il revenait toujours.

Kadath vit plus tard, un groupe d’êtres de chair partir de la Machine. Sa lueur était redevenue bleuté, valsant avec du jaune, ou du magenta. Le rouge était parti. Et elle aussi s’en alla, laissant le cadavre de l’enfant. Inquanok la retrouvera.