Rounard avait depuis longtemps suivi tout ce qui se passait aux alentours. Depuis qu'il était allé dans les Galeries de Cristal, qu'il en était seulement sorti avec des capteurs défaillants. Heureusement pour lui, ce ne fut qu'une question de jours avant que tout se remette en place.
Il savait bien qu'il y avait eu d'autres choses entre, un moment de repos, histoire que tout le monde souffle, puis c'était reparti. Entre temps, la fille rose bonbon était venue rendre une petite visite aux animatroniques.
Comme d'habitude, lui était resté loin. Et elle avait été déçue de voir l'état de surchauffe de Nandy, et Couleuvre était encore restée cachée, loin des Hommes, dont elle avait peur, et dont elle ne voulait pas qu'ils aient peur d'elle.

Enfin, il y eut ce fameux jour, où le Rapide avait entendu une sorte de cri résonner au loin. Puis, des trombes d'ezu se déversèrent sur l'Île. L'atmosphère s'était rafraîchie d'un coup, ses curcuits ne hurlaient plus.
Il s'était dit que tout allait être fini le lendemain, que c'était juste une pluie passagère et contrôlée afin de faire revivre un peu l'Île.

Mais ça n'avait pas cessé. Au contraire, la pluie continuait, tantôt fine, tantôt battante, résonnant contre le toit du vieux Restaurant.

Les animatroniques y étaient tous coincés, d'ailleurs, dans ce Restaurant qui est le leur. Leur propriété.
Et ils sont définitivement bien seuls, mais entre eux.
Il y a Couleuvre. Alors, Rounard est un peu moins ronchon, grâce à sa présence. C'est son rayon de soleil, malgré son apparence désastreuse.

Ce jour là, ils regardaient tous les deux la pluie qui tombait sur le sol du Parc d'Attractions, l'un à côté de l'autre, accoudés à une fenêtre dont la vitre était brisée. Ils ne se disaient pas un mot, seulement, ils regardaient cette pluie, qui formait un rideau transparent tout autour d'eux.
Et ils étaient bien contente d'avoir un endroit où s'abriter. Car ils craignent la pluie, la rouille qu'elle occasionne dans leurs circuits. Cela pouvait être comme "mortel" pour eux. Si leurs articulations venaient à rouiller, ils ne pourraient plus jamais bouger !

- Bon... Je vais ailleurs, cette pluie incessante me rend triste.

Grésilla la renarde délabrée, tout en se retirant lentement, laissant son compagnon seule. Celui-ci la vit ramper sur les carrelages noirs et rouges de la grande "Salle de Réception", comme il était mentionné sur le panneau juste au-dessus du cadre d'une pirte maintenant inexistante.
Rounard soupira, de sa voix métallique, rauque, avant de venir s'appuyer à une table, non loin. Il shoota dans un chapeau de fête pointu, soulevant un petit nuage de poussière.
Ce lieu aurait vraiment besoin de se refaire une beauté, comme ses habitants, d'ailleurs. Quand on pense à tous ces robots maintenant dans un état lamentable, et tous ces "cadavres" d'animatroniques encore entassés dans le Local, qui, alignés les uns à côté des autres aux quatres murs de la pièce, se sont éteint les uns après les autres et n'ont plus daigné bouger depuis si longtemps !
D'ailleurs, c'est un coup de chance qu'un gamin ait un jour trafiqué Rounard et l'ait sorti de son mode "veille" sans le faire exprès. Sinon, il serait dans le même cas que ses congénères, encore aujourd'hui.

Le vieux renard robotique releva le cache-oeil sur son oeil droit, tournant la tête à droite, puis à gauche, afin de mieux observer la pièce où il se trouvait. C'était une vaste pièce rectangulaire, au centre du restaurant. On pouvait y entrer par différents accès, divers et variés.
Il y avait par exemple deux entrées reliées par les couloirs Est et Ouest, menant tous deux à deux sorties. Il y avait aussi, juste à la jonction entre le couloir Est et la Salle de Réception, les toilettes des filles, et des garçons. Tout au fond dans la pièce se trouvait une grande scène fermée de rideaux rapiécés, derrière lesquels devait peut être se trouver Nandy, qui sait, à moins qu'il ne soit parti ailleurs, ou même, qu'il se soit risqué dehors par ce temps.
À la gauche de cette scène, un petit local fermé, et dont les verrous de la porte sont rouillés. C'est la salle du générateur. Et à côté de cette fameuse salle, la Salle des Costumes, ou le Local. C'est un cul-de-sac morbide où des corps d'animatroniques jonchent le sol et recouvrent les murs. La porte est toujours entrouverte, car l'espoir des autres robots de voir l'un de leurs semblables se réveiller est toujours là.
Et, juste à côté du Local, à la gauche du couloir Ouest, se trouve la "Crique des Pirates", avec ses vieilles peintures rappelant une plage et l'océan. C'est là où se trouve la scène de Couleuvre et Rounard, là où la renarde nlanche est partie se réfugier, juste derrière les rideaux aux petites étoiles. C'est aussi dans ce même lieu que Rounard resta bloqué, en train de pourrir, en veille, pendant il ne sait combien de temps.

Dans la vaste salle où il se trouvait en ce moment, se tiennent de vieilles bornes d'arcades dont certaines étaient hors d'usage, l'électricité faisant des siennes à cause de la magie, ou à cause de leur mauvais état. On peut aussi y trouver de grandes tables et leurs multiples chaises, bien rangées sous celles-cinou éparpillées dans la salle.
Rounard traîne d'ailleurs la patte vers l'une d'elle, la choppe sans ménagement de sa main gauche (la droite étant occupée par un crochet), et la traîne jusqu'à une place libre sous l'une des tables. Pour la glisser en dessous, il n'hésite pas à y donner de petits coups de pieds, jusqu'à ce qu'il s'interrompe net.
Ses oreilles se dressent, il se renfrogne.
Il a entendu un bruit, qui n'était pas celui, métallique, comme ceux des animatroniques.

Les yeux du renard robotique tournent lentement. Droite, gauche. Puis, sa tête suit. Il la tourne plusieurs fois dans la même direction avant de remarquer quelque chose de suspect : il y a un truc sur une table qui n'y était pas avant.
Quoi ? Un gamin aurait laissé une peluche et il ne s'en serait pas rendu compte ? Impossible. D'ailleurs, ce n'est pas une peluche. Ça bouge ! Ça s'ébroue !
Il s'approche, doucement, le renard ! Il essaye de faire le moins de bruit possible sur le carrelage, mais ce n'est pas simple lorsque l'on a la fourrure qui est partie en lambeaux, révélant une partie de l'endosquelette...

Le "truc" se révèle être une boule de poils rousse, qui n'a pas l'air désorientée par le paysage. La preuve, elle faisait apparemment sa toilette. Pourtant, vu son apparence, elle a l'air de venir de loin. De la forêt, ou même de la jungle, qui sait.
Rounard semblait jouer à 1, 2, 3, Soleil avec la petite Créature, s'immobilisant complètement lorsqu'il détectait le moindre mouvement suspect chez celle-ci.
Au bout d'un moment, il finit par se retrouver juste derrière elle. D'un geste vif, il la laisit par la peau du cou, et la soulève sans aucune délicatesse, l'amenant au niveau de sa tête.

Les yeux dans les yeux, le Rapide cliquette des paupières, visiblement étonné. Roux, petit, de grandes oreilles, de grands yeux bruns, un crâne d'il-ne-sait-quoi posé sur le haut du crâne, une arme, en os, elle aussi. Pas de doute; cette petite chose avait tout l'air d'un petit sauvage !
Mais par sa taille, il n'avait pas l'air bien dangereux.
Après l'avoir observé sous toutes ses coutures, l'animatronique continue tout de même de tenir la chose à bout de bras. Décidément, il faisait de drôles de rencontres, en ce moment, dans le Restaurant. Un pantin, un truc volant, et maintenant ça...

- T-t'as un nom, mathu-mathurin ?

Qu'il finit par dire, le renard, de sa voix grésillante et caverneuse, sa voicebox butant encore sur quelques mots depuis qu'elle fut endommagée. Cette fois, pas comme la dernière, lors de sa rencontre avec Thaumas et l'autre truc volant donc il ne sait plus le nom (est-ce qu'il le mui avait dit d'ailleurs ?), il n'y avait aucune animosité dans sa voix, juste de la curiosité.

- Moi, je suis le Cap-le Cap-le Cap'tain Rounarrrd...

Rajouta-t-il d'un ton plus enjoué, se désignant de son crochet en le pointant vers son torse. Il essaya même de sourire, révélant des dents pointues dont certaines étaient dorées, alors que son cache-oeil se relevait lentement.
Décidément, ils auraient pu faire un animatronique au design plus sympathique...

La petite chose que Rounard tenait à bour de doigts ne semblait ni effrayée, ni belliqueuse, il en était maintenant certain. Il s'était correctement présenté, mais il commença encore plus à intriguer le vieux renard robotique lorsqu'il commença à babiller des choses dont il ne comprenait d'abord pas le sens.
Lorsqu'il comprit enfin ce que racontait la boule de poils, il en fut surpris ! En fait, c'était un mélange de bruits et de tentatives de répétitions de ce que l'animatronique disait. Et il était tout heureux, se balançant joyeusement au bout de sa main, la queue repliée contre son ventre.

"Avec ma voicebox défaillante, je ne suis pas le meilleur robot dont on peut répéter les paroles..."

Se dit Rounard alors qu'il observe de nouveau le petit spécimen bien intriguant qui a l'air un peu appreuré. Mince, les dents. Vite, il fait faire quelque chose !
Le Rapide se concentre, essaye de refermer complètement sa mâchoire, mais se résigne bien vite; c'est vrai qu'elle s'est cassée et il ne peut plus la fermer complètement, depuis l'incident...
La simple pensée de ce qu'il avait fait ce jour là, le simple souvenir du Perdu Scourge, lui firent comme un pincement à ce coeur qu'il n'avait pas. Mais ça faisait tout comme. Il baissa les oreilles, soupira brièvement, avant de reporter son regard sur Susu -il avait décidé d'abréger son nom pour plus de facilité- qui, apparemment, essayait de dire ou renard, ou son nom.

Il s'applaudit d'ailleurs lorsqu'il réussit à l'articuler le mieux possible, puis se dégage de la prise du robot, aterrissant sur la table presque sans un bruit.
-Pouf.-
Puis il s'approche, observe l'intérieur de Rounard par le trou béant sur son torse, y lance un mot que l'animatronique ne comprend pas, mais qu'il sent résonner en lui. Il ne bouge pas d'un pouce, de peur que la petite chose ne se coince dans l'un de ses mécanismes si par malheur elle décide d'y mettre la patte.
Une nouvelle phrase que le Rapide ne comprend pas, et se contente de hocher la tête en un grincement, visiblement perturbé de ne pas comprendre ce que lui dit la boule rousse.

Cela aurait pu continuer longtemps, si Rounard n'avait pas compris sa dernière question. Il l'avait tourné et retourné dans sa tête, le "Peeda pa", avant de trouver qu'il s'agissait, ni plus ni moins, d'un nom.
Peter Pan.
Rounard aurait pu se poser des questions à ce sujet s'il n'avait pas vu Susu regarder son crochet en plastique. Il devait connaître l'histoire de la main de Hook et le comparer avec lui...

- Ho non...

Fit le renard, gloussant un peu de sa voix robotique. Caressant amicalement la tête de l'Artifice -le plus doucement qu'il le pouvait, il avait toujours été un peu brusque, en tant que robot-, il secoua la tête à la négative en un crissement mécanique.

- On m'a fabrrrriqué comme ç-ç-ça.

"C'est un peu compliqué, je sais." avait-il envie de rajouter. Il est vrai qu'une petite bête sauvage comme lui, bien que propre à l'Île, ne connait sans doute pas ce qui n'est pas organique, étant donné d'où il vient. Jungle, ou forêt.
Ils ne sont décidément pas issus du même monde.

- Robot.

Finit-il par dire simplement, donnant un coup sur son torse, faisant résonner sa carcasse métallique. Bizarrement, cela l'amusait de se retrouver en face d'un "invité surprise" aussi distrayant. On aurait dit un enfant en bas âge, qui essaye de répéter du mieux qu'il peut ce qu'on lui dit.
Ça lui rappelait son passé, au vieux renard robotique, lorsqu'il faisait le bonheur des plus jeunes dans ce même Restaurant.
Mais ce temps était révolu... Les enfants, et lui-même, ne sont plus ce qu'ils étaient.

- Allez. Grimpe !

Lance-t-il subitement, tendant le bras le moins dangereux en direction de la peluche rousse aux grands yeux. Petit comme il était, il pouvait aisément monter sur l'une de ses épaules, ou même sa tête. Il ne sentirait rien.
Ils n'allaient pas rester plantés là, non ? Autant visiter.