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Pirate
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MessageSujet: Happy Returns   Happy Returns EmptyVen 19 Fév 2016 - 19:18

Ce sujet est la suite directe de cette aventure.



Ils l'ont transporté, le fils prodigue. Ils l'ont soigné du mieux qu'il pouvait avant de le laisser en un lieu où - le Dragon le sait d'expérience - les Enfants Perdus passent souvent. Puis Taz a salué Lòng avant de disparaître, le laissant seul avec un Soul qui, s'il a été rafistolé au mieux avec les moyens du bord - ne survivra pas bien longtemps dans un tel état. La Nuit est encore longue, le matelot s'en fout : veiller sur son meilleur ami ne lui pose aucune sorte de problème. A vrai dire, il se demande même s'il arrivera à le laisser partir à nouveau.

Le Dragon s'est adossé à un arbre, assis à même le sol et les poches remplies d'armes. L'une d'elle - lame fine, chirurgicale - est sortie, celle avec laquelle il a éborgné la petite Mère en dommage collatéral. Il l'essuie avec parcimonie, gardant un oeil - toujours - sur son meilleur ami, appuyé contre un autre tronc. Ils ne sont pas si loin l'un de l'autre, Lòng préfère que ce soit le cas au cas où quelque chose arriverait. Après tout l'Île est aussi traîtresse qu'elle est dangereuse.

Il ne dit rien, le Dragon. Il préfère attendre que le Chef des Soigneurs sorte du trip dans lequel la Fée salvatrice l'a plongé, le temps qu'ils l'aient soigné. Il ne se fait pas vraiment de souci pour la suite, s'imagine que tout est simple désormais. Le plan était d'attendre que des enfants passent dans le coin pour secourir l'un des leurs, mais Lòng a de plus grandes espérances. C'est pour ça qu'il guette du coin de l'oeil son frère, passant régulièrement de lui à leur environnement. Aux aguets.

Avec une patience suspecte, le Dragon attend. Avec une nonchalance feinte et toujours le coeur qui bat trop fort, toujours la gorge bloquée sous un sourire de serpent.
Hey brother, happy returns
It’s been a while now
I bet you thought that I was dead
But I’m still here, nothing’s changed
Nothing's changed
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Soul
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MessageSujet: Re: Happy Returns   Happy Returns EmptyVen 22 Avr 2016 - 23:44



Une brassée de sable se délite, myriade ambrée prenant son envol, laissant s’éparpiller les âmes des oubliés. Laissant se retrouver peu à peu le rêveur… à sa réalité.
La chaleur s’est dissipée, la clarté s’estompe à son tour. Laissant l’obscurité à son règne, à ses cauchemars. Oui. Mais elle existe, au fond de son cœur, et même dans les pupilles du plus sombre des dragons.  Il le sait. C’est en eux. Et l’espoir rayonne encore en lui. Toutes ses possibilités espérées…

À demi closes encore, ses paupières s’ourlent d’une langueur singulière. Au travers de ses cils, l’égide du Dragon se dessine, se précise. Comme cet enfant, il y a si longtemps qui lui criait des insanités dans cette langue que tous deux – sans le savoir – maitrisaient. Celui qui n’était que hargne. Celui qui s’était fait rempart. Celui avec lequel il s’était construit. Ils s’étaient construits.

Rien n’avait changé. Tout avait changé.

C’était un pirate qui veillait sur lui. C’était le Dragon.
C’était son meilleur ami.

Alors après tout. Et malgré tout. L’improbable était encore permis.

Ils n’avaient jamais été si éloignés. Mais peut-être n’avaient-ils jamais été si proches.
L’amère réalité – pourtant – allait confronter ces deux enfants à la tragédie des grands.

Sur le visage blême du soigneur, s’esquisse un sourire.

« Tu as une sale mine. »

Une amorce. Une étincelle à demi murmurée. Pour quel brasier ? Dans quel bucher ces deux frères d’âmes allaient-ils s’embraser ?
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MessageSujet: Re: Happy Returns   Happy Returns EmptyDim 1 Mai 2016 - 15:28

Des craquements, des mouvements autour d'eux, bruits coutumiers d'une longue nuit qui ne semble vouloir mourir. Faussement concentré sur la lame qu'il nettoie, le Dragon est aux aguets. Mais rien ne sort de l'ordinaire, rien ne vient réellement briser le calme avant la tempête.

Jusqu'à la voix. Sa voix.

- Tu as une sale mine.

Enfin, Lòng consent à lever les yeux.

Un sourire aussi mauvais qu'heureux et sauvage étire ses lèvres devant celui - pâle mais bien présent, bien là - de son meilleur ami. Croisement de regards, le Dragon ricane.

- Et encore, t'as pas vu la tienne.

Et c'est tout, ça suffit. Quelque chose remue dans les yeux de Lòng, il glisse son arme dans ses poches, balayant ainsi le souvenir de la petite Mère sans oeil. Seul compte un unique fait, euphorique constatation : Soul s'est réveillé, il ne va donc pas mourir tout de suite.

Se décollant du tronc auquel il s'est adossé, le Dragon se rapproche. Plus sérieux dans le ton bien que son sourire plein de crocs semble automatique, comme figé sur son visage.

- T'as pas intérêt à crever encore une fois.

Pas de menace pour accompagner cette fois, ça ferait désespéré. Le Pirate se contente de fixer son ami avec intensité, un mélange d'inquiétude et d'avidité au coin des yeux. Il sait que sa prochaine réplique va tomber mal, résonner comme un coup de fusil dans le noir. Il ne se rend juste pas compte d'à quel point.

- Alors comme ça, t'es un de leurs Chefs.

Il retient à peine un gloussement.

- Ça fait combien de temps ?

Comme si lui-même pouvait se souvenir de tous ce temps passé à vieillir ici.
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MessageSujet: Re: Happy Returns   Happy Returns EmptyJeu 5 Mai 2016 - 19:35



Dans son euphorie ou peut-être d’involontaires œillères, Soul aura manqué le discret rangement d’une lame meurtrière. Ce n’est pas encore le moment. Le moment du sang et des larmes, non. Celui-là viendra et se transformera en « ceux-là » qui se répéteront. Crois-moi. Soul, tu n’oublieras pas.

Là. L’heure est aux retrouvailles. A les savourer enfin, sans balle, sans spectateur. Sans fard.

Criard.

Il sourit. Ha! La bonne blague ! Oui. Ils auront survécu encore une fois, tous les deux. Pas dans le meilleur état. C’était comme une répétition… d’autrefois. Un écho tangible. C’était… toujours là.

Mais… Était-il jamais… ? L’Immuable tique, et peu à peu son meilleur-ami dessine autour de lui l’ébauche de leur nouvelle Réalité.
A peine né, son sourire se met à mourir.

Doucement, l’exaltation du moment laisse entrevoir les déchirants crocs du souvenir. Celui des échos. Celui qui déchire.

L’immuable tente un mouvement, comme pour gagner du temps, lui laisser profiter encore de ce mirage mais son corps engourdi lui répond à peine. Il demeure adossé sur ce tronc, comme l'avait-été le corps abandonné du livreur sans pied.

Une sueur froide lui parcoure l’échine. Il sent plus qu’il ne sait ; ce qui est à venir.

C’est un peu plus solennel et presque triste qu’il lui répond :

« Dès mon arrivée. Il m’a amené pour. » - Soul n’a pas de regrets, ni de rancœurs envers l’égoïsme de Peter. Mais il est brutalement confronté à ce qui l’étreignait. Ce que son absence a, aura... provoqué ?
A l’évocation du voleur d’enfant, le chef des soigneurs réalise, replace les événements.

Ses yeux grandissent d’inquiétude, alors qu’un murmure blême le saisit : « Peter » , il essaie de se lever et échoue lamentablement.

« Il faut le retrouver. Il n’est pas … » , Mon dieu, et la petite mère ? Et Eilis ? Qu’était-il advenus d’eux ?

« Il faut les retrouver. » - Il cherche le regard du Dragon comme un soutien, comme si son meilleur-ami était vraiment sur le point de l’assister. Ne l’avait-il pas déjà fait ? Ils n’avaient jamais été que sur la même voie. Ils ne pouvaient se rendre dans des directions opposées, n’est-ce pas ?
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MessageSujet: Re: Happy Returns   Happy Returns EmptyLun 9 Mai 2016 - 23:21

Il le regarde. Fixement. Avec un peu d'inquiétude, une toute petite part d'émerveillement encore et quelque chose d'autre, de bien plus sombre. Quelque chose qui glisse, quelque chose qui serpente. Une soif vorace, l'attente d'une réponse qui va faire mal. Et qui arrive, qui gronde.

- Dès mon arrivée. Il m’a amené pour.

Bien sûr, c'est logique.

Et ça veut dire aussi qu'il a réussi à le louper alors qu'il était là tout le temps.

Il en aurait crevé de rire, le Dragon, si un brutal changement - salutaire changement - dans l'attitude de son ami n'avait pas retenu sa défaillante attention. Avec un intérêt presque froid, Lòng le voit se décomposer. Tenter de se bouger, se ramasser. Tout ça pour quoi, hein ?

- Il faut le retrouver. Il n’est pas …

Il sent sa mâchoire se crisper.

- Il faut les retrouver.

Il y a une seconde, peut-être deux. Un putain de silence qui lui aurait foutu la trouille s'il n'avait pas été trop occupé à réfléchir, tenter d'assimiler, d'accepter ce qu'il lit à cet instant sur le visage de Soul. Il y a une seconde, peut-être deux mais ça se brise d'un seul coup. C'est comme de la lave qui lui remonte des entrailles, un brasier qui éclate un jour de canicule.

Et sans réfléchir, sans ressentir rien d'autre que cette haine qui le consume absolument, le Dragon sent son bras s'étendre et venir - sans ménagement - agripper l'épaule de son frère. Le retenir, le plaquer encore plus contre son foutu tronc. Et se rapprocher comme un serpent qui attaque, se rapprocher encore.

Jusqu'à s'arrêter brutalement. A deux centimètres : il pourrait lui bouffer la gueule s'il le voulait.

Ami.

S'arrêter pourquoi, déjà ?

Ami.

... bordel.

Il ne se recule pas, le Dragon. Pas tout de suite. A la place sa main se déplace, venant saisir le Chef par les cheveux, sans ménagement aucun. Et il le regarde, l'examine comme s'il s'agissait d'un inconnu. Et ce qu'il voit lui fait peur.

Alexandre a changé.

Plus que ce à quoi il aurait pu s'attendre. Il a grandi, certes mais pas que : il a vieilli, son meilleur ami. Il a l'air plus mal, plus fatigué que jamais.
Sous l'influence d'un Démon...

Un soupir. La lave se dissipe.

Le Dragon le lâche, ricane, consent à s'éloigner.

- Ce que je te ferais... si t'étais pas toi.

Son rire lui secoue les épaules, s'intensifie. Bientôt il doit se tenir le ventre tellement ça fait mal.

- Tu crois vraiment que je vais t'aider à sauver l'autre Démon ? Non mais tu m'as bien regardé ?

Chancelant, il parvient à se mettre sur ses pieds et désigne son accoutrement.

- Je suis un Pirate, Alexandre. C'est pas mon job d'aller sauver les gosses.

C'est dur de parler entre deux éclats de rire. Déséquilibré par l'ampleur de son hystérie, Lòng met quelques instants à reprendre son souffle.

- Et crois-moi... je doute qu'on les retrouve comme ça, par un miraculeux hasard.

Un temps. Il aurait presque réussi à se calmer mais les sanglots le reprennent.

- Quoique, moi, j'ai bien mis tout ce temps à te trouver !!!

Oh, il aimerait lui dire tellement plus. Lui expliquer à quel point la petite Mère sans oeil ne risquait pas d'apprécier de le revoir, lui rappeler ses exploits et méfaits, ce que Dragon signifiait. Mais le rire étouffe tout, le malmène. Il manque d'air, il a les larmes aux yeux. Ça dure une éternité.

Lorsqu'il s'apaise enfin - en apparence - il n'y a plus qu'une question qui en ressort.

- Alors, Soul... tu nous rejoins quand ?

Peut-être qu'il se fout de sa gueule, oui. Peut-être bien.
Ou peut-être qu'il cherche juste à faire mal.
A se venger.
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MessageSujet: Re: Happy Returns   Happy Returns EmptyVen 13 Mai 2016 - 3:51


Tout a changé.

Ils ne vivent plus l’un au travers de l’autre. Il n’y a plus de miroir, juste un prisme déformé. Car le miroir –lui– s’est fissuré. Se brise. Le malheur pour tout éclat.
Ce sont des griffes qui lacèrent son épaule. Et de la glace qui le transperce, le brûle des yeux de son meilleur-ami. Ne sont-ce pas là des crocs, à la commissure de ses lèvres ? Ne sont-ce pas des lames rutilantes qui croisent le fer sous ce rire – cet hurlement – dément ?

Et Alexandre réalise. Alexandre, saisi d’un effroi plus grand encore ; rencontre le Dragon. Il peut sentir la rugosité de ses écailles comme leur tranchant et ne peut détacher son regard pris de la plus dérangeante fascination.

L’animal légendaire se meut, il danse, il est l’un de ses grands esprits qui peut tant donner. Et tout… reprendre.

Et toutes les lignes, meuvent en flamme. C’est son écriture qui crépite devant lui, s’embrase sur les rumeurs qu’il aura retranscrites, les conséquences des plaies : le profil qu’il a lui-même rédigé.

Tout ce temps, oui, tout ce temps où ils avaient été séparés. C’était le Dragon qui l’avait comblé. Là, tapis dans l’ombre d’un carnet, et dans la terreur des enfants qui l'avaient croisé.

Si l’enchantement de la fée n’avait persisté ; Alexandre serait mort de douleur.
Elle ne se serait plus contentée d’être physique, non. Elle lui aurait explosée le cœur.

Sa respiration s’est fait saccadée, ce qui tonne à ses tempes l'assome, comme s’il n’était plus capable de jamais revenir au calme.

Il n’y avait bien que Bình – car c’était bien lui, C’ETAIT Bình – pour le mettre dans cet état. Pour le rendre si lisible, si… vulnérable

… Si humain.

Et pas saint.
Alexandre frôle les dix-sept ans, et en ce moment : il est l’adolescent qu’il est vraiment. A l’effroi, succédait la colère.

Bien-sûr qu’il avait toujours été conscient de ce qui rongeait le flamboyant*, il n’aurait jamais pu ignorer la tempête qui ravageait ses yeux bleus. C’était sans doute ce qu'il avait senti en premier quand il avait croisé – et admiré – son regard pour la toute première fois.
La clameur terriblement vibrante, cette haine qu’il crachait, qui le dominait.
C’était peut-être ce qui l’avait d’abord fasciné, lui qui s’était fait si éloigné de la voracité humaine. Lui qui s’était retranché derrière ce stoïcisme quasi-bouddhiste, que plus rien ne pourrait ébranler.
Et la terre avait tremblée sous la vindicte d’une chimère. Ramenant Alexandre à l’humain, l’éloignant pour jamais, du Nirvana désiré.

Car Bình lui avait rendu son humanité.

L’obligeant - les arrachant presque - à dévoiler ses failles. A les montrer.
A se révéler.

Il hait cette atonie qui l’empêche d’agir. Il n’y a que ses yeux, ses yeux qui se sont assombri. D’un vert ténébreux et furieux. Furieux. Il voudrait se saisir de lui. Le gifler.
Faire pleuvoir les coups que ces larmes ne veulent verser.

Il ne peut empêcher sa voix de trembler pourtant, quand il choisit – après un long silence – de lui répondre :

« Et il fallait que tu viennes. Que tu interviennes. Comment as-tu fait ? – Car la morgue vindicative du vietnamien n’aurait jamais pu attirer Pan – Il fallait que tu détruises… sans avoir rien trouvé. »

« Je suis là. Je ne t’ai jamais oublié.
– Sa voix semble se briser une fraction de seconde – Et je ne le pourrais sûrement jamais. » - Non il ne pourra jamais effacer les atrocités qu’il avait perpétré.

« Tue-moi Dragon, car jamais. JAMAIS, je ne vous rejoindrais. » - C’était la première fois qu’il l’appelait par ce nom. Comme s’il tentait d’oublier, comme s’il s’accrochait au monstre, que Bình…. BÌNH n’avait jamais existé.

Ses mains qu’il percevait à peine ; convulsaient sous la colère. Si l’Immuable avait pu le mordre, s’il avait pu… faire quoi que ce soit qui apaise sa morgue…. Gomme le sourire de cet abruti. Celui qu’il avait ferré à l’âme et au cœur, sans lequel il n’aurait plus rien d’humain

Qu’il l’achève enfin. Que ce cauchemar s'achève!
Qu’il cesse de lui offrir l’espoir pour en souiller aussitôt la mémoire.
Alexandre n’avait jamais eu besoin d’ombre : il avait toujours eu Bình. Celui qui le révélait…

Aussi faillible que les autres.
Aussi fragile.
Soul n’était pas intangible.
Mais écorché. Effrayé. Candide.
… Un enfant brisé à être grand.
Un enfant. Pas un saint.

Et privé de Bình, son existence prenait fin.



*Bình : En vietnamien signifie « Le Flamboyant ».
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MessageSujet: Re: Happy Returns   Happy Returns EmptyDim 29 Mai 2016 - 1:24

Deftones - Change

I took you home
Set you on the glass
I pulled off your wings
Then I laughed

Elle est là, la fureur. Il la sent se débattre dans les yeux de son ami, jouit de la voir sourdre à cause de lui. A le voir réagir ainsi, c'est comme s'il lui appartenait encore un peu. Sois vivant pour moi, allez, et on dira que ce serait notre jeu.

- Et il fallait que tu viennes. Que tu interviennes. Comment as-tu fait ?

Les yeux glacés du Dragon se voilent d'une lueur maligne. Bien sûr qu'il était intervenu, il n'avait jamais été très passif de toute façon. Même plus bas que terre, à se prendre des coups, il avait toujours trouvé l'énergie de se débattre.

Ici, c'était pareil.

- Il fallait que tu détruises… sans avoir rien trouvé.

Haussement d'épaules de la part de l'intéressé. C'est qu'on ne se refait pas et dans son cas... jamais. Il ne réplique pas, n'en voit pas l'intérêt. Fait presque mine d'ignorer son camarade, nonchalant alors qu'à l'intérieur son être se consume dans les flammes.

- Je suis là. Je ne t’ai jamais oublié. Et je ne le pourrais sûrement jamais.

Lòng a son sourire de reptile, figé, pourtant quelque chose ne va pas : si son voeu le plus brûlant est celui de ne jamais être oublié, pourquoi ne se sent-il pas, à cet instant, satisfait ?

Un temps. Soupçonneux, le regard du Dragon revient se crocher à celui de l'Immuable.

- Tue-moi Dragon, car jamais. JAMAIS, je ne vous rejoindrais.

Elle est là, la sentence. Enragée, inéluctable. Elle est là, à briser la glace dont les éclats viennent se planter dans les tréfonds de son crâne. Illusion fracturée, espoir déchu. Alors c'est comme ça, c'est tout ? Après tout ce temps à se chercher, à se hanter, c'est ainsi que leur histoire se termine ?

Lòng veut en rire, d'un coup, très fort.

Pourtant, lorsqu'il essaie, c'est comme si quelque chose tentait de l'étouffer.

- Je pensais que tu le saurais : je ne tue jamais.

Oh, cela lui arrivait, comme tout le monde. C'était juste que, s'il en avait la possibilité, le Dragon préférait de loin marquer.

Un soupir, long et las. Comme s'il n'avait plus envie de jouer. Mains dans les poches de son manteau tâché, le Pirate donne un coup de pied à un caillou de passage.

- Il m'a fallut un appât, pour l'attirer. Une gamine plus jeune, que j'ai prise sous mon aile.

C'était quoi, son nom, déjà ? Il peinait à se rappeler d'à quoi elle ressemblait.

- J'ai passé un an à lui raconter des histoires. Un an à lui faire croire qu'il existait mieux que là-bas, un an à la nourrir de rêves stupides jusqu'à ce que le Démon finisse par l'entendre. Et me prenne avec.

Un sourire retors, presque triomphant vient étirer ses lèvres.

- On est arrivés ensemble, j'ai déserté sans elle.

Et l'hystérie qui pointe à nouveau alors que son sourire s'agrandit.

- J't'avais pas assez bien cherché, faut croire.

Il dit ça et sa voix tremble, il dit ça et s'esclaffe, haussant paumes et épaules dans une expression fausse, désinvolture au supplice. Puis Lòng se rapproche à nouveau, contemplant son ami avec une bienveillance toute mauvaise.

Tendresse tordue.

- Et dis-moi, Soul, tu vas faire quoi quand ils se rendront compte que tu grandis ? Tu comptes leur demander gentiment de rester ?

Ça y est, il rit franchement.

Sa main plonge dans les profondeurs de sa poche, à la recherche de la photo froissée qu'il vient ensuite flanquer sous le nez du Chef. Sa preuve à lui, sa raison de ne pas oublier.

- Essaie pas de mentir. Sa voix est douce, coulante comme du miel. Je vois bien que t'as changé.

Elle est en mauvais état, l'image. Peu importe, tant que c'est ce qui lui a permis de s'accrocher.
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MessageSujet: Re: Happy Returns   Happy Returns EmptyJeu 16 Juin 2016 - 18:18



La défiance le sublime, son regard n’aura jamais été aussi vifs, aussi perçants. Aussi tristement lucide quand il accueillit –pourtant – ses égarements. Il y a cette gorge qu’il ne peut empêcher de se tordre, des reflux imaginaire, de l’amertume bien tangible qui l’empêche d’inspirer par brassée d’air. De se calmer.
Et Soul ne peut s’empêcher de fulminer, de ruminer, de se faire violence pour empêcher d’éructer… avant de réaliser. De laisser les pièces s’emboiter.

- J'ai passé un an à lui raconter des histoires. Un an à lui faire croire qu'il existait mieux que là-bas, un an à la nourrir de rêves stupides jusqu'à ce que le Démon finisse par l'entendre. Et me prenne avec.


Une indochinoise. Comme eux. Ils n’étaient pas légion. Son estomac se tord à son tour. Soul veut vomir mais la bile reste comprimée à le ronger.
Il vient de réaliser, encore une fois. Il n’a jamais vraiment été loin de Bình. Car Bình avait toujours été à ses côtés. Au travers de ses souvenirs, de sa légende, de ses méfaits. Et de ceux qu’il avait entraînés.

- Palissandre.

C’est un murmure quasi inaudible. Un râle en fait. Ce sont tant et tant de remords pour la demi-fée. Elle aussi, était là parce qu’il l’avait suivi. Elle aussi.

- J't'avais pas assez bien cherché, faut croire.

Ses yeux lui répondent d’un silence infiniment triste. Alexandre jongle avec son cœur. Bình en est le funambule.
Il aimerait lui dire, lui expliquer… Qu’au début surtout, il avait du pratiquer un peu de terrain. Qu’il avait du se trouver partout où l’on en avait besoin, avant que ne s’instaure une discipline plus rôdée, plus efficace dans leurs soins.
Mais les mots meurent… comme les regrets.
Soul n’est pas dupe, il perçoit la fausseté, la surenchère. Là, lors de cette courte accalmie de colère. Bình est toujours derrière ces écailles et ces flammes. Il le perçoit encore faiblement. Il a muté oui. Comme lui. Ils se sont adaptés. A la survie.

La condamnation le fait sourire. Tristement. Si Bình savait. Si seulement.
De leur proximité, Soul a l’impression d’entendre les battements de son cœur. Alors il bat toujours finalement.

Et la photo brandie de confirmer, à sa vétusté, de celle qu’on a trop souvent tenue. Fixée.
Son regard pourtant, s’est figé sur autre chose. Sur son meilleur ami qui tente en vain de le persuader, sur celui qui s’est perdu. Autant que lui. Celui qu’il avait tant suivi.

L’immuable aimerait… le consoler ? Oui soudainement. Oublier le monstre, l’horreur. Retrouver l’enfant. L’enfance.
Il se concentre, et l’effort fait perler à son front une sueur glacée. Sa main vient rejoindre son poignet. Et vient l’agripper mollement.
Ses paupières se ferment quelques instants. Il écoute, il sent. Les pulsations de son meilleur ami qu’il ressent, comme vrombissant, trahissant le masque. Déchirant le voile, la mascarade.

Le cœur ne trompe pas.

« Je ne les compte plus – murmure-t-il – les portraits que j’ai fait (de toi) » - C’était ce qu’il avait dessiné en premier. Bình. Et puis son père. Qui lui manquait. Il y avait aussi des croquis de l’Indochinoise, mais bizarrement son visage devenait abstrait. Mal retenu. Mal figé.

Alexandre se sent si las, les battements le berce quelques instants. Il ne peut pas vraiment révéler que Pan sait déjà, non ? Pour son grandissement. Il ne peut pas lui confier, à Lui qui a tant changé aussi.

« Je verrais. Quand ce sera le moment. Ma place est là-bas. » - Il n’ose rien ajouter. Peut-être pourraient-ils s’accorder à rêver à ce qu’il pourrait partager. A un avenir, à un « ensemble ». Peut-être. Mais il l’a compris, Lòng ne se sacrifiera pas pour lui. Ou en tout cas : pas ainsi.
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MessageSujet: Re: Happy Returns   Happy Returns EmptySam 18 Juin 2016 - 18:34


Il attend, le Dragon, immobile dans sa volonté de blesser, de faire toujours plus mal, que ce soit à son meilleur ami ou non. C'est mécanique, machinal : il veut le voir se décomposer toujours plus, souffrir de son stupide statut de Chef, sa décision de rester crever auprès des enfants. Mais Soul n'est pas là où il l'attend, Soul a déjà fermé les yeux et le surprend.

Une main glacée vient agripper son poignet, détectant ainsi la pulsation furieuse qui anime son coeur écailleux. Lòng se fige, cesse de rire, parler, penser. La peau de l'Immuable lui fait prendre conscience de son pouls, la sale vérité qu'il ne peut changer.

Salaud.

C'est pas du jeu, de passer outre les apparences qu'il sait si bien maîtriser.

- Je ne les compte plus, les portraits que j’ai fait (de toi)

Ferme-la, ferme-la, FERME-LA. Me dis pas ça, me prends pas comme ça alors que je jouais avec toi. Me fais pas ça, t'as pas le droit. Je suis un Dragon, un putain de Dragon, tu peux pas m'avoir comme ça.

Lòng déglutit, sent un élan de rage le parcourir alors que Soul reprend :

- Je verrais. Quand ce sera le moment. Ma place est là-bas.

Un temps. Le Dragon se dégage sèchement, sa main tremble. Merde.

- J'y crois pas.

Il est sincère, Lòng, et ça lui écorche la gueule de savoir encore comment. Mais c'est plus fort que lui, sa rage le bouffe. Il s'éloigne, quelque chose bout dans ses yeux.

- T'es pas un gosse, t'as rien à foutre parmi eux. Tu crois que j'ai pas vu à quel point t'as changé ? T'as vieilli, Alexandre. T'as l'air tellement...

Vas-y, dis-le. Dis lui à quel point, la première fois où t'as recroisé son regard, t'as flippé de voir ce qui s'y trouvait.

- ... tellement mort.

Malgré ce foutu coeur qui bat, malgré la peur, Lòng sent un sourire étirer ses lèvres.

- Il t'a fait quoi, hein, le Démon, pour te rendre comme ça ? Il t'a sorti le cerveau pour le donner à bouffer à ses soldats ?

L'idée le fait marrer, il s'en gausse doucement. Salaud de Peter Pan, salaud de Démon qui leur a volé leur vie. C'est à cause de lui qu'il se retrouve là, avec le coeur qui menace de lui crever la cage thoracique. C'est à cause de lui qu'ils souffrent ainsi, il s'en persuade. Oh, le jour où il le chopera... il se vengera. Promis juré. Et ce sera sale.
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MessageSujet: Re: Happy Returns   Happy Returns EmptyMar 19 Juil 2016 - 16:27


Sa poigne s’est légèrement affirmée, comme si l’Immuable dans son état, voulait empêcher le Dragon de s’enfuir. De le fuir. Mais il n’est pas en état… de vraiment le retenir.
Ses réactions pourtant ; son pouls qui s’accélère, le frémissement d’une peau qui le trahit… et la vivacité de ses réactions venaient de confirmer ses soupçons.
Soul ne s’est pas trompé. Comme leur première rencontre ; il l’a deviné. Il l’a senti, plus que compris. Bình est toujours lui.

Sa main est mollement retombée là où Lòng l’aura laissée. Il l’observe, songeur, comme le débris d’un navire qu’une vague aurait repoussée sur la rive. Toujours présente pourtant, dans sa clameur assourdissante… mais régulière.
Il sait qu’il n’aura pas la force de recommencer. Pas aujourd’hui. Il lui faudra du temps. Celui de guérir. Celui d’accepter peut-être. Comme à lui…

Etait-ce vraiment fini ?
Non. Bình était toujours Bình. Avec ses cris, ses inquiétudes, son rire grinçant des larmes. Son refus d’abandonner aussi. Bình avait toujours été un acharné.

« Je ne suis pas mort. » qu’il confirme doucement.

« Et je suis toujours « moi ». » - même en ayant changé, même en étant chaque nuit taraudé par l’inquiétude et la frustration de ne pouvoir que peu de chose, du haut de ses éternels 16 ans…

« Peter ne m’a rien fait. » - Il ferme les yeux, un temps, semble peser ses mots.

« Je veux juste les aider. » - Alexandre veut encore dire quelque chose, ses yeux sont ouverts, ses sourcils froncés, il cherche comment convertir ce qu’il ressent… Ce qu’il est, pour le lui faire comprendre. Pour l’atteindre. Pour partager.
Ce qu’il n’a jamais été capable de faire avec quiconque.

« C’est parce que je suis moi – ses yeux viennent se planter dans l’azur du Dragon – que je suis dans cet état. »

Il n’y a aucun déni. Il sait. Il a conscience de ce en quoi il a sombré. Il sait ses alternatives destructrices, qu’elles ne sont qu’une maigre échappée, mais il n’en a pas trouvé d’autres, car Alexandre… Alexandre n’a que 16 ans. Même si cela fait plus de 60 ans.

Parce qu’il est concerné, parce qu’il s’est attaché à chacun d’entre eux mais qu’il sait ne pouvoir, ne devoir le prononcer devant Lòng. Et qu’il sent, aussi, le danger, l’équilibre fragile prêt à céder du mauvais côté.
Soul voudrait se rattraper, Soul voudrait se raccrocher. A quelque chose. Quelqu’un.
A terre, il y a toujours sa main. Elle parait tendue, dressée mais enlisée, elle cherche son meilleur ami, et son regard voudrait s’ancrer en lui ;

« Bình. Ne nous abandonne pas. »

Car à la vérité, c’est ce qui le terrifie. Bien plus que d’être seul. Que d’être consumé par l’île, par son impuissance ou cette mémoire fragmentée qui ne cesse de le tourmenter.
L’idée qu’on lui reprenne à nouveau ce qu’il venait à peine de retrouver. La terrifiante perspective que son meilleur ami se détourne de lui et… l’oublie.
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MessageSujet: Re: Happy Returns   Happy Returns EmptyDim 21 Aoû 2016 - 1:13

- Je ne suis pas mort.

Foutaises, il n'y croit pas une seconde. Ou peut-être que si ? Le visage de Bình se tord en une grimace involontaire, à mi-chemin entre rage et soulagement. Un instant avant qu'il ne chope l'expression et la tue, la remplaçant par ses mimiques coutumières. Soul a raison, l'asiatique s'acharne : à ne rien donner, ou au compte-goutte. A rester en contrôle le plus longtemps possible.
Tant qu'il le peut encore.

- Et je suis toujours « moi ».

Il aimerait le croire, il aimerait pouvoir le croire. Mais le sourire du Pirate se tord, un éclat passe dans son regard : Alexandre aurait-il vraiment refusé de le suivre pour rester à la solde d'un Démon ? Peut-être que Lòng connait la réponse, au fond.
Peut-être qu'il refuse d'y penser réellement.

- Peter ne m’a rien fait.

Cette fois, c'est plus fort que lui : sa grimace se mue en rire qui le secoue, va grandissant et le plie en deux pendant que son ami cherche ses mots. Entre deux spasmes d'hilarité devant ce qu'il considère être l'une des meilleures blagues qu'il a entendu lors de cette très longue soirée, Lòng entend la voix de Soul qui reprend :

- Je veux juste les aider.

Ça ne le stoppe pas net, non. Mais - l'espace de quelques instants - l'affirmation d'Alexandre parvient à le calmer. Doucement, le Dragon se redresse. S'apaise en apparence. Cherche de son regard bleu infâme celui de son meilleur ami - le Chef des Soigneurs du Grand Arbre.

Sa mâchoire se crispe.

Le Chef à la solde du Démon Blanc.

- C’est parce que je suis moi que je suis dans cet état.

Il le dit implacable mais c'est comme si Lòng ne l'entendait pas. Ce dernier continue de soutenir son regard, fouiller ses iris. Combat de regard, il ne sera pas celui qui baissera les yeux en premier. C'est à peine s'il voit la main tendue, s'il entend l'appel silencieux.

- Bình. Ne nous abandonne pas.

Il ne baisse pas les yeux, les lève comme pour prendre le ciel à témoin. Le rire à nouveau à fleur de lèvres, Lòng recule, hausse les épaules. Sa démarche a quelque chose d'ivre et de retenue à la fois, comme si quelque chose l'entravait. C'est qu'il est écrasé, le Dragon, enseveli sous quelque chose de bien plus grand qu'eux deux.

N'oublie pas de respirer.

Puis c'est l'éclat. Le rire bref comme un jappement, l'exclamation en forme de dague, suivie du ricanement. C'est contenu encore, pourtant ; on le voit à ses tremblements.

- Et tu veux que je fasse quoi, Alexandre ? Tu veux que je rentre au Grand Arbre avec toi, peut-être ?

Il veut continuer, mais le rire ne lui en laisse pas le choix. Se tenant au ventre, Lòng n'a d'autre choix que de laisser libre cours à cette hilarité qui le submerge. C'est que la situation est tellement absurde, tellement... drôle. Il en a les larmes aux yeux même, reprend entre deux respirations saccadées :

- Je suis un adulte, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué. Tes camarades ne me laisseront jamais revenir.

Nouveaux spasmes. Riant à en crever, Lòng se redresse brutalement.

- Je comprends pas... on s'amusait bien ensemble, pourtant !

Ou plutôt, lui s'amusait bien avec eux mais il ose croire que Soul a compris ce qu'il sous-entend. Prenant sur lui pour couper net ses ricanements, le Dragon se fige soudain, avant de se rapprocher. De parler - plus posément, presque aimable :

- Tu ne sais pas où on est, j'imagine.

Quelle victime lui avait dit que les Soigneurs ne sortaient jamais, déjà ? De toute façon, cela n'a plus d'importance.

- On est sur un lieu de passage, vos Eclaireurs l'empruntent régulièrement.

C'est drôle, il parlerait presque calmement.

- Je compte sur eux pour te ramener quand ils te trouveront.

Un temps. Il y a quelque chose de las, dans la voix du Dragon. Quelque chose... d'usé. Il ouvre la bouche, la referme : ses mots l'étouffent d'un coup, l'étranglent en se bousculant au portillon, il se tait.

Et reprend doucement, à voix très basse :

- Crois-moi, j'aurais adoré ne pas t'abandonner.

Même si c'est ce que tu m'as fait.
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MessageSujet: Re: Happy Returns   Happy Returns EmptyVen 9 Sep 2016 - 20:58

Ces sentences, ces postulats irrévocables... ça aussi, c'était une habitude. De trancher, de déchirer au possible tout voile illusoire. Bình avait toujours été doué pour faire réaliser, pour faire souffrir.
Comme Soul l'avait toujours été à ne rien montrer. A ne pas fléchir.

Il encaissait, une fois encore. Bien sûr qu'il n'avait pas de réponse, bien-sûr qu'il n'avait réfléchit à rien! Comment aurait-il pu ? Entre deux balles peut-être ? Ou quand les doigts de la négresse lui palpait les entrailles? Ou quand la fée se rendait l'âme en lui ?

Par toutes les réincarnations de Bouddha, QUAND aurait-il pu y penser? Effleurer même la perspective d'un avenir...

- Ensemble.

C'est un soupir épuisé.

- Juste ensemble.

En fait, il n'a plus vraiment envie de l'écouter son venin. Alexandre veut aller au fond des choses, à l'essentiel. Sans danse, ni voltige de flammes, sans couperets.
Il est bien trop fatigué pour tergiverser.

- C'est tout ce que... - Il a une grimace, ses sensations commencent à revenir, le picotements des broches de fortunes sur sa poitrine et sa jambe qui se réveillent, qui se révèlent à lui. - j'ai jamais vraiment voulu.
Là-bas.


Et ici ? Ici, il ne sait foutrement pas.
Pas plus qu'il ne comprend au départ où le Dragon veut en venir.

Un lieu de passage ? Les Éclaireurs ? Ramener ?

Il ne veut pas comprendre. Même quand la suite se précise. Tranchante encore. Couperet.
Ses paupières sont lourdes, il est très tenté de fermer les yeux, d'agir comme s'il ne s'agissait que d'un rêve, une chimère que son esprit embrumé aurait inventée pour le torturer.
Comme si sa vie ici, n'aurait pas suffit.

Mais quand il les ré-ouvre, Bình est toujours là, déformé par un flou que le soigneur refuse d'identifier.
Même quand elles roulent sur ses joues crasses.

C'est la douleur sûrement. Ses plaies qui resurgissent... intolérable. Il ne voit pas d'autres raisons à ce flot intarissable qui lui fait tourner la tête, comme s'il pouvait les lui cacher. Comme s'il avait jamais été capable de lui dissimuler quoi que ce soit vraiment.

Il renifle, et se déteste de le faire. Essaie de récupérer l'intégrité qu'on lui connait. Comment réagiraient les autres perdus à le voir ainsi prostré, à terre. A se noyer de leur drame.

En lui, cette petite voix aussi, qui ricane. Qu'il fait taire.

- Je comprends.

C'est plus un râle qu'une assertion calme. Et c'est son propre mensonge qu'il veut avaler. C'est logique, cela se tient. Pourtant il ne peut pas empêcher l'intérieur de se déchirer, de tressaillir.

Ce sont ses chairs sanglantes qui le travaillent. Rien d'autre.

Rien d'autre.



EMO EMO EMO EMO EMO:
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MessageSujet: Re: Happy Returns   Happy Returns EmptySam 10 Sep 2016 - 0:55

- Non, tu comprends pas.

Il a répliqué immédiatement après, un peu plus et il l'aurait interrompu. C'est qu'il a toujours été comme ça, Bình, toujours brutal et direct, quelque part - il a appris à être fielleux après. Et s'il s'inquiète pour Alexandre, il ne le montre pas. Il se contente de le fixer froidement, bras croisés, de refouler les sentiments qu'évoquent la vision de ses larmes, de tuer d'un coup sec la moindre manifestation de faiblesse qu'il pourrait être tenté laisser transparaître.

Parce que s'il cède, il finira par le regretter. Ils finiront tous deux par le regretter.

Il ne veut pas céder.

- Tu crois que moi, je voulais autre chose ?

Bien sûr que c'était ce qu'il avait toujours voulu, lui aussi. C'était pour cela qu'il n'avait pas hésité une seule seconde avant d'élaborer son plan, avant de récupérer la fille pour la traiter avec tous les égards. Il avait su se montrer si patient, à lui construire la précieuse fable qui les emporteraient tous deux au Pays du Démon Blanc.

- Je me souviens à peine de l'année que j'ai passée sans toi, là-bas.

C'était vrai, seules demeuraient les impressions et les sensations confuses. Le sentiment d'étouffement, d'oppression qui s'en allait crescendo alors qu'il refusait de faire son deuil, de céder. Il ne se souvenait que de ça, sa fébrilité et cette douleur aiguë qui avait commencé à croître dans sa poitrine pour ne plus jamais le lâcher. Cette souffrance maladive qui avait fini par rejaillir de lui sur les autres. Et qui l'avait possédé, qu'il avait embrassé comme un mourant embrasse la faucheuse, comme si tout brûler allait le guérir, le purger.

Il fallait le comprendre, Bình : il fallait comprendre qu'il ne pouvait pas être le seul à perdre son âme.

- Par contre, je me souviens que c'est devenu l'enfer dès que tu es parti.

Comme si cela n'avait pas été l'enfer avant.

Un petit ricanement, amer. Il se souvient de Palissandre, désormais. Se rappelle que - même si elle ne l'a sans doute jamais compris - il s'accrochait à elle pour oblitérer ce qui se passait autour.

Il se met à rire plus franchement et il y a quelque chose, dans sa voix.
Quelque chose qui tremble.

- Tu m'aurais vu quand je suis arrivé...

Il ne poursuit pas sa phrase : la suite l'ennuie déjà, perd de son intérêt. Il perd de ses calculs, le Dragon. Il s'affaiblit, il tape la causette. Et c'est à grands frissons hilares que la souffrance le ramène à sa folie, le secoue pour mieux le figer. L'admoneste, l'encourage à se reprendre et c'est ce qu'il fait. Il se reconstruit une fois encore, s'étire puis se rapproche gentiment, à nouveau calme. Jusqu'à arriver au niveau de son meilleur ami, s'accroupir à ses côtés. Le fixer comme un enfant fixerait un animal étrange.

Sa voix est rauque mais posée, très lente lorsqu'il parle.

- Je peux pas retourner chez les morveux, et toi tu n'as aucune envie de rejoindre l'équipage.

Le regard de Dragon se fait très froid, d'un coup. Très clinique, logique. Dénué de faiblesse, dénué d'émotions. Sans pitié pour le seul qui compte.

- Alors dis-moi, Soul.

Un frisson parcourt son échine. Si ça cède, il finira par le regretter. Ils finiront tous deux par le regretter.

Il a comme du verre pilé sur sa langue alors qu'il pose la question :

- On va faire comment, pour être ensemble ?

Il sourit, avenant.

Ça lui fait... tellement mal.

Ses yeux sont encore humides, remplis d'une affection singée. S'il cède, il finira par le regretter.

Le temps de calculer, réprimer les tremblements.

Et la sentence qui tombe.

- Si tu veux, je peux te tuer ici et maintenant.

C'est plus simple de faire semblant.
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MessageSujet: Re: Happy Returns   Happy Returns EmptyLun 12 Sep 2016 - 1:10



Il pleut. Ce sont des gerbes de flammes, un volcan éructant, à la lisière de l'explosion qui laissent échapper par lentes dépressions, le souffre incendiaire.
Il pleut. Et le lacère.

Il pleut, et l'onde sur ses joues refusent de s'endiguer, comme un barrage contre la réalité, contre sa douleur, comme un océan qu'il avait comprimé en lui, dans sa poitrine. Un océan aux yeux de Bình.

Ceux-là, durcis, qui se veulent gris, mais ne sont qu'embrasement et tempêtes.
A l'accueillir, son vert à lui, son vert mouillé. Le vert de vie.

Un rire léger.

Comme esclaffé.

Ce n'est pas moqueur, pas même triste. Un constat amère peut-être, sur la situation. Sur l'irraisonnable, sur l'espéré... la fatalité.
Quand le bleu se faisait rougeoyant, le vert devait lutter, s'accrocher contre ses éléments. Renaître de ses colères, de ses tourments.

Car il persistait. C'était le cycle, c'était... ainsi. Ils n'en étaient que les représentants.

Soul a retrouvé son calme, et sa peau luit toujours.

Il a entendu.
Il a écouté.
Il a accueilli.

Et derrière les regrets et les feintes, il a senti.

C'est vrai, il n'a aucune solution à proposer. Il ne peut penser à aucune, mais...
Rien que savoir qu'il existe ici, aussi effroyable soit-il, aussi innommable soient les horreurs que puisse causer son meilleur ami... Alexandre s’apaise.

Bình ne veut pas l'oublier. Bình ne veut pas l'abandonner. Même après. Même avec ses regrets.

Bình veut toujours de lui.

Et Alexandre le veut aussi.


Mais pas ainsi. Et sous sa bravade, sous ce masque étiolé qu'il tente de conserver, Soul refuse que son meilleur-ami pense même une nouvelle fois à se sacrifier.

Les yeux se sont enfin tari, la nostalgie à chaque battement de cœur, tout ce qu'on ne pourra jamais rattraper.
A son tour de le dévisager, au-delà, bien-au-delà de lui-même. A travers la tempête, à travers les ras de marrée, œil du cyclone là où tout avait commencé.
Le regard d'Alexandre, même cerné d'épuisement, semble rayonner tout doucement.

Il sourit.

- Idiot.

Bien sûr qu'il continuerait aussi.

- On est déjà ensemble.

Il vient de le réaliser.

Ils le sont, et depuis près de 60 ans, existent et perdurent sur la même île, à se fustiger, se détester sous l'anonyme, à se sentir sans se reconnaître.
C'est juste les voies qui ont changées. A un moment, pour se séparer.

Mais elles finissent toujours pas se rejoindre.
Toujours.
Quelque soit l'attrait, quelque soit la finalité.

Et ça, Soul, en a l'étrange certitude, celle qu'il ne peut vérifier. Pas de celles auxquelles on s'accroche, non. Il sait.

- Ne te fais pas tuer.

Il n'ose pas lui demander d'épargner les autres, ce serait vain. Le temps volé, celui qu'ils se devaient, le Dragon...
Il ne veut pas y penser. Pas encore.
Il ne peut rien dire d'autre.

Il n'a pas de solution.

Et la seule perspective que leur lien ne pourrait être brisée lui suffit pour l'instant. Il est Alexandre, devenu Soul.
C'était Bình, devenu Lòng.

Le chemin différait. Ils finiraient bien par se rejoindre.
Dans cette vie ou la prochaine.

Dans l'acceptation... ou dans la haine.
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MessageSujet: Re: Happy Returns   Happy Returns EmptyLun 12 Sep 2016 - 22:18


Il le fixe, le dévore de son regard de dragon, en quête d'une réponse à ses provocations, d'une réaction négative. Mais c'est vain, Soul se ferme à ses questions. Soul balaie ses évidences et sa logique glacée en un rire unique, un sourire.

- Idiot.

- C'est toi l'idiot. Qu'il répond machinalement, mais sans joie. Sans un rictus, sans rien. Il est fatigué, Bình.

Il a mal.

- On est déjà ensemble.

Non, il ne le sont pas. Ils sont séparés par leur condition, par leurs statuts respectifs et par tous les enfoirés qui ont osé se mettre entre eux. Lòng sent sa mâchoire se crisper, ses poings se serrer. Il a envie de crier, de le secouer, de lui renvoyer la vérité en pleine face, qu'il souffre autant que lui mais... mais...

... il n'y arrive pas.

Soul sourit comme un gamin heureux, et Lòng... Lòng n'a pas le coeur de briser l'illusion. Pas cette fois, pas ce soir. Un soupir profond ; c'est la trêve qui se déclare.

- Ne te fais pas tuer.

Tss. Le pirate ricane un peu, finit par faire basculer ses talons, s'asseoir. Lever la tête en arrière, le ciel est si noir que cela ne change rien lorsqu'il ferme les yeux.

- Je peux pas mourir, de toute façon.

Une larme incongrue coule de sa paupière close.

- Je suis...

Je suis un dragon, je suis un dragon, je suis un dragon.

Un dragon fatigué.

Un temps. Sans finir sa phrase, Lòng abaisse la tête, fixant son meilleur ami.

- Tu vas le regretter.

Ce n'est pas une menace, ce n'est pas une moquerie. Juste une constatation fataliste de ce qui viendra, de ce qu'il finira par faire parce qu'il n'a aucune idée de comment réagir autrement.

Il tend l'oreille, il lui semble entendre des bruits, au loin.

- Evite de crever.

Avant de revenir vers moi.

Il ne bouge pas, malgré les circonstances, pas encore. Les péripéties de la nuit l'ont vidé de son énergie.

Il a l'impression que ça se rapproche.
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