Colibri aime le temps qu'il fait. Le soleil rayonne au dessus de lui, Colibri se sent soleil. Il va bien, et il sautille dans la forêt, presque nu. La chaleur bat sa peau déjà brunie, il ne sent plus la brûlure qu'il va probablement avoir. Il ne l'a jamais sentie à vrai dire. Colibri est heureux, tout simplement, et il chantonne tout en dansant. Les brindilles s'écrasent sous ses pieds nus, leur craquement fait comme le rythme à la musique.

Colibri est surtout en harmonie. Il n'entend pas les oiseaux voler, car les oiseaux ont trop chaud et se cachent aux endroits frais. Il n'entend pas les animaux Vivre car les animaux ont trop chaud, et beaucoup sont déjà morts. Il n'y a pas vraiment âme qui Vive autour du petit Papoose, alors quand une fourmi vient grimper sur son pied droit, il cesse sa course à la poursuite de la Vie, et s'accroupit brusquement. Il colle son buste dénudé à même la terre brûlante et aride. Il ne ressent même pas la brûlure, il observe les insectes. Courageuses fourmis, qui continuent à travailler alors que tous se terrent dans le peu d'ombre restante. Il les aime, les fourmis. Il les laisse grimper sur son torse, et se relève, les paupières mi-closes, un sourire béat sur les lèvres.

Il n'entend pas leur coeur battre, il est trop petit, mais lorsqu'elles se déplacent et le chatouillent, il rit et chantonne tout bas, pour elles. Il chuchote presque. Il a trouvé la Vie. Il fallait la trouver, tiens, dans cette île déserte où tout est caché, où les arbres souffrent!

Le peau-rouge laisse grimper quelques insectes sur son cou, sur ses doigts, dans ses cheveux, il en laisse d'autre descendre sous son pagne, sur ses jambes, redescendre et partir. Mais ils ne partent pas, il y en a d'autres qui arrivent. Comme si eux aussi, ils avaient cherché un Colibri Pétillant, et qu'ils ne le lâcheraient plus. Colibri sourit encore plus, ses yeux sont totalement fermés. Quand soudain.

Il entend un bruit. Tout de suite ses oreilles s'activent, remuent, s'agitent. Elles peinent à reconnaître le son qu'elles viennent de percevoir. Ça n'arrive jamais, ça, d'habitude. Il est tout surpris et étourdi, il ne comprend pas. Il peut leur faire confiance. Alors, il y a quelque chose près d'ici qu'il n'a jamais vu, qu'il ne connaît pas. Quelque chose de Vivant, pourtant. Il fait volte face, sans se tromper (impossible) dans la direction d'où provient le mouvement. Il ne voit pas. Mais il lance, confiant:

─ Aowh!

Il se rapproche, fouille du regard partout. Où se cache son mystérieux interlocuteur.

─ Te cache pas.

Il ouvre les yeux, il sourit grand comme le Soleil, il tend les bras comme pour réclamer un câlin. Il ne réclame pas un câlin, il réclame la Vie. Il la sentie en la créature qui est là, et l'invite à venir.
Colibri a un truc avec les animaux; généralement, ça marche.
Parce qu'on sent qu'il est en paix, et qu'il ne fera jamais de mal.

Kâduin marchait, comme toujours. Il avait veillé un mort, enfin, il avait espéré que le cœur se remette à battre et donc à partager avec lui. Mais jamais il ne revint, il resta boudeur. Même après les jours qui sont passés alors que la carcasse se décomposait doucement, alors que le Nécrophage attendait. Ce dernier avait fini par dévorer le cadavre. Teintant la chair morte légèrement du bleu de ses larmes.

La Chimère était maigre, comme toujours. Mais jamais elle ne se plaignait de la faim, elle ne mangeait que lorsqu’elle comprenait que le Cœur Boudeur ne reviendrait pas.

Dans la jungle, dans les ruines abandonnées, il entendait les cœurs battre. Ceux de tous. Mais le Chacal se concentrait sur les êtres plus gros, ceux dont le cœur pouvait faire vibrer sa carcasse de fer.

Lui qui était convaincu de ne pas avoir de cœur.
Jamais personne ne pourra lui faire entendre que c’est faux.

Puis un battement, plusieurs, plus ou moins rapides.
Les oreilles noires et grandes se levèrent plus encore, dominant la silhouette qui cachait la maigreur par l’épaisse fourrure majestueuse.

Il suivit, le Nécrophage. Il suivit son ouïe, parmi les pierres. Il trouva finalement l’être qui l’avait attiré.
Discret, il suivait.
Il n’observait pas, lui qui n’avait pas une vue réellement efficace. Il ne voyait que des formes floues à cette distance.

Discret.
Mais l’être, qui semblait humain, un enfant, le trouva finalement.

Salutations, la tête de la Chimère se releva un peu.
Quelques pas.

Les bras semblaient tendus vers lui. Kâduin osa y voir une invitation aux battements de cœur.
Un cœur chaleureux.

Doucement, le Nécrophage vint s’assoir face à l’enfant.

Kâduin ne se précipitait pas, en général son odeur n’était pas appréciée. Le fer trop âcre, trop agressif, trop lié au sang ouvert à l’air, effrayait parfois.

- Aw… Aowh.

La Chimère de fer se redressa lorsqu’il eut prononcé les salutations. Presque fier d’avoir pu redire.
Puis doucement, il vint doucement poser son museau sur l’épaule de l’enfant. Pour accepter le câlin.
C’était rare pour la Créature de pouvoir être proche de Cœurs Battants plutôt que de Rochers.

Un bel animal. Des plus beaux peut être. Et bien Vivant. Un pelage noir et brillant, des yeux bleus qui luisent au milieu. Le corps, décharné, maigre. Mais à l'air si doux? Et puis, il y a cette odeur. Colibri la connaît bien sûr, Colibri a malheureusement déjà fait des guerres, a déjà tenu des objets de fer. Il la connaît, et même son odorat amoindri l'aurait reconnue entre mille. Il penche la tête sur le côté, intrigué, se demandant si la chimère saigne ou a un quelconque problème. Mais elle va bien, il les sent ces choses là, Colibri. Quand un animal souffre il le sait, et Kâduin ne souffre pas. Et ça le rassure, son sourire est apaisé, heureux.
Alors?

Alors il n'y pense plus, il fait avec. Il l'aime déjà l'odeur, parce qu'elle signifie quelque chose maintenant, et parce qu'il n'y a rien que le papoose ne puisse apprécier. À par les gens négatifs... la guerre... mais c'est un autre sujet.
D'abord le loup noir s'approche, s'assoit, salue, puis se relève, et alors il offre à Colibri ce que Colibri a désiré. Il il offre l'étreinte, la chaleur, la Vie. Les bras de l'enfant viennent enserrer son nouvel ami, tendrement. Il chuchote:

─ Comment tu t'appelles?

Il ajoute dans un murmure, s'écartant un peu :

─ Merci,  'cherchais la Vie, je te trouve. T'es la Vie alors. Merci.

Il ne pourra jamais dire merci autant de fois que son coeur le pense. Son coeur qui bat calmement, tranquillement, au creux de sa poitrine. Colibri Pétillant a un grand sourire puis s'assoit à l'ombre d'un mur à moitié détruit, adossé contre la pierre brûlante. Il s'est à peine éloigné du Nécrophage, il le regarde amoureusement. Oui, l'Anguille est tombé amoureux de Kâduin. Ça s'est passé très vite. Ce n'est pas de l'Amour comme on l'entend, il aime la Vie que représente Kâduin qui est devenu un Soleil supplémentaire dans le ciel.

─ Ton odeur... Tu es blessé?

Il revient au sujet qui le turlupinait initialement. Normal.

Un Cœur Battant qui voulait bien partager ses battements, voilà qui était agréable. La Chimère put être sûre qu’il ne s’agissait pas d’un Rocher. Ni d’un Cœur Boudeur.
Puis le papoose posa une question, une question importante. Celle qui demandait le nom. L’Amie de la Chimère de Fer lui avait enseigné que son nom était très précieux, que chaque nom l’était. Qu’il fallait à jamais se souvenir de cette appellation qui se lie à nous dès la naissance. Aussi précieux que l’ombre.

-Kâduin s’appelle Kâduin.

Ensuite, le Peau-Rouge remercia. Et ajouta que le Nécrophage était donc la Vie. Les oreilles de l’animal se dressèrent un peu plus.

Il était la Vie ?
Il aimait bien cette pensée.

Le Cœur de son interlocuteur battant d’un rythme régulier et calme apparemment, de simples et tranquilles battements.
Ça faisait vibrer les os et le sang de Kâduin, lui qui pensait de pas avoir de cœur, il était heureux qu’une personne partage avec lui.

Un bruit dans le ciel attira l’attention temporaire du chacal, un oiseau sans doute, ou autre chose. Peut-être Peter Pan qui allait enfin régler cette canicule ?

Puis il se rendit compte que le Peau-Rouge s’était éloigné, enfin, ne partageai plus l’étreinte. Ce n’était pas grave, il pouvait encore entendre les battements.
Kâduin pensa que choisir l’ombre plus clémente que le soleil, était une bonne idée.

Une autre question fut posée.

Est-ce qu’il était blessé ? Le Nécrophage ? Ce dernier baissa la tête pour se regarder, se tortillant un peu pour se contrôler. À part sa maigreur cachée sous la fourrure, il ne trouva rien.

- Kâduin va bien, il s’agit peut-être de l’odeur des crocs, des griffes, du sang ou des os de Kâduin. L’Odeur a toujours été ainsi. Comme celle du Rocher ou de l’Amie de Kâduin.

Par mimétisme, la Chimère voulut poser une question. Et il ne se retint pas.

- Comment le papoose s’appelle ?

Il voulait bien savoir, les Cœurs Boudeurs ne donnaient jamais leur nom. Mais ceux qui partageaient, donnaient.

Kâduin.
Kâduin. Colibri aime bien ce nom, il roule bien sur le palais. Il y a des épices et du soleil, mais un peu de nuit aussi dedans. Lorsqu'il le prononce, ce qu'il ne manque pas de faire plusieurs fois pour s'habituer, ça lui plaît. C'est un peu étranger comme mot! Si inhabituel! Ça lui plaît.
Il sourit à s'en déchirer la mâchoire, à crever le ciel azur, il est heureux. Et il devient encore plus heureux de savoir que la chimère va bien, et que ce n'est que son odeur naturelle.

Le papoose en déduit que Kâduin est une chimère de métal, et qu'à ce titre, elle mérite d'autant plus d'admiration. L'odeur âcre jusqu'ici prend une autre senteur, son regard sur elle a changé. Il la voit comme un critère d'exception plus que comme un critère d'étrangeté. De la nouveauté, encore, toujours. Il n'avait jamais vu ça. Oh, certes, il connaît Fuse! Tout le monde connaît la miraculée, une chimère naturelle de feu. Mais le métal, c'est autre chose. Les yeux débordants d'amour et d'admiration, Colibri pétillant annonce:

−C'est ton odeur à toi. Elle est trop bien.

Et il le pense. Il est tout ce qu'il y a de plus sincère. Il se présente:

− Moi, Colibri Pétillant. 'Est un tout petit oiseau qui vole trrrrrrrèèèèès vite, 'connais?

Plutôt rares, les colibris, sur cette île. Il y en a dans la jungle mais la jungle on la dit dangereuse. L'Anguille ne sait pas d'où vient Kâduin, mais il s'imagine qu'il n'est pas familier de cette espèce d'oiseau. Pourtant ils sont merveilleux! Pas que parce qu'ils lui ont donné son nom! Non, il les aime vraiment! Alors qu'il n'était qu'un papoose sans nom, il leur courait déjà après à travers la luxure de la végétation qui l'entoure, et pendant des heures, infatigables; il prend alors conscience qu'il se trouve dans le lieu des jeux et courses poursuites de sa petite enfance. Et qu'il n'y a pas un seul colibri aux alentours.
Il n'y a que les fourmis. Et Kâduin.
Ça le rend triste, ça se sent dans sa voix quand il reprend la parole:

− Mais y sont plus là... 'fait trop chaud. T'as pas chaud, toi, avec tes poils?

Le papoose semblait heureux. La Chimère aimait entendre les battements de la sorte, ce n’était pas comme les Cœurs Boudeurs. Ceux qui se fichaient bien de la présence de la Créature.
Cette dernière finissait toujours par les dévorer.
Récupérant le fer dans le liquide rougit par l’oxydation.

Le Chacal remua sa queue à la réponse du petit Peau-Rouge, il était content de savoir que son odeur ne dérangeait pas.

Puis sa nouvelle connaissance se présenta. Colibri Pétillant. Ce dernier décrivit rapidement ce qu’était l’animal dont il portait le nom, mais le Nécrophage ne pu répondre à la positive. Il ne se souvenait pas en avoir vu. Peut-être n’avait-il tout simplement pas été aux bons endroits aux bons moments.

Kâduin observa les alentours, comme pour chercher ces petits oiseaux. Mais ses oreilles se retournèrent en direction de l’Anguille, et la tête suivit le mouvement. Il y avait quelque chose qui sonnait un peu comme, comme certaines paroles de son Amie.

- Kâduin souffre de la chaleur comme l’île entière. Mais Kâduin cherche la fraîcheur dans les bâtiments, au Port.

La Chimère s’y était fait une attache importante, et il avait de plus en plus de peine à s’en détacher. Par peur de ne plus entendre le cœur battre.
Mais il avait aussi l’impression d’apprendre plus, de mieux comprendre ce qui l’entourait. De compléter ce que son premier Cœur lui avait enseigné.

Le Nécrophage buvait plus qu’il ne mangeait, il buvait lorsqu’il le pouvait. Cependant… ce qui correspondrait le mieux à son organisme, c’était la chair morte. Hors, il en trouvait encore assez souvent. De pauvres êtres morts de soif.
Il ne pouvait passer du temps aux côtés de tous ces Cœurs Boudeurs.
Ils en voulaient sans doute à l’île. Ils en voulaient sans doute de cette joie qui dévoraient leur vie.

- Kâduin est heureux d’entendre le cœur de l’Île battre de joie, mais il est triste de ne plus en entendre d’autres.

Les oreilles plus basses.
La Chimère de Fer n’aimait pas l’eau, mais elle la savait salvatrice. Lorsqu’il pleuvait, elle se terrait où elle le pouvait pour ne pas couler.
Pourtant, le Nécrophage était à terre. Mais impossible de le raisonner. L’eau le noyait, mais pourtant il ne forçait à boire. C’était déjà bien. Puisqu’il pouvait ne pas se nourrir durant longtemps.

Oui, il faisait chaud, pour tout le monde. Mais Colibri étouffa un petit cri de terreur à l'évocation de là où la chimère allait se refroidir. Le port des pirates! Cet horrible endroit qui avait poussé très vite et sur la même côté que là où se trouvait le village des Delaware. Juste après sa plaine de Bisons chérie où il aimait tant se recueillir lorsque le temps était plus clément. Tout près de sa maison à lui. Et il n'y avait que des visages pâles adultes là bas. Le papoose voulait les aimer, mais ils n'étaient pas gentils, beaucoup d'histoires affreuses revenaient de cet endroit, des pirates en général.

Et Colibri s'inquiétait pour son nouvel ami qui prenait tant de risques pour son bien être! Les animaux ne pouvaient pas être tous nus pour moins souffrir la chaleur. C'était difficile pour eux, pour sûr. À ce moment, il ressentait beaucoup d'empathie, mais il était également assez contrarié. Ses petits sourcils bruns étaient froncés légèrement, il mit en garde Kâduin:

—Les pirates sont méchants, 'sais. Fais attention, j'veux pas qui t'arrive de mal.

Un soupir, un regard vague perdu lointainement. Ensuite, il concorda son avis avec celui de la chimère de Fer, puisqu'ils pensaient la même chose à peu de choses prêt; que leurs avis s'assemblaient, il recherchait pareil. Il avait les mêmes problèmes.

— Oui, la vie se perd. Il y a que les fourmis, et toi. Heureusement qu'on s'a trouvé, hein!

Il rit un peu de ce qui n'était pas drôle. Il avait vraiment besoin du Nécrophage à ce moment là. Il le sentait. Il n'avait pas trouvé Aigle, en plus. Et c'était important. Il demanda donc, même si dans sa tête ça sonnait presque un ordre, tellement c'était essentiel à son bien être actuel:

— Tu vas rester avec moi?

La Chimère écoutait les dires de cette nouvelle connaissance si sympathique, qui ne boudait pas, qui laissait entendre son cœur battre.
Kâduin sentit quelque chose d’étrange, de différent. Un air contrarié peut-être ? Selon les sourcils froncés.

Le Chacal pencha légèrement la tête sur le côté, puisqu’intrigué. Pourquoi Colibri disait-il ces choses ? Pourquoi cet air si grave ? Et surtout, pourquoi les pirates seraient si méchants ? Tous étaient à la fois le danger et la sécurité, selon Kâduin, ce dernier étant ancré dans sa vision du neutre.

Sans doute ces Hommes apportaient du mal à Colibri, cependant, ils avaient aussi apporté du bien au Nécrophage.

Il ne fallait pas déranger la pensée de l’Anguille, car elle devait sans doute être juste. Kâduin avait déjà observé des plaies infligées à des cadavres, des plaies qui semblaient concorder avec les armes qu’il avait vues au Port.

- Kâduin est protégé des pirates. Colibri n’a pas à s’en soucier. Kâduin a toujours su survivre.

La Chimère de fer hocha doucement la tête, heureusement qu’ils s’étaient trouvés. Heureusement qu’il y avait encore un cœur battant qui voulait bien partager ses battements. Sa vie. Le rire qui résonna dans le squelette de la Créature, sonnait faux, il y avait quelque chose de forcé peut-être. L’animal ne pu réellement trouver la solution, la raison, ou même s’il avait trouvé la juste interrogation.

Puis autre chose fit redresser les oreilles du Necrophage, une demande, une interrogation venant du Delaware.

Est-ce que la Chimère allait rester avec l’Anguille ? Il n’avait pourtant pas eu l’impression de faire penser le contraire. Cependant, la Créature ne se posait pas toujours les bonnes questions, un peu trop ailleurs peut-être.

- Kâduin ne comptait pas partir tout de suite, Kâduin peut rester.

Comme une évidence, parce qu’il retournerait à la recherche des cadavres à veiller avant de les dévorer. Il resterait le temps qu’il faudra pour que ça aille mieux, pour que l’on ne s’inquiète pas trop de son absence aussi.

L’île était dangereuse, aussi bien pour une Créature que pour un humain.

La Chimère de fer se redressa, se promenant dans les alentours, dans la zone où ils se trouvaient. Puis il se retourna, Colibri n’était pas dérangé par cette odeur acre, cette odeur sœur au sang.

- Colibri Pétillant voudrait voir Kâduin jouer avec le fer ?

Distraire, regarder autre chose que la désolation des végétaux et de la faune. Les minerais étaient là, eux aussi, ils ne souffraient pas, mais ils faisaient partie intégrante à l’île, non ?
La Chimère commençait déjà à ressentir la présence d’une mine, plus loin. Enfin, une mine, selon ce que le Nécrophage pensait.

La réponse positive du papoose rendit heureux le Nécrophage, lui qui puait la mort, le sang, le fer brute contenu dans les êtres au sang rouge. Cette même odeur s’évadant de plaies sanguinolentes. Lui qui puait tant le malheur, avait trouvé un autre être qui n’en avait cure.

Il observa alors autour de lui, s’éloignant un peu de Colibri Pétillant. La Chimère cherchait son élément, sa moitié, sa composition.

Il cherchait le minerait, et la vue ne servait à rien dans cette tâche, alors la vision brouillée de la Créature ne l’handicapait en rien. Il entendait le fer qui vibrait, usant de son pouvoir, cherchant à faire réagir la matière. Quelque chose répondait, il pouvait l’entendre frapper légèrement la pierre. Ce devait être un objet abandonné par des humains venus en exploration.

Kâduin adressa un regard à l’Anguille le temps de lui dire qu’il revenait tout de suite. Et le Chacal noir couru, slalomant entre arbres et colonnes en ruine. Quelques minutes à peine, il trouva le fer qui avait réagit à son appel.

Un coffre décoré de bordures en fer, et d’un cadenas.

Usant à nouveau de son pouvoir, le fer lié à l’objet le fit vibrer. Reproduisant ce son tambourinant, mais Kâduin ne pouvait pas le déplacer et l’amener à Colibri.

Un soupir rapide, l’animal n’allait pas s’avouer vaincu. Il repartit sur ses pas encore plus vite qu’auparavant et regagna la position du petite Peau-Rouge.

- Colibri, Colibri ! Kâduin a trouvé un trésor ! Mais Kâduin ne peut pas le prendre, il faut venir !

Le Nécrophage était pareil à un chien de chasse voulant à tout prix montrer au chasseur où se trouvait la prise, avançant un peu, pour inciter l’humain à le suivre. Excité par sa trouvaille qu’il voulait partager avec Colibri Pétillant.

La Chimère n’était pas peu fière de sa trouvaille, et encore, cela redoubla lorsque Colibri lui dit qu’il était fort. Kâduin bougeait même la queue de contentement. Il observait aussi le coffre que l’Anguille remuait dans tous les sens. Mais s’il percevait les bruits de la boîte métallique, il entendait aussi les battements rapides de l’humain. Ça débordait de vie et de chaleur, ce que le Nécrophage avait l’impression de ne pas avoir. Alors il était heureux d’entendre ça.

Il se concentrait sur le trésor qui pesait plus ou moins lourd, le faisant même un peu vibrer de par le fer qui était parmi les alliages qui semblaient avoir servi afin de faire le métal. La Chimère de fer tournait elle aussi autour.

- Kâduin cherche comment, le fer le dira.

Finalement, suivant le chemin des vibrations du minerai qui répondait, l’animal trouva ce qui allait finalement leur donner la solution. Les oreilles du Nécrophage se dressèrent de leur longueur et la Créature approcha son museau du loquet qui tenait fermer l’objet.

- Le fer a répondu, ici !

Les yeux bleus de la Chimère Naturelle se mirent à briller, et le loquet à vibrer. Au bout de quelques secondes, il s’ouvrit.

Il y eut comme une odeur de fleur, séchées, qui s’échappa de l’ouverture. La Chimère eut l’impression de sentir à nouveau la deuxième odeur qui habitait son premier cœur. C’était étrange.

Il n’y avait pas que ça, il y avait autre chose, ce n’étaient pas des fleurs séchées qui donnaient autant de poids.

- Kâduin sent une odeur fleurie, une vieille odeur de très longtemps, mais ne sait pas ce qu’il y a d’autre…

Le Nécrophage jeta un regard au Papoose, comme pour voir s’il était toujours là. Puis il leva le couvercle à l’aide de sa truffe. Il y avait effectivement des fleurs mortes qui gardaient un parfum infime que le flaire du chacal permettait de tout de même percevoir. Cependant, les végétaux recouvraient quelque chose d’autre.

Au fil de la découverte, Kâduin était curieux de connaître la finalité. De savoir ce que la boîte renfermait comme secret ou comme trésor. Au fil de la découverte, les oreilles de la Chimère écoutèrent de plus en plus le cœur de Colibri. Il battait fort. Plus fort que ce qu’il avait pu entendre auparavant, le Nécrophage.

La Créature de fer et de chair abaissa un peu les oreilles en signe de petite déception de ne pouvoir répondre favorablement, juste un mouvement de tête. Un balancement signifiant la négation.

La Chimère Naturelle était un peu déçue de ne pouvoir découvrir entièrement le petit mystère. Il pourrait demander à Moriko de lui apprendre, peut-être. Plus tard. Dans un temps indéfini.

Puis les yeux tout bleu de Kâduin se relevèrent sur l’Anguille, il observa les gestes du Delaware. Il avait déjà senti ce genre d’odeur auparavant. Même si ses yeux voyaient mal, l’odorat marchait normalement. L’ouïe ne servait pas à beaucoup dans cette situation-ci.

Mais bien vite, les oreilles se redressèrent de toute leur longueur. Le grand Chacal écouta les nouvelles paroles de Colibri.

La Chimère entendait la voix et les battements. Se superposant. Il finit par abaisser à nouveau un peu ses oreilles. Le fer ne réchauffait pas et ne lisait pas. Kâduin s’en retrouva peiné.

- Kâduin n’a ni feu ni lecture…

Il se souvint de la fumerie de l’Infectée, Colibri voulait sans doute se calmer un peu. Comme ceux qui planaient dans l’Amanite. Peut-être, mais certains finissaient par perdre leurs battements. Colibri ne doit pas perdre les siens. Mais ce n’était pas la même substance, l’issue n’en serait donc pas pareille.

- Kâduin connaît quelqu’un qui les a, lecture et feu ! Mais Colobri ne va pas aimer l’endroit… Colibri connaît d’autres personnes ?

Un temps, Kâduin tourna la tête un peu dans tous les sens. Pour les alentours. Il avait vu un reste, un cœur boudeur qui avait quelque chose avec un peu de fer. Quelque chose de rare mais que la Créature avait déjà plus d’une fois faire jaillir du feu. Un briquet. Un cadavre qui avait un briquet sur lui. Kâduin avait déjà dévoré le cœur devenu maison de larves depuis quelques heures.

- Kâduin sait ! Pour le feu, un objet qui en fait jaillir, il y en a un pas trop loin. Colibri veut ?

Cette fois-ci, le Nécrophage était content de pouvoir donner quelque chose de favorable, et non de négatif à la demande. Il allait juste falloir bouger un peu. Se laisser guider par l’appel du fer, du peu de fer présent dans cet objet.